Cinq jours après avoir demandé la dissolution des Soulèvements de la Terre (voir notre article), le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a annoncé vouloir interdire un nouveau groupe : Défense Collective. « Nous avons identifié (ce) mouvement qui appelle au soulèvement. Nous allons aussi lance sa dissolution » a-t-il indiqué. Défense Collective est un collectif de Rennes né au moment les luttes contre la Loi Travail de 2016 et qui pour but de soutenir les personnes confrontées à la répression policière et judiciaire, mais aussi d’agir en amont par son action dans la rue et par l’expérience tirée de la répression. Defco organise des formations antirep, une legal team, et met en ligne des conseils (comment réagir à une garde à vue, etc.). Depuis, des collectifs Defco ont été fondés à Marseille et à Paris, mais il semble que seul le collectif rennois soit dans le collimateur.
La brève ci-dessus est reprise deSecours Rouge
On trouve aussi ce paragraphe dans quelques articles de la grande presse :
Le nom de la Defco avait déjà été évoqué le 4 octobre 2022 lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Laurent Jacobelli, député Rassemblement National de Moselle, avait alors alerté le ministre de l’Intérieur, accusant « ce mouvement antifa local » d’avoir perturbé le meeting de Jordan Bardella le 25 septembre à Bruz près de Rennes. En amont du rassemblement, des affrontements avaient éclaté entre les forces de l’ordre et des manifestants. Touché par un tir de mortier, un CRS avait notamment perdu l’audition.
Mais plutôt que de lire la grande presse, ses approximations et ses calomnies :
Allez plutôt lire sur le site de la Defco ce que le collectif fait : https://defensecollective.noblogs.org/qui-sommes-nous/defense-en-mouvement/
Communiqué de la Defco de Rennes suite à l’annonce de sa dissolution :
Nous avons appris par voie de presse la volonté du Ministre de l’Intérieur de dissoudre le "mouvement DefCo", à la demande notamment du Front National, et ce au motif d’appels au "soulèvement".
A notre connaissance, aucun courrier en vue d’une réelle procédure ne nous a été envoyé, nous n’avons donc aucune idée des motivations de cette éventuelle dissolution ni de l’entité qui serait visée. En effet, l’appellation "DefCo", employée par le ministre est à Rennes un terme que l’on retrouve régulièrement dans les dossiers judiciaires, les PV de la préfecture et les articles de presse pour désigner toute pratique dite "contestataire". Impossible donc pour le moment de connaître l’étendue des personnes et groupes qui pourraient être concernés par la dissolution. En l’état ces annonces pourraient viser la DC ainsi que des tas d’autres acteurs et actrices du mouvement social, voire des espaces d’organisation comme les assemblées de lutte.
Ceci étant dit, si c’est bien la DC qui est visée, alors le timing de cette annonce nous semble loin d’être anodin : dans cette séquence de conflit social où la répression policière et judiciaire atteint de nouveaux sommets, et où la gestion du mouvement social par l’État subit une vague de critiques sans précédent, le pouvoir semble désormais exprimer sa volonté de s’attaquer aux collectifs de soutien juridique et d’aide aux manifestants et manifestantes visés par la répression. Si la Défense Collective venait à être dissoute, c’est potentiellement toutes les structures anti-répression et legal teams du pays qui pourraient subir le même sort. Que l’État s’attaque aussi frontalement et publiquement au droit à la défense en plein milieu d’un mouvement social est inédit et grave, qu’il le fasse à la demande et avec la complicité du Front National est encore plus inquiétant.
Le Ministre de l’Intérieur et ses amis du FN semblent tenir leur "DefCo" chimérique pour responsable de la contestation sociale et de la lutte antifasciste rennaise. Tandis qu’une simple visite dans les nombreuses et foisonnantes assemblées de lutte rennaises aurait suffit à dissiper ce fantasme, un rapide coup d’œil sur notre blog ou nos réseaux sociaux aurait quant à lui suffit à rendre compte de la réalité de notre travail : la Défense Collective a pour but de rassembler et soutenir les personnes confrontées à la répression et aux ennemis du mouvement social, mais aussi d’agir en amont par son action dans la rue et par l’expérience tirée de la répression.
Nous sommes un groupe entièrement ouvert et public, autonome des organisations politiques, indépendant des commissions et des assemblées. Espace de composition dont la participation aux réunions concerne des centaines de personnes aux sensibilités politiques diverses, nous assumons et nourrissons des discours critiques sur la police et la justice.
Depuis notre fondation en 2016 et le mouvement contre la Loi El Khomri, nous avons travaillé avec plusieurs centaines d’inculpés et inculpées des mouvements sociaux afin d’élaborer collectivement les meilleures défenses possibles. Nous avons de cette façon obtenu de très nombreuses victoires et jurisprudences utiles à tous les justiciables et à l’ensemble du mouvement social.
Au-delà de notre travail crucial dans les tribunaux, nous revendiquons une présence active dans la rue et assumons des pratiques de défense des cortèges face à la répression, parmi lesquelles l’organisation de la protection du cortège face au gazage généralisé, aux tirs de LBD, de grenades et autres armes de dispersion. Dans une période où le pouvoir et sa police ont maintes et maintes fois montré que tous les manifestants et manifestantes étaient une cible potentielle, nous croyons que la réponse la plus adaptée est la diffusion massive de pratiques de défense communes dans l’ensemble du mouvement social, de la rue aux tribunaux. Nous sommes fiers et fières de défendre une vision émancipatrice de la lutte grâce à nos ateliers juridiques et stratégiques, à la distribution de matériel de protection et de conseils en manifestation et en assemblées, ou encore à la diffusion d’une culture de la défense et de la solidarité à travers les cortèges et bien au-delà de notre petite ville.
Nous pensons que l’emploi généralisé des procédures de dissolution aujourd’hui constitue une nouvelle étape dans la frénésie répressive d’un pouvoir aux abois. Nous tenons à rappeler ici notre opposition formelle à toute procédure de dissolution, qu’elle s’attaque aux camarades ou aux ennemis, car nous nous refusons à soutenir un dispositif répressif qui finit inéluctablement par se retourner contre le mouvement social, comme c’est le cas actuellement.
La Défense Collective étant un espace large, s’organisant sur le modèle d’assemblées publiques hebdomadaires, il nous tarde de voir quel "groupuscule" le Ministre de l’Intérieur va constituer artificiellement dans le but de le dissoudre. Il nous apparaît clair qu’une telle procédure n’a pas pour but de viser la Défense Collective en tant que groupe, mais bien en tant que pratique. Car ce n’est pas une idéologie mais bien nos pratiques de défense face à la répression qui nous réunissent au sein de la DC. La question se pose donc : quelles conséquences sur nos pratiques pourrait avoir une procédure de dissolution ? Le pouvoir compte-il inculper pour "reconstitution de ligue dissoute" tout rennais ou rennaise qui déciderait de ne pas se défendre seul au tribunal ? de ne pas se défendre seul dans la rue ? de proposer des formations juridiques en assemblées de lutte ?
Une chose est certaine : peu importe la suite des évènements, le combat continuera. Il va sans dire que nous avons l’intention de nous défendre farouchement contre cette procédure si elle venait à se concrétiser. Nous tenons d’ailleurs à remercier tous les collectifs et organisations qui nous ont d’ores et déjà apporté leur soutien, et tous ceux qui continuerons de le faire en partageant ce communiqué.
En attendant d’en savoir plus sur ce qui semble de prime abord être un grossier effet d’annonce, nous voulons ici réaffirmer notre engagement auprès des nombreuses personnes arrêtées dans le mouvement contre la réforme des retraites, envers la quelque trentaine d’inculpés et inculpées que nous suivons actuellement, ainsi qu’envers toutes et tous les camarades qui subissent la répression policière et judiciaire. L’appareil répressif, lui, semble encore loin d’être dissout, alors comme toujours nous vous invitons à aider à financer les frais de justice des nombreuses affaires que nous suivons en faisant un don à la Caisse de Soutien aux Inculpé-es du Mouvement Social : https://www.helloasso.com/associations/association-etudiante-de-soutien-juridique-et-administratif/formulaires/1 .
En accord avec notre fonctionnement habituel, nous organisons ce vendredi 7 avril à 17h30 un atelier public, ouvert à toutes celles et ceux qui souhaitent s’organiser contre la répression, dans lequel nous reviendrons sur l’histoire des dissolutions de groupes politiques et l’évolution du droit depuis la loi dite "séparatismes", suivi d’une réflexion collective autour des stratégies de défense que nous ou n’importe quel autre groupe pourrait adopter en cas de dissolution. Rendez-vous comme d’habitude sur le parvis de la Bibliothèque Universitaire du campus de Beaulieu (accessible via le métro ligne B, arrêt « Beaulieu Université »)
À bientôt dans la rue et dans les tribunaux !
- LA DÉFENSE COLLECTIVE