[Colombie] "Un coup annoncé et toléré"

Depuis le traité de paix avec les FARC, les paramilitaires renforcent assassinats, déplacements forcés et narcotrafic. La communauté de paix de San José d’Apartado dénonce par un communiqué, la complicité de l’État colombien dans l’attaque des paramilitaires qu’a cependant su déjouer la population.

Pour mieux comprendre le contexte actuel colombien :

Communiqué du 29 décembre 2017

Un coup annoncé et toléré

Notre communauté de paix de San José d’Apartado est tenue d’informer le pays et le monde de l’incursion criminelle qui a eu lieu le matin du 29 décembre, 2017 à San Josesito, notre village principal. Un commando paramilitaire est entré avec l’intention explicite d’assassiner le représentant légal de notre communauté, Germán GRACIANO POSSO.

Dans les semaines et les mois précédents, nous avons observé l’intensification progressive des menaces et des opérations de renseignement annonçant un coup sérieux contre la communauté de paix. Nos communications détaillées adressées au pays et au monde n’ont produit aucune réaction ou mesure de protection de la part des institutions de l’État.

Un paramilitaire du nom de ARCADIO s’est présenté à la communauté sous prétexte de vendre du cacao afin de vérifier la présence de German, information qu’il a communiquée par cellulaire immédiatement. Quelques minutes plus tard, vers 10h15, 4 paramilitaires sont arrivés à l’entrepôt où la Communauté commercialise le cacao. Parmi eux, se trouvaient le commandant paramilitaire de la zone connu sous le nom « FELIPE », et RICARDO DAVID, largement connu dans la région et qui se sont identifiés comme : JAMES CARDONA Higuita (cc 1038811594) et HUMBERTO ANTONIO LONDOÑO Usuga (CC 1028025340). Ils ont d’abord tenté de faire entrer plusieurs membres de la communauté dans une pièce les menaçant de morts en sortant leurs armes.

Plusieurs membres de la communauté ont réagi et se sont bagarrés avec les criminels afin de désarmer l’un d’entre eux et d’immobiliser les autres qui furent attachés. Dans la lutte, German et d’autres membres de la communauté ont été blessés, tout comme les deux paramilitaires immobilisés. La Communauté a appelé le Défenseur du peuple afin de lui remettre les détenus, au moment d’écrire ces lignes ces fonctionnaires ne se sont pas encore présentés.

Nous avons communiqué il y a quelques instants avec le vice-président de la République, le général Óscar Naranjo, qui a promis d’examiner l’immense complicité des forces publiques présentes dans la région, qui, à notre avis, est à la source de l’énorme liberté d’action avec laquelle les paramilitaires se déplacent dans la région.

Comme tous les groupes qui ont été solidaires avec nous le savent, ces attaques sont largement annoncées et diffusées avec la complicité de toutes les institutions.

Nous saisissons l’occasion pour remercier à nouveau l’immense réseau de communautés et de groupes dans le monde qui, en quelques minutes, ont réagi en manifestant leur solidarité inconditionnelle.

Communauté de Paix de San José de Apartadó

Fondée en 1997, la Communauté de paix de San José de Apartadó se trouve dans une zone de la région d’Urabá, en Colombie, où d’importants intérêts économiques sont en jeu et où se déroule un conflit armé entre des guérillas, les forces de l’État et des paramilitaires (qui agissent souvent en complicité avec l’État). C’est une région où la terreur politique, les assassinats et l’intimidation sont utilisés pour éliminer les personnes en vue (les leaders) et les militant/e/s. La Communauté de paix elle-même est formée de personnes déplacées, dont les parents et les grands-parents ont eux aussi été victimes de la violence. Tout du long de son existence, la Communauté de paix a dû faire face à des campagnes visant à la discréditer, orchestrées au plus niveau du gouvernement du pays et des médias, en particulier sous la présidence de Álvaro Uribe (extrême-droite).

La Communauté de paix compte plus de 1 000 membres, même si 150 de ceux-ci environ ont été tués par les forces de sécurité, les paramilitaires ou les FARC.

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