Meurtre de Thomas : à l’extrême droite rien se crée, rien ne se perd, tout se récupère.

La Horde revient sur la mécanique funeste des mobilisations nationalistes en France et focus sur l’échec de l’expédition punitive raciste de Romans-sur-Isère.

Thomas a été tué à coups de couteau, le 19 novembre lors d’un bal à Crépol. Dans une sinistre mécanique de récupération désormais rôdée, l’extrême droite instrumentalise ce dramatique fait divers pour l’ériger en fait de société. Parfaitement indifférente à la réalité des évènements, elle s’en sert de levier pour fracturer un peu plus la société et aussi et ce n’est pas accessoire, laisser libre cours à sa violence. Pour d’évidentes raisons nous mettons de côté la marche blanche organisée autour de la famille et nous allons revenir uniquement sur les rassemblements à l’initiative de l’extrême droite, ainsi que sur la mécanique qui les anime. Bien que relativement nombreux (Reims, Laval, Aix, Lyon, Romans-sur-Isère, Toulouse, Albi, Colmar, Angers, Annecy, Grenoble, Paris) ils n’ont guère drainé beaucoup plus d’un millier de personnes. Mais ils ont parfois débouché sur les habituelles scènes de violences racistes et de chasse à l’homme qui connaîtront leur paroxysme pathétique à Romans-sur-Isère, révélant un sentiment d’impunité manifeste chez les nationalistes radicaux.

Sortir du carcan nationaliste

C’est désormais un schéma redondant, où les « influenceurs » nationalistes tel Damien Rieu tiennent un rôle pivot, celui de déformer la réalité afin de la plier à leur vision idéologique. Chaque fait divers est monté en épingle et sert de catalyseur pour créer une polémique sur les réseaux sociaux en espérant lui trouver un débouché dans la rue avec l’appui des groupuscules fascistes locaux. L’idée est de sortir de la bulle nationaliste pour que des contacts avec le grand public se fasse et ainsi faire infuser leurs idées dans la société. Quitte, ou plutôt forcément, en passant par des amalgames, des raccourcis et de gros mensonges. Internet n’oublie rien mais le déluge d’information fait que la vérité est rarement exhumée de ce fatras. Et de toutes façons, on retrouve une tendance lourde quand on oppose des faits aux fantasmes de l’extrême droite : « Cela aurait pu arriver ». Si ce n’est pas vrai, c’est au moins plausible et cela suffit à leur univers mental fictionnel. Le conditionnel conditionne leur nuisance. Le modèle Trump a prouvé l’efficacité délétère de cette méthode.

Comme pour Lola, on a vu toute l’extrême droite s’atteler à faire monter des hashtags au sujet du meurtre de Thomas. Comme pour Lola, la plupart des illustrations et graphisme autour de Thomas soulignent la jeunesse de la victime et mettent en avant son visage pour facilité une plus forte empathie, voire une forme identification pour les plus jeunes. Une affiche produite par Argos, la resucée de Génération Identitaire, a servi de matériel de fortune pour nombre de collages en France. D’autres plus brutes clamaient « Face aux assassins, plus de marches blanches, légitime défense ». Le plus souvent, visuellement, ces campagnes tentent de désarmer l’esprit critique du spectateur/rice, ne cherchant qu’à susciter l’émoi et la compassion. Un préalable indispensable pour avancer des concepts aussi indigents que le « francocide », opéré par des « barbares », qui serait en cours.

L’impossible jonction avec « le pays réel »

Parmi les mobilisations on a pu constater des expéditions punitives nocturnes comme à Reims, Rennes, Romans-sur-Isère ou de manière plus ambivalente à Lyon. Pour prendre un exemple, à Reims, un groupe d’une cinquantaine de fafs a posé devant la cathédrale derrière un drapeau noir flanqué d’une croix celtique. Clairement ici, il ne s’agissait pas d’attirer le chaland. On y reviendra mais le plus souvent, ce sont des hommages « apolitiques » qui ont prévalus. Car comme lors de l’émoi autour du meurtre de Lola cet apolitisme de façade permet de noyer le poisson et de déposer des rassemblements et manifestations en préfecture via des prête-noms. Ainsi les interdictions préventives ont pu souvent être évitées et elles ont même le plus souvent pu se dérouler sous protection policière.

Nous n’opposons pas ces différentes formes d’intervention publiques. Comme de coutume elles sont le reflet d’une tension propre à la dynamique de l’extrême droite radicale qui oscille toujours entre l’inconciliable recherche de respectabilité et le désir d’assouvir une violence perçue comme libératrice. On notera après notre recension qu’une forme où l’autre ne débouche pas forcément sur une mobilisation plus large. Indéniablement les bas du front cogneurs ont les coudées franches pour agir souvent en toute impunité, avec un pouvoir politique qui s’en accommode volontiers. Par contre les nationalistes ne parviennent pas à faire la jonction avec leur mirage de « pays réel » tant fantasmé et qui pourtant continue de repousser leur projet politique.

Panorama des mobilisations locales...

À Aix-en-Provence, un rassemblement a lieu le vendredi 24 novembre, devant le palais de justice place des prêcheurs, avec peut-être 70 à 80 personnes. Parmi les têtes connues Stéphane Ravier de Reconquête est présent et prend la parole. Le Maquis revendique la venue d’une dizaine de militant.es. D’autres représentent Némésis, l’Action Française d’Aix, la Cocarde Provence. Enfin il y a Raphaël Ayma et quelques autres de Tenesoun, le groupuscule qui a impulsé l’évènement. On le voit tout ceci n’a pas le succès escompté : beaucoup de chef.fe.s mais de maigres troupes.

Dans l’ouest, à Angers, bien qu’il ait signifié sur les réseaux sociaux simplement se joindre au rassemblement, c’est bien le RED (Rassemblement des Etudiants de Droite) qui est à la manœuvre ce samedi 25 novembre. Un rassemblement qui, aussi péniblement que le discours de Jean-Eudes Gannat, peinera à atteindre les 70 participant.es bien que les voisin.es de Des Tours et des Lys sont en renfort et que les militant.es locaux des Patriotes sont aussi de la partie. Pendant ce temps, selon la presse locale, une manifestation féministe de 600 personnes parcoure la ville.

Rebelote le lendemain, à Laval. On prend les mêmes et on recommence. Derrière la banderole déployée la veille à Angers, une déambulation de la cathédrale à la préfecture mobilisera tout juste 100 personnes d’après Ouest France. Pourtant, en plus des troupes du RED, du Mouvement Chouan et des locaux de Meduana Noctua, une grosse délégation (cagoulée comme de coutume) de rennais.es de l’Oriflamme a fait la route. Il y a aussi des membres du RN dont Jean-Michel Cadenas, responsable pour la Mayenne, qui ne sont pas gênés pour un sou de patauger avec ce petit monde néo-fasciste. Après tout l’extrême droite est une grande famille (dysfonctionnelle).

Le soir, de retour au bercail, l’Oriflamme reçoit l’appui de supporters des stades rémois et rennais pour déambuler en ville et jouer les gros-bras et en découdre. Ce qui paraît une démonstration de force ne masque pas que l’Oriflamme n’est pas en mesure d’organiser un rassemblement public en ville et qu’il lui faut ruser pour se prémunir d’une riposte. En parlant de protection, leur local tenu secret a été récemment débusqués par les antifascistes (lien instaet facebook@ag.antifa.rennes). De longues et angoissantes nuits de veille en perspective.

À Annecy 130 personnes défilent le 26 novembre et c’est Reconquête qui organise. On peut noter parmi les manifestants la présence de l’antisémite Alexandre Gabriac et surtout que l’évènement se solde par l’agression très violente de Gérard Fumex, journaliste d’un média local sous le regard indifférent pour ne pas dire bovin de la police.

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