Je suis venue au cinéma à l’Artplexe ce mercredi soir et quand je suis rentrée, un vigile gardait l’ascenseur et m’a demandé si je voulais monter au 3ème étage pour la réunion Airbnb. Je ne suis pas propriétaire mais en tant qu’habitante du centre-ville de Marseille, la question du logement me touche de plein fouet depuis un moment. Face à des galères pour me loger comme beaucoup de personnes, j’ai décidé de monter.
La réunion a été organisée par Yannick Nobile, je l’ai appris une fois au 3ème. Après de petites recherches, il s’agit en fait du Lobbyiste Airbnb à Marseille, lui-même propriétaire d’appartements en Airbnb.
Au programme de cette soirée, j’ai vite halluciné, il s’agissait d’une présentation des nouveautés et du business sur la plateforme : la prise en charge de serrures connectées par Airbnb plus sécurisées, les manières de mieux optimiser les locations en vue des J.O. Un apéritif plus informel a eu lieu ensuite, les propriétaires ont pu échanger sur la manière de mieux et plus mettre en location sur Airbnb, comment payer le moins de taxes possibles ou contourner les règles de la compensation (à Marseille, lorsqu’un propriétaire modifie l’usage d’un logement pour en faire bien en location touristique, il doit mettre sur le marché un autre bien en convertissant une surface commerciale en logement, selon des critères équivalents de taille et de qualité d’habitation. S’il ne transforme pas l’habitation « perdue » lui-même, il peut payer un bailleur social pour acheter des droits de commercialité et financer le réaménagement).
Yannick Nobile, propriétaire spéculateur sur Airbnb et lobbyiste pour la plateforme
En fait, j’ai vite compris que ces gens cherchent avant tout à s’accaparer de plus en plus de logements, les transformer en Airbnb et en faire un maximum de profits. Les propriétaires ont d’ailleurs eu une seule question à propos des effets de Airbnb sur la ville : comment redorer leur image face au mouvement de contestation qu’ils voient un peu partout dans Marseille. Dans une ville où la crise du logement prend des ampleurs colossales, je me suis sentie écoeurée.
Voici quelques exemples de leurs échanges :
"
- J’ai un peu peur maintenant avec ce qu’il se passe, ils risquent de contrôler un peu plus les Airbnb non ?
- Mais non, la mairie et l’adjoint Amico veulent juste amadouer médiatiquement les Marseillais mais ce n’est pas à leur avantage de réguler Airbnb. Ils n’agiront pas concrètement, surtout avec les JO qui arrivent. Et puis c’est Marseille, on est tranquille, je connais même certains élus qui ont des Airbnb. "
"
- Il faut qu’on s’organise contre les gens anti-Airbnb, ce sont juste des jaloux en colère. "
"
- Pour la période des JO j’ai déjà mis mes appartements à plus de 1000 euros la nuit !!! "
"
- Il faut déclarer en cotisation foncière des entreprises, ça nous évite de payer la taxe d’habitation et c’est beaucoup moins cher.
- Et pour la compensation en créant un autre logement sur le marché immobilier ?
- Pour ça il n’y a aucun contrôle, la mairie n’a aucun intérêt à l’appliquer, fais ce que tu veux. J’ai 5 appartements en location saisonnière depuis 3 ans, il n’y a aucun problème. "
Les propriétaires spéculateurs ont partagé leurs petites recettes en avalant des petits fours. Face à la baie vitrée du rooftop, en bas, on apercevait le kiosque des Réformés, où s’entassent des tentes qui abritent des jeunes mineurs isolés à la rue depuis des mois, en plein mistral de novembre.
Se loger dans le centre-ville est devenu mission impossible et ce soir, j’ai compris pourquoi. Les spéculateurs s’organisent et retirent peu à peu nos logements du marché pour en faire des Airbnb. Mais avec une telle ampleur, en s’arrangeant pour tout contourner, c’est vraiment inquiétant et à l’évidence ils se sentent totalement intouchables.
Mettre tout le monde au courant en partageant cette expérience, c’est le moins que je puisse faire maintenant.