C’est qui les 200 000 exploité.e.s qui manquent à l’agriculture ?

Le ministre de l’agriculture exhortait cette semaine "l’armée des ombres" à aller se casser le dos dans les champs pour pallier au manque de main d’oeuvre dûe au Coronavirus. Ces mains qui manquent ce sont celles des travailleu.r.se.s détaché.e.s qui acceptent chaque année de travailler dans des conditions misérables pour des salaires de misère.

Justement, l’industrie du travail détaché est dans la ligne de mire de certaines de ses victimes depuis un moment. Il y a moins d’un an, un procès se tenait à Arles. Travail dissimulé, agressions, les conditions sont proches de l’esclavage moderne.
A celles et ceux qui auraient hésité à aller ramasser des salades dans les prairies décorées de rosée fraiche, un petit rappel sur ce que l’on vous demande de soutenir à travers une série de trois textes :

Combattre l’exploitation de la main d’oeuvre dans l’agriculture (1/3)
Rompre le silence

Ils et elles ont parfois travaillé jusqu’à 260 heures par mois, soit presque le double de ce qui est autorisé dans la loi en France. « Chez Quali Prim, on coupait des salades, témoigne K. On travaillait de 12h30 à 21h sans pause. Pour ne pas tomber, j’allais manger des bonbons en cachette. Dans les toilettes, comme un animal. » Se blesser dans les champs ne suffit pas à être arrêté et être malade ne semble pas non plus possible dans certaines exploitations : un jour où elle informe ses employeurs qu’elle doit aller à l’hôpital pour une visite médicale, Yasmine s’est vue fermement remerciée : « on m’a juste dit, « ne reviens pas » . Je n’ai eu droit à aucune autre explication ».

Combattre l’exploitation de la main d’oeuvre dans l’agriculture (2/3)
Egalité de droits !

Devant ces plaintes et ces mobilisations, comme à chaque fois que la monoculture de la province et son marché du travail font l’objet de critiques, les organisations patronales dénoncent une campagne de diffamation, minimisent les faits dénoncés, appellent à ne pas généraliser à l’ensemble du secteur les pratiques de quelques agriculteurs isolés et vont même jusqu’à rejeter la responsabilité de cette situation sur les ouvrières concernées, les accusant de mentir ou d’exercer la prostitution. Dans ces serres fertiles pour les stéréotypes sexistes et racistes (Martín Díaz 2002), nous souhaitons souligner qu’il ne s’agit pas de faits isolés ou fortuits. Le programme de migration sous contrat saisonnier développé pour répondre aux besoins de la monoculture de fraise, est la cause principale de la vulnérabilité des saisonnières face à tous les abus. C’est le régime migratoire, mis au service du capitalisme agroalimentaire global, et son alliance avec le patriarcat et le racisme, qui explique la situation des journalières marocaines dans l’agriculture de la province.

Combattre l’exploitation de la main d’oeuvre dans l’agriculture (3/3)
Défendre les travailleur.euse.s

On est dans une guerre au droit du travail qu’il faut essayer de comprendre, de dépasser. Le jeu machiavélique de l’agroalimentaire a ruiné les petits paysans d’ici et d’ailleurs, grâce à l’argent de l’Europe. D’abord ceux d’ici : en 1950, après la guerre, il y avait en France 3,5 millions de paysans, aujourd’hui, en 2015, nous sommes 400 000 pour nourrir 61 millions de Français et assurer les exportations. Ensuite, le petit paysan ruiné d’ailleurs : le migrant saisonnier roumain, marocain, africain, il travaille ici pour ceux qui l’ont ruiné, et en travaillant pour eux il augmente la capacité de nuire de ses prédateurs.

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