C’est quoi l’idée ?
L’idée de ce carnet provient d’une réflexion collective contre l’enfermement, quel qu’il soit, même si nous parlons ici de la prison en particulier. Malgré de nombreuses différences, un grand nombre des questions posées dans cette brochure peuvent également s’appliquer à l’enfermement psychiatrique et au CRA (Centre de rétention administrative) par exemple.
Au cours de discussions, le besoin s’est fait sentir d’avoir un outil sur lequel se reposer pour appréhender notre rapport individuel à un enfermement futur. Il s’agit ici d’y réféchir personnellement pour mieux se connaître et pouvoir le partager avec ses proches. L’idée est de prendre le temps d’envisager les implications de nos choix et nos envies, pour nous, pour les personnes qui vont nous soutenir en dehors de la taule et la signification politique que tout ça peut avoir.
On souhaite que cet outil soit une façon de faciliter le soutien de personnes incarcérées. Il est pensé pour être rempli individuellement tout en étant destiné à être lu par les personnes qui sont dehors et leur permettre de réagir au mieux, surtout dans les premiers moments d’incarcération où la communication peut être inexistante. Il permet aussi de soulager la charge mentale qui peut être écrasante, puisqu’on doit gérer tout un tas de choses quand un.e ami.e se retrouve dedans.
C’est aussi une façon de se préparer collectivement à la taule : on voudrait que ce carnet puisse aussi servir de base de discussion pour développer un rapport à l’incarcération qui puisse être collectif et partagé. Une manière de s’y confronter en amont, avant d’être “au pied du mur” et ainsi se donner des billes ensemble pour se sentir plus fort.e. On voudrait que cette réflexion et approche de la taule puisse participer à atténuer la peur de l’incarcération, pour se sentir moins isolé.e.
Cet outil nous semble important mais il ne se suffit évidemment pas à lui-même. On a choisi de lui donner la forme d’un formulaire, tout en ayant conscience que c’est assez limitant. On a essayé de rencenser le plus d’enjeux possibles ce qui ne veut pas dire que c’est exhaustif, ni que les questions posées te sembleront toutes pertinentes. Il faut aussi savoir que la plupart des expériences sur lesquelles on se base ont eu lieu en Ile-de-France. En tout cas, ça peut être une source d’inspiration pour un autre type de support (par exemple une fiche personnelle qui ne soit pas cette brochure). Cet outil est avant tout une base pour en parler avec ses proches, et diffuser plus largement ces questionnements sur la taule.
Ne te sens pas obligé.e de remplir ce carnet avec ton plus beau stylo plume, un crayon à papier est amplement suffisant : il ne faut pas se sentir forcé.e de tenir un truc juste parce que tu l’as écrit, rien n’est gravé dans la roche. D’ailleurs, à un moment, on finit par pouvoir communiquer entre l’intérieur et l’extérieur, tu pourras alors informer tes proches de tes changements de décision ou de tes doutes.
Il faut aussi prendre en compte que des désaccords pourraient surgir et que ce n’est pas parce que tu as écrit quelque chose que tes proches seront forcément prêt.es à le faire.
Tu as donc entre les mains un carnet à trous : il s’agit maintenant de le remplir, tout.e seul.e dans ton coin et/ou avec tes potes afin d’en discuter collectivement, voire d’en faire un atelier.
Dans tous les cas, pense à le remplir en ayant en tête à qui est-il destiné. On pense qu’il est mieux de le destiner à des personnes avec qui tu as déjà parlé de ces sujets et avec qui tu partages des connaissances de la répression et des réflexions, comme celle de la défense face à la justice ou de la solidarité en cas d’incarcération.
Après l’avoir rempli, il faudra savoir à qui tu veux confier le carnet afin qu’elle ne tombe pas dans les mains des keufs en cas de perquisition. Pour cela il peut être intéressant de la confier à une personne plus extérieure : une personne à qui la brochure n’est pas directement destinée, qui n’a aucune chance de se retrouver perquisitionnée en même temps que toi. Selon tes instructions, cette personne la transmettra ensuite aux compagnon.ne.s que tu lui auras désigné en cas d’arrestation. C’est aussi possible de la stocker sur internet en version numérique. Bref, remplis le carnet en ayant à l’esprit à qui il est destiné, où tu veux le stocker et dans tous les cas prends en compte la possibilité qu’il se retrouve aux mains des keufs. Par exemple, ne fais pas la liste des gens avec qui tu t’organises en voulant répertorier les gens auxquels tu voudrais écrire des lettres.
Aucune prison n’est éternelle. Coeur sur toi.