Emilio est un ancien poissonnier de 67 ans, militant de longue date du mouvement NoTav (né dans la Vallée de Susa en opposition à la ligne à grande vitesse Lyon-Turin), et engagé depuis le début dans la solidarité avec les migrants de passage entre la Vallée de Susa e le Briançonnais. Il est accusé de violence aggravée sur personne détentrice de l’autorité publique suite à la manifestation du 15 mai 2020 entre Claviere et Montgenèvre, une journée publique organisée en réponse à l’expulsion de la Casa Cantoniera, le Refuge autogéré pour migrants à Oulx.
Cette manifestation, qui faisait partie d’un camping de trois jours contre les frontières, a été presque immédiatement « bloquée » par des dizaines de CRS. Les gendarmes ont barré la route et poursuivi le cortège sur les chemins pour l’ empêcher de passer, en tirant des gaz lacrymogènes, des grenades et en distribuant des coups de matraque.
Emilio était resté en arrière à cause d’une prothèse au genou et de l’autre en attente d’une opération. Alors qu’il était assis, il a été attaqué par un gendarme qui lui a d’abord lancé une grenade, puis a essayé de le frapper avec une matraque. Emilio s’est défendu. Le policier, de quarante-cinq ans plus jeune, est reparti avec un bras endolori. À matraque contre morceau de bois trouvé sur le sol.
Le 15 septembre, Emilio a été arrêté. Des policiers italiens en civil l’ont littéralement kidnappé dans la rue, et pendant plusieurs heures, personne n’a eu de ses nouvelles. Les auteurs savaient à quel point Emilio est aimé dans la vallée où il vit, alors ils l’ont enlevé dans l’ombre.
Le 23 septembre il a été placé en résidence surveillée jusqu’au 1er octobre quand les juges de la Cour d’appel de Turin ont accordé l’extradition demandée par l’État français.
Le 1er décembre, après deux mois et demi d’assignation à résidence, Emilio a nouvellement été arrêté par la Digos de Turin (police politique), qui ont utilisé une énorme quantité de CRS pour bloquer les rues autour de son domicile, en grimpant et forçant le portail pour procéder à l’arrestation. Il a été emmené à la prison des Vallette à Turin, meme s’il était déjà assigné à résidence depuis deux mois.
Donc pourquoi ? Pour « l’excès de solidarité » du mouvement qui était rassemblé devant la maison d’Emilio pour rester près de lui jusqu’à l’arrestation et ne pas le laisser seul. En gros ils avaient peur de ne pas pouvoir le remettre à temps et de faire mauvaise impression avec les gendarmes français.
Le 3 décembre il a été extradé vers la France et après un passage de façade devant le JDL – ils avaient déjà décidé de lui refuser de mesures alternatives – il a été enfermé à la prison d’Aix-Luynes, près de Marseille.
Les gendarmes et la Paf (police aux frontières) contrôlent cette frontière apportant avec eux une piste de mort et de violence.
Cinq corps ont déjà été retrouvés sur ces montagnes, tous ayant fui ou ayant été repoussés par la police des frontières française. Beaucoup ont été blessés, disparus pendant des jours, et d’innombrables ont été refoulés, maltraités et menacés. Des dizaines de personnes sans le bon papiers tentent chaque jour de franchir cette frontière fuyant des guerre, la pauvreté, la discrimination, à la recherche d’une vie meilleure. Emilio a toujours été là pour eux.
Qui est le violent ? Celui qui chasse les migrants jour et nuit, repoussant des dizaines de personnes chaque jour, ou celui qui s’est toujours battu pour aider ceux qui passent à ne pas mourir sur ces montagnes ?
Qui est le violent, qui frappe sur commande, qui lance des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes, qui matraque ou qui, tout simplement, a essayé de se défendre contre cette violence ?
Nous sommes à coté de Emilio. Nous connaissons tous.t.es les violences policières françaises ; nous nous souvenons tous.t.es des blessées parmi les Gilets jaunes, des yeux et des membres perdus et des personnes battues à sang. Les morts dans la banlieue et dans les manifestations. Les CRS qui tirent des gaz lacrymogènes à hauteur d’homme et des grenades de désencerclement.
Le parquet de Gap tente de faire payer à Emilio tout ce qui a été la lutte à la frontière, en utilisant la rhétorique du » violent » pour l’isoler et éloigner la solidarité. Cette fois, l’accusation n’est pas d’aide à l’immigration clandestine, même si Emilio est également jugé en Italie pour les occupations des deux refuges autogérés. Pour la « violence » présumée, il est plus facile d’accuser et de condamner. Surtout si la parole de quelqu’un contre le témoignage d’un gendarme ne vaut rien.
Ils veulent le faire passer pour l’un des leaders du « mouvement No Border », simplement parce que sur certaines photos il tenait une banderole et qu’il est l’un des plus anciens du cortège. Ils le font passer pour un terroriste. Lorsqu’ils l’ont extradé, ils lui ont mis une cagoule sur la tête, et il a été amené avec un hélicoptère. Il est dans les prisons françaises depuis plus d’un mois, et ce n’est que ces jours ci que sa femme et sa fille ont été autorisées à recevoir les visites qu’elle demandait depuis longtemps. Jusqu’à aujourd’hui, ils ne lui ont même pas rendu ses lunettes, sans lesquelles il ne peut pas lire.
Le choix de la prison est également indicatif : Aix-Luynes est loin, près de Marseille. Ils ont donc décidé de l’emmener loin de la Vallée de Susa, de la frontière, de l’emmener loin de ses proches et de la forte solidarité présente sur ce territoire. Comme ils l’ont fait à l’époque avec Eleonora, Théo et Bastien, arrêtés pour aide à l’immigration clandestine dans la journée du 22 avril 2018 et transférés de Gap à Marseille pour « raisons de sécurité » après l’appel à un manifestation devant la prison.
Ne laissons pas Emilio seul.
Écrivons-lui, faisons-nous entendre, activons-nous sur les différents territoires pour porter la solidarité. Chacun.e.s à sa manière, toutes les manières sont les bienvenues.
La solidarité ne s’arrête pas !
Libérez Emilio !
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