Extrême droite et confusionnistes face au mouvement contre la loi Travail

Comment l’extrême droite réagit-elle au mouvement social qui agite la France autour de la loi El Khomri, et dont on espère qu’il est parti pour durer ? Pour le FN, c’est la faute à l’Europe et aux immigrés, pas aux patrons ; et à part dénoncer les vilains casseurs, rien de neuf sous le soleil. Du côté de l’extrême droite radicale, on s’excite, et on tente d’attaquer les « gauchistes » qui semblent reprendre du poil de la bête. Cependant si le milieu nationaliste « classique » peine, heureusement, à trouver sa place face à la colère sociale, chez les confusionnistes, on se frotte les mains, et on essaye de s’incruster dans le mouvement, mais pour finir par révéler sa véritable nature… Voici un article de La Horde...

Au FN on observe et on appelle au vote

Le FN regarde le projet de loi El Khomri par le petit bout de sa lorgnette raciste, et le recul social sans précédent qu’il engendre est évoqué du bout des lèvres. Marine Le Pen préfère s’en prendre à ceux qui s’opposent à lui, leur reprochant de dénoncer un outil de casse sociale aux mains des patrons au lieu de s’en prendre seulement à l’Union européenne : dans un communiqué du 9 mars, elle interpelle ainsi, dans un grand élan interclassiste, « salariés comme chefs d’entreprise, sur l’urgence absolue de défaire le carcan destructeur de l’Union européenne », et appelant à « un sursaut patriotique ». Nicolas Bay, dans un texte publié sur le site du FN le 11 mars dernier, reproche lui surtout à la loi d’être « communautariste » : c’est surtout la question des « revendications politico-religieuses » auxquelles feraient face les chefs d’entreprise qui le préoccupe. S’il évoque rapidement le problème des astreintes ou des indemnités prud’hommales, c’est pour mieux se replacer du côté des patrons, pour pleurnicher sur le sort des patrons des TPE-PME qui croulent sous les charges dues, évidemment, à « l’immigration massive »…

Voilà pour l’analyse. Côté mobilisation, comme à chaque mouvement social un peu massif, les frontistes oscillent entre s’afficher « proches du peuple » et défendre une société d’ordre, contre « la chienlit », jeune ou syndicale. Ainsi, le FN 44 dénonce violemment les dégradations commises contre les banques à la suite de la manif du 31 mars à Nantes par « une minorité de manifestants radicaux, antifascistes et autres militants d’extrême gauche », et croit bon de rappeler que « la solution au défi que pose la loi Travail à notre propre conception du travail ne viendra pas de la rue, mais des urnes ». C’est que le FN sait qu’il n’est plus un parti de militants depuis longtemps, et qu’il serait bien en peine de « tenir la rue » dans un mouvement où la plupart des manifestants lui sont clairement hostiles.

Un peu pathétique, Gaëtan Dussausaye, l’actuel patron du FNJ, était par ailleurs très déçu de ne pas avoir été reçu avec les autres organisations de jeunesse par Manuel Valls… Au moment de l’appel à la manifestation du 9 mars, le Front National de la Jeunesse avait prévenu qu’il ne manifesterait pas, mais avait lancé « une vaste campagne de terrain contre cette loi », qui est passée pour le moins inaperçue. Ainsi, les militants du FN de Bourges et du FNJ du Cher ont pu tranquillement poser leur barnum dans les rues de la ville le 19 mars, distribuer des tracts et faire signer une pétition maison. On a ainsi pu voir à l’œuvre la militante FNJ Julie Apricena, connue des habituéEs de la Horde, puisqu’on avait déjà évoqué sur le site ses amitiés néonazies.

À l’extrême droite radicale, on s’excite

Les groupuscules nationalistes violents ont toujours été du côté de la matraque : nous avions en octobre dernier fait un rappel historique sur ces « rebelles » toujours prompts à se mettre au service du système qu’ils prétendent combattre. Dans le cas présent, les fachos ont été plutôt discrets, sauf lorsque les cortèges passaient un peu trop près de leur « fief ». Ainsi à Lyon, le 31 mars, devant le site de la Manufacture des tabacs de l’université Lyon 3, des membres du GUD ont tenté d’attaquer le cortège, mais ils ont rencontré une résistance antifasciste. À Paris aussi, les occupants de la place de la République, lors de l’initiative « Nuit debout », ont aussi été attaqués dans la nuit de samedi à dimanche par des gros bourrins d’extrême droite : mais là, l’histoire est un peu plus compliquée… Car c’est du côté des confusionnistes du « Mouvement du 14 juillet » qu’en réalité l’agression est venue.

Chez les confus, on se frotte les mains

Depuis quelques années, les militantEs du mouvement social sont régulièrement confrontéEs une nouvelle espèce de morbacs, les confusionnistes, pour qui la frontière droite-gauche est une chimère, et qui appellent à un front commun « antisystème », y compris avec l’extrême droite. Avec leur discours plein de naïveté abyssale et de contradictions, ils se baladent dans les manifs, les AG, tentant dès qu’ils le peuvent de monopoliser la parole, en quête d’une pseudo-légitimité auprès de l’ensemble du mouvement, dans le but de rameuter pour leur crémerie et son étalage d’idées réactionnaires. Discrets, passe-partout, les confusionnistes n’en sont pas moins dangereux car avançant masqués, ils sont passés maîtres dans l’art de tromper les gens.

Dans le mouvement contre la loi Travail, on avait déjà évoqué une tentative d’infiltration de cette tendance sur Annecy le 9 mars dernier ; à Paris, c’est le Mouvement du 14 Juillet, dont nous avons déjà parlé ici qui s’est invité à l’initiative « Nuit debout » qui faisait suite à la manifestation du 31 mars. Vu l’angle de mobilisation choisie, il semblait évident que les conspirationnistes et confusionnistes de tout poil allaient rappliquer, comme à l’époque du mouvement des Indignés…

Confus hors de nos rues !

Mais les temps changent et ils commencent de plus en plus à se faire griller par des gens avertis. Il faut dire que le conspi ou le confusionniste adore la lumière des caméras, et ne peut s’empêcher de mettre sur Youtube le moindre de ses petits exploits. La semaine dernière, la vigilance parmi les organisateurs était au rendez-vous et rapidement un certain nombre d’entre eux ont pu être repérés et écartés : quelques-uns ont pu passer à travers les gouttes, mais ils savent désormais qu’ils sont pistés.

Samedi soir, l’un d’eux, Sylvain Baron, membre du Mouvement du 14 Juillet, a d’ailleurs révélé ses véritables liens avec l’extrême droite radicale. Repéré dans la soirée place de la République, lui et ses amis sont invités à quitter les lieux. Quelques dizaines de minutes plus tard, un de ses amis réapparait, entouré de plusieurs dizaines de skins d’extrême droite, armés de barres de fer, et il interpelle alors les gens qui l’avaient identifié et expulsé de l’assemblée : « Alors maintenant, vous allez encore me foutre dehors ? ». Les skins tentent d’attaquer l’équipe chargée d’assurer la sécurité de l’assemblée : rapidement repoussée par les antifascistes présents, la fine équipe termine dans un bar, sous la protection de la police. C’est d’ailleurs un éternel étonnement de voir ces individus qui dénoncent à longueur de vidéos et de textes un État corrompu et manipulé, réclamer rapidement l’aide de cet État lorsque cela commence à chauffer pour eux…

Le lendemain, c’est cette fois Bohort Mignolet, lui aussi du Mouvement du 14 juillet, qui s’est fait virer de la place de la République : le personnage, faux « Anonymous » qui raconte sa vie sur Facebook et relaie des thèses conspis (dont celle des chemtrails), a surtout fait parler de lui à propos de l’occupation de l’église Sainte-Rita, une cause qu’il est venu défendre sur Radio Courtoisie en novembre dernier.

Dans un texte assez pathétique, Baron se plaint des « nazillons antifas » venus selon lui « troller » le mouvement : une jolie inversion des rôles, une pratique courante de cette mouvance. Car, qu’on se le dise, les confus sont au mouvement social ce que sont les trolls à internet : une nuisance aujourd’hui difficile à éviter, et à combattre pour cette raison sans relâche.

La Horde

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