Mardi 17 octobre au matin, un vaste coup de filet policier a été mené dans les Bouches-du-Rhône et en Seine Saint-Denis, avec à la clé l’interpellation de dix militants d’extrême droite soupçonnés de préparer des attentats. Cette opération, spectaculaire, a visiblement été précipitée afin de couper l’herbe sous le pied à des journalistes qui s’apprêtaient à faire des révélations sur des projets d’attaques contre des mosquées, des migrants ou des personnalités politiques : en pleine psychose terroriste, les flics ne pouvaient pas se permettre de passer pour des nouilles, et ils ont préféré prendre les devants.
Qui sont les principaux interpellés ?
Âgés pour la plupart de 17 à 29 ans (trois des interpellés sont mineurs), ce ne sont pas pour la plupart des militants chevronnés. Pourtant, parmi les huit qui ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », au moins d’eux d’entre eux ne sont pas des inconnus.
Le journal Le Monde a consacré un long portrait (plutôt complaisant d’ailleurs) à Logan Alexandre Nisin, présenté comme le « cerveau » du groupe. Alors qu’il n’a que 21 ans, il a fréquenté dès l’âge de 16 ans les groupuscules d’extrême droite les plus radicaux, et surtout les militants les plus allumés : les Jeunesses nationalistes d’abord jusqu’à leur dissolution, puis le MPNA qui s’auto-dissout à son tour, pour finalement se retrouver à l’Action française, à Aix-en-Provence, mais cette fois c’est lui qui décide de partir (au milieu des étudiants du groupe, il fait tache, lui qui n’a pas fait d’études). Selon Le Monde, il était également le trésorier du projet fumeux « France-Village » de Cédric Rivaldi (un proche de Daniel Conversano), qui fait la quête dans les milieux nationalistes afin d’acheter un petit village pour « sauver la race blanche ».
Ce que ne précise pas le quotidien, c’est que Nisin a ensuite repris contact avec ses anciens copains du MPNA, notamment son fondateur Olivier Bianciotto, qui entre temps a rejoint le Parti de la France (PdF).
Fondé en 2009 par Carl Lang, ancien numéro deux du FN, le PdF est le principal représentant des mouvements qui tentent d’incarner ce qu’était le Front des années 1980, c’est-à-dire une structure regroupant toutes les tendances de la mouvance nationaliste, sans refuser personne. De fait, le PdF est aujourd’hui le refuge de tous ceux qui craignent de subir les foudres de la « respectabilité » à laquelle le FN de Marine Le Pen aspire ces dernières années. Le parti se distingue également par la virulence de son discours islamophobe, empruntant dans les premier temps les visuels de l’UDC suisse ou du mouvement pro-Köln allemand, avant de tenter de doubler le FN sur sa droite sur la thématique de « l’immigration-invasion ».
Au PdF, Nisin fait la connaissance de Thomas Annequin, membre du PdF 04, dans les Alpes-de-Haute-Provence : ce dernier sera lui aussi arrêté le mardi 17 octobre 2017, à son domicile à Forcalquier, où la police découvre un véritable arsenal (quatre armes d’épaules et diverses armes de poing).
On les retrouve ainsi tous les deux à une commémoration de l’Adimad au cimetière de Marignane pour l’Algérie française au sein de la délégation du PdF le premier novembre 2016 (cf. ci-dessous). C’est d’ailleurs peut-être leur nostalgie de l’Algérie française qui leur a donné l’idée de reprendre le nom de l’Organisation Armée Secrète (OAS) qui, dans les années 1960, chercha par des actions terroristes à maintenir la présence coloniale de la France en Algérie.
À l’extrême droite, on fait l’autruche
En tout cas, très vite, à l’Action française, on a demandé aux militants de supprimer tous les liens qui auraient pu être établis avec Nisin sur les réseaux sociaux. Le mouvement royaliste s’est également fendu de deux communiqués : dans le premier, François Bel Ker, secrétaire général de l’AF, affirme que sa formation « ne connaît ni les identités ni les agissements des individus interpellés mardi 17 octobre. Elle rappelle simplement que toute son histoire prouve son refus de l’action terroriste.
Et pourtant, sans remonter aux Camelots du Roi, la ligue factieuse des années 1930, c’est là faire preuve de bien peu de mémoire de sa part. Car son prédécesseur, Olivier Perceval[1] n’est-il pas celui qui a accueilli et hébergé chez lui durant les trois dernières années de sa vie René Resciniti de Says, plus connu sous le nom de « René l’Élégant », l’homme qui se targue d’avoir assassiné Pierre Goldman et Henri Curiel ? Et qui plus est sur les ordres de Pierre Debizet, barbouze en chef du SAC (Service d’Action Civique), la fumeuse officine gaulliste dissoute en 1982 après le massacre de la tuerie d’Auriol ?