Le 28 septembre 2022, la Bourse du Travail de Paris a laissé s’installer dans ses murs une opération de propagande orchestrée par deux syndicats de policiers — dont le plus raciste et réactionnaire, Alliance Police Nationale —, en présence du préfet de police et du ministre de l’Intérieur ! Tout cela dans un silence assourdissant, venant d’abord des centrales syndicales qui siègent à la Commission administrative de la Bourse du Travail [1], tout comme de la part des partis de la gauche d’appareil ou des ONG de « défense des libertés ». Surtout qu’une première réunion de préparation, au même endroit, a eu lieu le 7 septembre dernier ! [2]
Depuis quelques mois, nous avons remarqué que des sections syndicales de policiers UNSA deviennent de plus en plus présentes à la Bourse, essentiellement des agents de la nouvelle police municipale parisienne qui prévoit de recruter à terme plus de 3000 flics. Très souvent, c’est la grande salle Ambroize Croisat qui les accueille. Déjà, se réunir aux côtés de flics (en uniforme !) nous met plus que mal à l’aise, étant nous même proches de victimes ou victimes directes de leur oppression, mais le grand spectacle du 28 septembre fut d’une toute autre ampleur. Cette grande messe entérinait la création d’un bloc syndical ultra-autoritaire, regroupant treize organisations autour d’UNSA police et d’Alliance, pour tenter d’écraser aux prochaines élections de décembre les keufs de SGP-FO, les soi-disant « flics de gauche » (FO est historiquement très proche du PS). Derrière ce décor perfide, comble de l’obscène, se sont affichés dans les tribunes de la Bourse du Travail les deux plus grands exécutants de la répression quotidienne, à savoir le ministre agresseur Darmanin et le préfet Nunez, lui-même ancien ministre, qui ont « répondu à l’invitation » pour finalement faire allégeance aux petits chefs de la syndicalo-milice nationale.
Après sa déplorable démonstration de force devant l’Assemblée nationale en mai 2021, accompagnée de presque tous les partis politiques (PS, PC et EELV étaient là, en compagnie des leaders de toute la la droite et des ministres), Alliance investit maintenant les Bourses du Travail ?
On se contrefout des calculs politiques de quelques syndicats de flics. D’ailleurs en sont-ils vraiment ? Il s’agit avant tout pour Alliance, de répandre l’idée d’une une gestion toujours plus violente de la société et non de lutter contre un patron. On sait bien qu’il n’y a pas de flics de gauche ou de droite, ce sont tous des soldats de l’État et du capital. Et rappelons-le, la justice a toujours été au service de la police. La colère vient du fait que cette opération ait pu se dérouler sous nos yeux, dans une Bourse du Travail, en présence d’un ministre d’État. En colère qu’aucune organisation syndicale n’ait agi avant pour s’y opposer et qu’aucune non plus ne se soit prononcée sur ce meeting deux semaines après les faits. Comment cela a-t-il pu se réaliser sans opposition, sans résistance ?
Les Bourses du Travail ont eu un rôle profondément émancipateur dans l’organisation de la classe ouvrière il y a une centaine d’années. L’idée même de créer un lieu autogéré, qui échapperait aux structures étatiques comme à l’influence des cartels et des capitaines d’industrie, était foncièrement révolutionnaire, à la fois produit et instrument de l’anarcho-syndicalisme. Tout au long du 19è siècle le mouvement ouvrier tient à bonne distance tout fonctionnaire d’État et les forces de police, compris à juste titre comme les forces répressives du capitalisme. A fortiori, il est impensable des les accueillir dans les murs des Bourses du Travail.
Aujourd’hui encore, elles restent un lieu de résistances, d’échanges, d’élaborations.
Les Nuits Debout en 2016 ont redonné vie à cette Bourse rue du Château d’eau, toute proche de la place de la République, renommée pour l’occasion place de la Commune. Alors la voir foulée par un ministre d’État accusé de violences sexuelles, multipliant les propos racistes, c’en est trop !
Le silence des organisations syndicales qui a entouré cette réunion inquiétante est assourdissant. Assourdissant pour les libertés publiques, inquiétant pour l’autonomie des organisations syndicales.
Il est impératif pour nous de réaffirmer la violence et la menace que représente la présence des flics et de toute force répressive de l’État à l’intérieur des Bourses du Travail. Le mouvement ouvrier n’a de cesse de combattre et de s’émanciper des lois liberticides et de l’exploitation capitaliste. Les flics et toutes les cohortes dites de « sécurité » sont les garants de cet ordre capitaliste et des injustices sociales qui lui sont liées. Il est impossible de banaliser cette présence quand nous combattons sans relâche pour la justice sociale, la fin de l’exploitation et pour l’égalité des droits.
Nous espérons que nombre d’organisations syndicales, de groupes et de collectifs relaieront autour d’elles et eux cette sinistre nouvelle afin que cette infamante présence policière à l’intérieur de la Bourse du Travail, adoubée par les plus hauts représentants de l’État sécuritaire, soit à jamais reléguée au magasin des mauvais souvenirs. Et si d’aventure il leur prenait l’envie de réitérer, soyons présents, en nombre, devant NOTRE Bourse du Travail, pour dénoncer cette exécrable présence.
Coordination contre la répression et les violences policières, 11 octobre 2022