Ce matin, jeudi 9 juillet, c’est le scénario de l’évacuation des jardins d’Eole du 19 juin qui a été reconduit avec – quasiment – les mêmes acteurs et actrices, Ofpra, marie de Paris, éluEs et militantEs PCF et EELV et Emmaüs.
Les mêmes promesses : vous montez dans les cars (10 cars) vers des centres d’hébergement, vous pourrez y rester le temps de faire vos démarches de demandes d’asile et après… Le même ultimatum : « c’est maintenant ou jamais et si vous ne montez pas… on ne pourra rien pour vous ».
Deux petites modifications dans le scénario cependant. La première c’est que cette fois les migrantEs ont refusé par trois fois tant qu’ils et elles n’avaient pas de garanties écrites. Elles leur ont été refusées. Devant le non-choix proposé… ils et elles sont montéEs dans les cars. La seconde est que le dispositif policier était relativement léger. C’était une erreur de casting la fois précédente, la ficelle du « choix » était trop grosse. Mais la réalité est vite apparue quand, dès le dernier car parti, une responsable de la mairie a annoncé aux migrants qui n’étaient pas montés dans les cars qu’il fallait qu’ils prennent leurs affaires car la place allait être « nettoyée » !
Reprenons le fil de nos questions « naïves » toujours irrésolues :
– Si cela est réellement une « solution » pourquoi a-t-il encore fallu attendre trois semaines à la Halle Pajol ?
– En quoi cela a-t-il un lien avec la fait qu’après 2 semaines difficiles, les migrantEs étaient en train de reprendre le chemin de la lutte et de la visibilité ? Avec le fait qu’ils et elles ont appelé pour ce soir justement à leur troisième manifestation en une semaine ? Avec le fait que se mettait à revenir avec de plus en plus de force dans leurs propos l’hypothèse d’occuper le lieu collectif qu’on leur refuse ?
– En d’autres mots où est la volonté d’aider les migrantEs dans cette « solution » ? Quelle est la réalité (l’hypocrisie en fait) du discours tenu par ces messieurs et dames ce matin sur « l’importance de ne pas laisser des êtres humains à la rue » ? Après trois semaines à la Halle Pajol ?
– Et toujours, quid de ceux et celles qui n’étaient pas là ? De ceux et celles qui sont des sans-papiers parce qu’ils et elles ne peuvent demander même le droit d’asile ? De ceux et celles qui ont des OQTF (Ordre de quitter le territoire) ? Quid de ceux et celles qui arriveront demain… puisque seule la lutte de ceux et celles-ci a obligé à cette « solution » ?
Et, question subsidiaire au PCF dont le représentant ce matin, pas avare de complaisances, admettait que cette « solution » a été forcée par la mobilisation collective des migrantEs et des soutiens : quelle cohérence alors avec une opération dont la conséquence (et l’objectif) est de disséminer les migrantEs, de casser leur capacité d’organisation collective ?
Dans tout ça la même logique : les forces qui sont venues, avec arrogance, évacuer le campement ce matin traitent les migrantEs au mieux comme des objets, en fait comme un problème, une nuisance. D’ailleurs s’il fallait « nettoyer le campement » (des migrantEs ?) c’était selon les propos de cet élu du PCF parce que « ce n’est pas la vocation de la Halle Pajol » et « parce qu’il y avait des plaintes de riverains et de commerçantEs ». On ne demande pas son avis à un problème, un objet, une nuisance, on le déplace, on le cache, on le nettoie.
Un responsable de la mairie auquel il était demandé pourquoi celle-ci n’avait pas ouvert un immeuble collectif a donné la réponse éclairante suivante : mais si on en ouvre un aujourd’hui, combien faudra-t-il en ouvrir demain ? De ce point de vue quelle différence alors avec des centres d’hébergement ? A moins que cela signifie , ce dont tout le monde peut se douter, qu’il ne s’agit même pas de régulariser la situation des migrantEs évacuéEs. Ces migrantEs-ci, qui se sont battus, se sont renduEs visibles, seront hébergéEs (comprenez cachéEs) le temps qu’il faudra, le temps que leur force collective s’épuise. Quant à ceux et celles qui arriveront demain….
Bref ça ne finira jamais. Mais pas seulement parce que rien n’est réglé. Aussi parce qu’il y a désormais plusieurs centaines de migrantEs à Paris, actuellement dans des centres d’hébergements – mais pour combien de temps ? – qui se sont battuEs. Que des campements et des luttes existent dans d’autres lieux, dans d’autres villes. Parce qu’il y a des centaines de soutiens avec qui ils et elles ont établi des liens. Un type d’expérience qui ne se perd pas et qui peut aussi se transmettre. Nos rêves (d’humanité) sont vos cauchemars (de gestionnaires). Ca ne finira jamais.
lu sur le site deLa Horde