AmU une entreprise universitaire en faillite intellectuelle ouvrant le champ à l’extrême-droite : ou l’auto-alimentation des logiques coloniales
« SAFE PLACE FOR SCIENCE »
À Gaza, l’extermination de 2,3 millions de personnes se poursuit. Pendant ce temps, l’université Aix-Marseille se mobilise pour le « sauvetage » des chercheur.euses états-unien.nes censurés par Trump dans leurs travaux de recherche. Avec la toute nouvelle proposition d’Eric Berton, président d’AMU, en partenariat avec François Hollande, de la création du statut de « réfugié-chercheur », ce sont des millions d’euros qui sont débloqués afin d’appuyer la dernière opération de communication en date d’AMU « safe place for science ».
PROGRAMME PAUSE
Pendant ce temps, le programme PAUSE, programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil, lancé en 2017, tente avec des moyens financiers et logistiques limités, souvent grâce à des volontés individuelles isolées, d’assurer pendant le génocide, l’accueil des bénéficiaires sélectionnés, quand, et si, ils arrivent à quitter Gaza.
Pas de syndrome du sauveur blanc ici, les combats d’amU sont à géographie variable et les intérêts de la marque amU se font au prix d’une invisibilisation du génocide et de l’éducide en Palestine.
Traitement différencié qu’on peut replacer dans une politique d’effacement du génocide et d’une répression multiforme des soutiens à la Palestine en parallèle des opérations de communication diverses de la présidence qui vise à faire d’AMU une université au rayonnement national et international qui se matérialise dans la marque AMU.
RÉPRESSION ET PATERNALISME
Alors qu’en octobre 2023, Eric Berton, « affolé par la situation que vivent » les étudiants, porte dans les médias son combat contre la précarité vécue par les étudiants, lorsque ces derniers décident de se mobiliser politiquement contre le génocide via syndicats et collectifs, la répression n’attend pas. Interdiction de tracter, annulation d’événements politiques et culturels, la présidence n’hésite pas après 7 mois de génocide à Gaza à appeler la police afin de déloger les quelques étudiants occupant un amphi à St Charles en mai 2024.
Quelques semaines plus tard, c’est la répression judiciaire par le biais d’une plainte pour diffamation qui vise 2 étudiants au motif d’atteinte à l’image de l’université. Rendre visible les liens entre l’université et les entreprises de l’armement avec lesquelles AMU est partenaire prend de court l’agenda marketing de l’université. La ressemblance avec les procès baillons des grandes entreprises contre les journalistes n’est pas fortuite. La valorisation des multiples coopérations avec le ministère des armées, elle, est assumée et communiquée sans fard. AMU : Socialement engagée dans la guerre mais pas encore totalement assumée dans tous ses aspects.
Le combat que mène Eric Berton contre la précarité étudiante s’est couronnée de « succès » en avril dernier grâce aux 7,5 millions d’euros de CMA CGM qui permettront l’ouverture "d’une centaine de logements à Marseille.
Patronat, paternalisme et opportunisme politique s’articulent dans des intérêts communs au sein de l’entreprise amU. La CMA CGM bien implanté dans les institutions universitaires ( incubateur Zebox, pôle de compétitivité…), peut bien faire œuvre de charité. Grâce à un régime fiscal très favorable, le groupe CMA CGM n’a payé que 2 % d’impôt sur les sociétés en 2021, malgré ses 16 milliards d’euros de CA. Mécénat et greenwashing et social washing ont de beaux jours dans la nouvelle économie des universités.
« BIENVENUE EN FRANCE » POUR CEUX QUI ONT LES MOYENS
L’université a obtenu en juillet 2019 le Label « Bienvenue en France » pour l’accueil des étudiants internationaux faisant ainsi partie des 25 premiers établissements labellisés en France.
En 2025, l’annonce de l’application de frais différenciés aux étudiants étrangers est venue rappeler quelle logique financière motivait la direction de l’université.
Label et rayonnement se font sur le dos des étudiants étrangers dans une politique de financement en crise qui vient s’articuler à des dispositifs racistes en piétinant les valeurs d’accès et d’égalité.
Maintenir une image de gauche progressiste nécessite des contorsions digne des meilleurs acrobates. Lors de l’appel à la grève du 17 décembre 2024, AMU s’est associé à l’appel contre le racisme porté par les collectifs de soutien aux luttes des sans-papiers mais lorsqu’il lui a été demandé de l’inscrire dans les statuts de l’université, pas de réponse.
RÉPRESSION et MAINTIEN DE L’ORDRE AUX BÉNÉFICES DE L’EXTRÊME-DROITE
Trouble à l’ordre, devoir de neutralité et appel à la paix sur les campus ont été les mots d’ordre mobilisés par la présidence pour neutraliser toute forme de visibilisation de la situation à Gaza ces 20 derniers mois. Alors que les manifestations néo-nazies en France se multiplient sans obstacles, le verrouillage et l’empêchement de l’action syndicale et politique à la fac participe à l’émergence et au renforcement de la présence de groupes d’extrême-droite dans l’espace public.
Alors que l’extrême-droite véhicule depuis toujours des idées racistes et est régulièrement jugée dans les tribunaux pour antisémitisme, les directions des universités en France, ont volontairement appliquée les directives de maintien de l’ordre du ministère de l’enseignement supérieur contre les collectifs étudiants et se sont fait le relais de l’instrumentalisation de l’antisémitisme au travers des accusations dont sont menacés constamment les soutiens à la Palestine. L’université s’est faite actrice avec le gouvernement et l’extrême droite de l’instrumentalisation de l’antisémitisme.
LUTTER CONTRE LE RACISME, L’ISLAMOPHOBIE ET LA MENTALITÉ COLONIALE FRANÇAISE UN PRÉALABLE À LA SOLIDARITÉ AVEC LA PALESTINE
Nier ou ne pas faire état du racisme et de l’islamophobie d’état comme source de la répression contre les collectifs et soutiens à la Palestine est une faute politique et intellectuelle.
L’interdiciton d’accès au campus faite à Pierre Stambul, antisioniste historique, l’annulation par deux fois de la tenue d’une table ronde invitant des chercheurs d’AMU spécialiste de la Palestine à parler de la situation à Gaza dissonne quelques peu avec ces propos d’Eric Berton en octobre 2024 : le mieux serait de mettre plus d’argent pour la jeunesse, qui a besoin qu’on lui donne le temps de la réflexion, qu’on lui donne les clefs de la connaissance, les clefs d’une démarche intellectuelle rigoureuse, qu’on la protège de la surinformation et des idées toutes faites".
Les étudiants mobilisés dès octobre 2023 n’ont pas trouvé à l’université les ressources et soutiens nécessaires à leurs mobilisations. Alors que certains d’entre eux ont mis de côté leurs études afin de s’organiser pour la Palestine, le traitement qu’ils ont reçu de la part de l’université révèle des enjeux de racisme, classisme et d’islamophobie qui restent encore impensés et invisibilisés dans les espaces universitaires. Suite à l’occupation de mai 2024 et son évacuation par la police, les personnels de l’université ont retransmis suite à un rendez vous avec la présidence, la vision qu’avait la direction de ces étudiants mobilisés catégorisés comme « jeunes de quartier ».
Alors que certains chercheurs dont les domaines d’études sur la Palestine ont été réprimés et peu soutenus par « leurs collègues », la voix des palestiniens restent invisibles, discrédités, remis en cause du fait que leurs savoirs seraient biaisés et/ou militants. Au déni pour penser le fait colonial israélien et français s’ajoute l’injonction à la rigueur scientifique, que s’auto-crédite le monde blanc occidental, n’accordant aux voix palestiniennes que la fonction de témoins et/ou objets de discours et de recherche.
Il est temps de revoir l’institution académique et universitaire ainsi que la recherche et ses conditions matérielles de productions en s’accordant au préalable sur la continuité coloniale de la France jusqu’à aujourd’hui et le déploiement de ses intérêts dans les sciences sociales et naturelles.
Gaza nous tend un miroir mais acceptons celui que nous tend Israël, un miroir qu’on choisit de ne pas articuler dans nos réflexions ( fémonationalisme, sciences au service du colonial, pinkwashing, racisme…)
Parler de Gaza et rendre visible la situation là-bas sans l’articuler aux enjeux de nos territoires et les raisons de l’invisibilisation du génocide, nous condamne à l’impuissance et à la reproduction de rapports de domination et parfois une auto-satisfaction qui concilie trajectoires professionnelles et bien-pensance sans questionner nos privilèges, nos places dans l’institution, maintenant des zones de confort venant empêcher ou neutraliser l’action et la solidarité avec la Palestine.
Faire des bilans et entamer la construction d’une lecture commune de ce qui se joue à l’université en neutralisant les stratégies d’évitement, de déni et autres angles morts présents à l’université est urgent.
Le 17 juin est l’occasion qui nous est donné de se réunir pour faire un bilan de ces derniers mois et se donner des outils et moyens d’actions.
Bilan de l’état de l’université comme
> lieu d’empêchement, rétention et non mise à disposition d’outils de réflexion
> aucune perspective de mise en place d’outils intellectuels d’auto-défense
> la recherche extractiviste (sciences sociales ou sciences de la nature) dans le prolongement des sciences coloniales occidentales qui se révèlent aujourd’hui dans les pôles de compétitivité à visée militariste et dont sont acteurs les labos de recherche et universités (dual use is no excuse)
de la question de prédation/appropriation/captation dans la recherche
> sortir du déni que les sciences portent des projets politiques et économiques qui répondent aux intérêts de l’état français. Quand la recherche fait rayonner la france = penser la science diplomacy, le soft power et l’articuler à l’appel au boycott académique universitaire qui a reçu de nombreuses signatures mais ne c’est pas incarné dans des luttes à l‘université
État des lieux de l’université comme lieu de carrière, entre compétition et individualisme = de quelle communauté scientifique parle-t-on ?
Entre soi du monde de la recherche et impact sur la société. Quel bien commun, quel bénéfice à la société, quels espaces de la recherche ouvert à la critique depuis en bas ?
En finir avec la science et sa participation à la neutralisation de l’action par ses injonctions à la rigueur scientifique, pour des savoirs militants émancipateurs
Repenser l’autorité scientifique, les privilèges et la crédibilité
Bilan d’une impuissance à agir contre le génocide
questionner les privilèges dans le cadre d’une société raciste, sexiste, islamophobe et validiste
Peut on allier carrière, solidarité et privilèges dans une institution productrice de rapports de domination ?
Dénoncer les politiques RSE à l’universités comme des outils de neutralisation des enjeux du validisme, sexisme et des questions environnementales et dénoncer la dépolitisation par l’institutionnalisation
Quel extractivisme de la science envers les luttes militantes ?