Au départ de ce mouvement social, la mise en place par décret d’une taxe sur « prévention de l’assistanat social » qui criminalisait le chômage, inspirée d’une mesure soviétique et en place depuis 2015. Chaque individu ne pouvant attester de plus de six mois de travail déclaré par an aurait à payer 360 nouveaux roubles biélorusses soit 180€. Mise en place en 2015, et devant être pour la première fois payée en février 2017, en fonction de l’activité de l’année 2016. Entre 430.000 et 470.000 personnes seraient concerné.e.s par cette taxe. Les sanctions prévues en cas de non-paiement vont d’une amende supplémentaire de 47€, jusqu’à deux semaines d’emprisonnement et des travaux d’intérêts généraux, dont la possible rétribution est fixée à 10€ par mois. Au début du mouvement de contestation le mois dernier, seul 12% des concerné.e.s se seraient acquité.e.s de cet impôt. La seule alternative est d’aller justifier sa mauvaise situation financière à une commission gouvernementale avant la date du 20 février, considérée comme un processus humiliant.
Une première marche s’est tenue le 17 février 2017 à Minsk, rassemblant environ 2.000 personnes dans une manifestation non-autorisée symbolique entre la place de la République au centre de la ville et le parlement. La manifestation terminée, les organisat.eur.rice.s appelèrent à la dispersion et à revenir dans la rue dans un mois, pour laisser le temps à Lukashenko d’annuler la loi. Un des groupes les plus organisés et bruillants était celui des anarchistes, le seul à être attaqué par la police à la fin. Une bannière y fut volée mais personne ne fut arrété. Un grand mouvement de soutien pour les anarchistes vint d’autres gens qui resistèrent aussi à la police, en escortant les participant.e.s du black bloc vers un espace sûr.
Pendant la semaine suivante, des manifs ont eu lieu à Brest et Gomel, les plus grands rassemblements d’opposition en dehors de Minsk de l’histoire de la Biélorussie. À Brest, un petit groupe d’anarchistes prit le contrôle de la marche de l’opposition traditionnelle qui aurait voulu organiser une négociation avec le maire de la ville. À la place, les manifestant.e.s occupèrent la rue en chantant « Non au Décret 3 » et « Lukashenko dégage ! », Décret 3 étant le nom officiel de la mesure. Après ce succès, de nombreu.x.ses anarchistes ont été arrêté.e.s chez e.ux.lles et mis en détention pour 5 jours. Plus tard les manifs se sont déroulées dans de plus petites villes dans tout le pays, avec une participation allant de cent à mille. Ces plus petites villes n’avaient pas eu de manifestations depuis plusieurs dizaines d’années, et maintenant les gens y manifestent ensemble contre la loi.
Le 9 Mars, le gouvernement biélorusse aurait reculé en suspendant la mesure controversée, allant jusqu’à rembourser ceux qui l’auraient déjà payée, mais sans pour autant l’annuler. Cela ne semble pas arrêter la contestation, qui s’étend maintenant aux autres villes du pays comme Brest, Gomel, Hrodna, Ragachou et Vorsha et au-delà des cercles de l’opposition traditionnelle d’après des journalistes et n’est plus uniquement contre l’annulation de la loi mais aussi contre Lukashenko et son gouvernement. Le lendemain, le même gouvernement commençait une campagne d’arrestation d’activistes et journalistes indépendant.e.s dont certain.e.s ont déjà été condamné.e.s à des amendes et de la détention pour participation à des rassemblements non autorisés. Plus de 200 personnes seraient actuellement en état d’arrestation suite à cette campagne de répression. (récapitulatif des arrestations et condamnations sur le site d’amnesty international).
Simultanément, la télévision officielle biélorusse diffusait de la propagande contre le mouvement social, en cherchant à diviser entre les manifestant.e.s honnêtes et affecté.e.s par la mesure qui déservent la compassion et les « provocateurs » (en français dans le texte). L’accusation contre ces « provocateurs » est de vouloir déstabiliser le pays en créant un autre Maydan, en référence à l’occupation de la place centrale de Kyiv en Ukraine. La video y présente les anarchistes comme de tel.le.s « provocateurs », fantassin.e.s du nationalisme libéral. Ce film montre clairement que le gouvernement ne va pas ceder aux pressions des manifestations et réprimer celleux qui ne s’y conformeront pas. Une idée renforcée par l’intervention télévisée officielle du président.
Les médias d’europe occidentale semblent en faire très peu mention, à l’exception de ceux qui cyniquement célèbrent ces protestations dans ce qu’elles pouraient avoir d’utile sur le plan des arrangements internationaux entre l’U.E et la Russie ou qui l’annoncerait comme une bataille déjà gagnée suite au revirement du 9 mars.
Avec des « leaders » d’opposition largement en exil depuis la répression suite aux élections de décembre 2010, et une contestation qui ne s’est pas calmée après la suspension de l’application du décret comme en témoigne la plus grande manifestation à ce jour à Minsk le 15 mars (2.500 à 3.000 personnes) et Hrodna (800) et ce malgré les détentions préventives des derniers jours. un témoignage de la marche :
La police n’est pas intervenue durant la marche, par contre, l’abondance de personnes en civil montrant un intérêt pour le black bloc des anarchistes était suspect. Ceux-là, toujours avec leurs visages couverts, se sont réorganisé.e.s en orchestre de percussion en face du théâtre Kastrychnik, en se déplaçant en groupe, après cette manifestation improvisée, se s’en sont remis à d’autres participant.e.s pour pouvoir embarquer dans le tramway, pour leur éviter d’être arrêté.e.s sur place. Illes y arrivèrent après une altercation courte mais violente avec des gens habillé.e.s en « survet de sport ». Le tram s’est par contre fait stopper à l’arrêt du casino Belaja Vezha, ou environ 40 passager.e.s ont été tabassées et jeté.e.s dans des minibus.
une vidéo de cette même arrestation :