Incendie des 73 et 73bis rue de Bayard, communiqué, récit des habitant.e.s et appel à solidarité

Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2019 aux alentours de 2h30, un incendie s’est déclenché dans un immeuble d’habitation situé au 73 rue Bayard [à Toulouse]. Grâce à la solidarité des habitant.e.s et au soutien des pompiers, les locataires ont pu rapidement être évacué.e.s, et de graves dommages ont pu être évités, mais depuis la colère monte. Article paru sur Iaata.info.

Mercredi 7 janvier au matin, plus d’une centaine de pompiers s’agitent dans l’obscurité. On voit des flammes dans cet ancien hôtel à l’allure haussmanienne. C’est spectaculaire. Le feu brûlera encore pendant des dizaines d’heures. Ça donne presque envie de croire aux miracles lorsqu’on apprend qu’il n’y a que deux blessés graves parmi les dizaines d’habitant.e.s. La presse locale couvre largement l’événement en récoltant comme d’habitude en priorité leurs informations auprès des autorités et administrateurs locaux. De quoi remplir aisément la rubrique « faits divers » des prochains jours.
Pourtant lorsqu’on connaît ce quartier Bayard/Belfort, que l’on écoute les récits des habitant.e.s sur le soir de l’incendie ou que l’on lit ce qu’ils et elles racontent sur leurs immeubles situés en pleins dans ces quartiers en phase de gentrification accélérée, on se dit qu’il n’est pas possible de tourner si vite la page.

En fait, si depuis bientôt deux ans la rue Bayard a fait peau neuve, ce n’est qu’en surface. Sur les pavés neufs d’aujourd’hui, les shlags d’hier usent toujours leurs vieilles godasses. Payée rubis sur l’ongle et inaugurée en grande pompe par les pouvoirs publics, cette rue Bayard n’est pour l’instant qu’un ravalement de façade permettant d’offrir aux visiteurs-consommateurs d’un jour un beau panorama pour leur trajet entre la gare et le centre-ville. En attendant la dégueulasse Occitanie Tower.Tout pour le biff quoi. Mais derrière les trottoirs à 400000€ se cachent encore quelques vieux immeubles où se croisent galériens des centre villes en tout genre. Parce qu’aujourd’hui pour vivre dans le centre-ville de Toulouse sans gagner des salaires mirobolants, bah faut savoir se contenter d’un taudis.

La recette est toujours gagnante pour les promoteurs ou propriétaires et leurs amis de la mairie : laisser pourrir des bâtiments entiers et encaisser les loyers en attendant de pouvoir vendre quand les pouvoirs publiques lancent des chantiers de rénovation. Mépris total pour les locataires qui payent les pots cassés lorsqu’il faudra partir, être expulsé.e.s, crever dans un incendie, finir sous des gravats...

Voici deux textes écrits par des habitant.e.s de l’immeuble.

Communiqué des habitant.e.s du 73 rue de bayard

Cette incendie n’a étonné personne d’entre nous étant donné l’état déplorable de notre immeuble. En effet malgrés les loyers et les charges que nous payons tout les mois l’immeuble était laissé à l’abandon.
Il ne s’agit pas que d’ascenceur en panne des mois durant, mais également d’un entretien des parties communes inexistant, d’installations éléctriques défaillantes, des fuites d’eaux quotidienne, d’une mauvais évacuation des eaux usées, d’invasion de blattes, cafards, punaises de lit et autres nuisibles. La liste serait bien trop longue pour être exposée dans sa totalité.

Le préfet, rempli de mauvaise foi, s’est rendu sur les lieux le 10 janvier à 8h, pour déclarer que « l’immeuble était viable et non insalubre ».
Nous ne partageons absolument pas ce constat.

Nous demandons réparation envers la propriétaire de ce lieu, du syndicat de copropriété et des autorités publiques.
Comment est il possible de loger des etres humais dans de telles conditions ? Comment la mairie peut penser à faire sortir de terre un nouveau quartier d’affaire avant d’imaginer loger décemment les habitant.e.s de Toulouse ?

IL EST TEMPS DE RENDRE DES COMPTES !!!

Les habitant.e.s en colére du 73 rue de Bayard

Récit de la nuit de l’incendie et des jours suivant.

C’est mon point de vue, ça n’engage que moi. Croyez pas que derrière le « nous » se cache un texte collectif

On n’a pas le temps de s’endormir

On se couche après un concert où on a mis le feu, certains font encore la fête au salon, un dernier pet avec une personne qui nous est chère... On s en fout que nos murs croulent, ça fait 3 mois qu’on se bat pour avoir une installation électrique décente : Ce qui veut dire pouvoir utiliser plus d’un feu à la fois sur la plaque électrique, pouvoir faire des machines à laver et son café en même temps, être sûr que cette machine à laver ne fasse pas sauter les plombs.

Dans nos vies faites de petits tafs précaires, on se plaint pas d’avoir des merdes sur nos parcours. On demande simplement à pouvoir les évacuer chez nous et pas au bar d’à côté (big up la chope) parce que la proprio met du temps à réagir quand les toilettes saturent. L évier de la salle de bain est lui toujours détaché du mur dans la buanderie, incendie ou pas.
On en fait des raps à la coloc de ces anecdotes, venez voir RB&B on vous racontera la « tour des miracles », les blattes dans les cafés et les anonymes dans le crack, les personnes à la santé et aux situations administratives fragiles, les odeurs de pisses et de poubelle fraîche du hall, des personnes qui se lèvent très tot et des couche tards qui se croisent par cloisons interposées... Comment on laisse un immeuble tomber à la ruine avant de revendre le bâtiment pour y faire émerger le futur centre-ville plus propre et plus lisse de Toulouse.

Pas le temps de s’endormir

Les incendies, ça fait des frais et les frais font tourner la boutique. Experts, assurance, réfection destruction reconstruction... des ronds qu’on aurait tort de pas faire. Les incendies tels que celui du 73 bis bayard rapportera sur le moyen et long terme. Les seuls dommages sont des vies humaines et le modeste mobilier qui les accompagnaient, les perdant-e-s sont les habitant-e-s.
On est pas loin de cent. Des familles, des personnes seules, des couples... on est sortit en groupe, quand les pompiers ont mis du temps des personnes sont remontées dans le bâtiment en flamme. On se demandait où ils étaient ces pompiers et on a vu arriver les flics, pas polis -peut-être crevés mais on s’entend à ce moment là tout le monde était à égalité -, comme d hab ? Et quoi ?

C’est tendu : la BAC (oui la BAC) essaie de serrer un mec, un gars leur dit c’est pas le moment, échauffourées, 2 arrestations, des gens la gueule dans le sol devant leur maison qui brûle... À ce moment tu rêves presque qu’on découvre une tonne d’afghan dans le bâtiment, qu’on explose tout le quartier et toi en premier.

Mais pas le temps de s’endormir

Le lendemain, on a des pieds à terre de fortune. des bons potes et souvent pas de gosses. Les autres sont au gymnase, évidemment les personnes ont déjà changé de lieu d’hébergement d’urgence depuis l’incendie. Ça ne fait que commencer. la mairie ne sait pas où nous mettre après dimanche soir ( 13 janvier). Le gymnase est mal isolé, les gentes ont froids avec ces habits que t’as quand tu sors d’un chez toi en flamme à 3h00 du mat’. Mais ça va : on leur donne a manger...

Alors merde

La préfecture a dit dès le matin de l’incendie que chez nous c’était salubre. C’est faux. Maintenant on s’organise entre habitant-e-s, on va créer notre asso. Lundi on va à la mairie avec une idée précise de ce qu’ on veut : du Respect !

Vous nous soutenez ? Vous soutenez des personnes victimes du mépris d une propriétaire, d’un cabinet de gérance et des pouvoirs publics, vous condamnez leur désertion, et toutes ces crapules qui font des ronds avec des ascenseurs en panne ? Parce qu’à Paris aussi il y a des court-circuits dans les maisons de personnes pauvres, racisées, neuroathypique ou autres habitantes de la « marge ». À Marseille une maison s’écroule alors ça rase tout un quartier. Et ailleurs ?
Ailleurs comme ici le même mépris, des propriétaire/gérance/mairie/préfecture qui n’assument aucune de leurs responsabilités quand des personnes à la rue ont besoin de soutient et de considération.

Faites le savoir, on ne va pas se laisser faire.

Pas le temps de s’endormir