À écouter en version audio ici !
Au Rojhelat
La semaine dernière, il y a eu de nouveau un mouvement de grève des commerçants dans plusieurs villes du Rojhelat, la région kurde au Nord Ouest de l’Iran, qui sont situées à la frontière avec l’Irak. Nous vous parlons fréquemment de ces manifestations, car en Iran comme dans d’autres pays qui oppriment les Kurdes, l’économie est utilisée comme moyen de répression et de contrôle. En Iran, après la révolution de 1979, le gouvernement iranien a repris des politiques de sous-développement programmé dans les régions kurdes.
Le sous-développement programmé ne consiste pas seulement en l’absence de politiques publiques et d’aide au développement dans des zones paupérisées, mais surtout en la planification par l’état de la paupérisation d’une population sur du long terme. Des outils sont utilisés par l’État iranien pour organiser la paupérisation du Kurdistan sur du long terme. Ces outils, officiels comme officieux, sont nombreux. Ils consistent par exemple en la destruction des industries dans les villes kurdes et l’interdiction d’en installer des nouvelles, ce qui supprime les possibilités d’emplois. De nombreux villages ont été détruits, les forêts et les cultures brulées, et les champs minés, ce qui empêche, sur plusieurs décennies, l’exploitation des terres par les paysans. Or, les populations kurdes en Iran sont toujours majoritairement rurales, et leur survie repose donc beaucoup sur l’agriculture.
Les soi-disant programmes de développement mis en place par le gouvernement iranien passent par les bassidji*, une milice paramilitaire et civile de l’Etat iranien.
La drogue est également un autre outil de ces politiques de contrôle et de répression, au travers de l’économie, par l’État iranien. L’État iranien inonde en effet de drogues les régions kurdes. Un dicton dit, dans la ville de Kermasha, que « le kilo d’héroïne y est moins cher que le kilo de farine ». Les arrestations pour détention et trafic de drogue, souvent montées de toute pièce, sont un moyen de maintien de la terreur au sein de la population.
Ces politiques ont détruit l’économie au Kurdistan, en particulier dans les zones frontalières, moins connectées aux autres régions. Dans les villages, privés d’emplois et de moyens de subsistance, beaucoup d’hommes et de femmes se sont donc tournés vers la seule activité économique possible : le passage de biens (alimentaires, manufacturés, essence, alcool, etc…) depuis l’Irak vers l’Iran. La pratique étant bien sûr interdite, le passage se fait de deux manières. Soit par la route, à des postes frontière semi-officiels où le passage se monnaie très cher ; soit à dos d’hommes et de femmes, ou de mulet, à travers la montagne. Ces passeurs sont apellés kolbar*. L’État iranien joue sur l’ouverture et la fermeture des postes de frontières semi-officiels, car cela lui permet de mettre sous dépendance la population kurde. La fermeture et ouverture irrégulière de ces postes fait monter en flèche le prix des denrées alimentaires, plaçant la région dans une instabilité constante. Des manifestations sont souvent organisées pour protester contre la fermeture des postes semi-officiels. Récemment une manifestation a permis de faire rouvrir une route fermée par les autorités de la ville de Baneh.
Mais depuis près d’un an, l’Iran militarise très fortement les montagnes kurdes et notamment la frontière. Le passage devient donc de plus en plus difficile. Les gardes frontières tirent à vue sur les Kolbar*. Beaucoup d’entre eux meurent aussi en essayant d’emprunter des chemins dangereux pour éviter les gardes-frontières. Ainsi la semaine dernière, dans la région de Sardash, un kolbar* a été abattu par les gardes frontières, deux autres ont été blessés par balles et un autre est mort d’une chute.
Pour compléter les nouvelles de la semaine, voici quelques informations brèves :
Au Bashur (Kurdistan du Sud, en Irak), l’armée turque augmente considérablement sa présence armée au sol et bombarde intensivement les montagnes, où le PKK* a installée depuis plusieurs décennies ces campements de base.
Au Bakur (Kurdistan du Nord, en Turquie), les raids menés par l’armée turque dans les maisons kurdes continuent. Ces opérations visent à arrêter des représentants politiques kurdes et des militants. De plus, les autorités de la ville de Hakkari ont interdit la publication de tout communiqué de presse, et rassemblements, pendant les trente prochains jours