Lettre de la plaine. A Jean-Claude, 16 Novembre 2018

Une lettre à Jean-Claude Gaudin, écrite le surlendemain de la manifestation de la colère.

16 novembre 2018

Cher Jean Claude.
Comment as-tu trouvé cette grande manifestation populaire de mercredi soir ? Un vrai succès n’est-ce pas ? On lui a trouvé un titre "ils ont peur parce qu’ils ont tort" ou "bonne nuit les trouillards". Lequel préfères-tu ? On aime bien les deux, ça va ensemble. Un titre qui va cartonner, Jean-Claude.

C’est dommage quand même de fermer l’hôtel de ville si tôt, on serait bien entré te faire un coucou. Tout le monde chantait pour toi Jean-Claude
"on est ensemble on est marseille
et la mairie, la soléam nous font de la peine"

Comme on sait que tu es sourd, on se dit que tu n’as peut-être pas entendu mais on clamait ton nom. Un très beau nom, Gaudin, qui se marie très bien à d’autres mots. Comme assassin. Ça sonne bien. La prochaine fois renseigne toi sur ce qui se passe en bas de ton bureau. Ça pourrait t’être utile.
Il se dit que d’autres manifestations de ce genre se préparent. En tout cas dans la presse on ne parle que de toi, ton nom est partout. Tu fais le tour du monde Jean-Claude. Tu sais il y a toujours des choses imprévues dans une vie, surtout dans une longue vie comme la tienne. La pluie par exemple. Ça arrive comme ça, un matin, sans qu’on l’ai vu venir. Tu avais sans doute fini par oublier le réel, oublier qu’à tout moment il pouvait faire irruption. On ne peut pas tout prévoir Jean-Claude, c’est comme ça. Aussi, on comprend que tu ne sois pas prêt mais ne t’en fais pas, nous on l’est, plus que jamais. Fin prêt pour le réel Jean-Claude. Tu vas enfin devenir cette grande star que tu as toujours voulu être. Quelle chance ! On sait que c’est difficile pour toi, vu ton âge, alors on te propose de commencer par un geste très simple, très petit, mais nécessaire : ranger ton bureau. Ça t’aidera peut-être à retrouver la mémoire, retomber sur tous ces papiers que tu as signé, tous ces rapports, ces bilans, ces petits mots. Avoir fait tant de choses en 23 ans et en avoir si peu gardé la mémoire ça doit pas être évident. On va t’aider à faire le bilan, sois tranquille.
Tu sais bien Jean-Claude que ça ne pouvait pas durer ce grand gavage. Tu aurais finis par tomber malade. Une crise de foie. En tout cas on pourra dire que tu as bien profité. Avec un appétit remarquable !
Pour ta nouvelle vie, toute la ville te prépare bien des cadeaux, Jean-Claude. La noël avant l’heure. On passera de la musique, on tirera un feu d’artifice et on t’apportera un peu de chocolat.
On sait que c’est difficile pour toi. Mais ne t’en fais pas, on te laissera le choix. Tu pourras quitter la ville en hélico, ou en bateau si tu préfères. C’est la ville parfaite pour une évasion Marseille. En attendant prépare toi. Range ton bureau

Au fait, on voulait te dire. On te veut vivant Jean-Claude.

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