Pour que bientôt ce soit au tour de la spéculation de s’effondrer.

« Il y a des gens qui meurent dans ces immeubles mais le pire, c’est qu’il y a des gens qui y vivent », ajoute son épouse, qui avoue «  des envies de révolution, que le peuple marseillais aille péter la mairie, là où il y a les rois qui boivent du chocolat ».

Ce sont 10 000 personnes qui se sont rassemblées ce samedi en hommage aux 8 personnes décédées dans l’éffondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne. 10 000 personnes qui sont allées depuis le cours Julien, à travers Noailles, jusqu’à la mairie.

À peine la marche commencée, exactement dans l’alignement du camp de gestion de crise installé sur le cours Lieutaud, de la Marche blanche et du comissariat de Noailles, le béton a de nouveau cédé. C’est un balcon qui s’est effondré au sol, emmenant deux personnes dans sa chute. Le béton a le sens du timing, il rappelle comme un poignard entre les omoplates la violence de la situation. La violence de l’abandon des quartiers populaires, la violence de leur dépecage quand il s’agit de les réaménager, la violence qui ne nous laisse pas de répit, pas même le temps des deuils. Comme dans les trois petits cochons, les maisons de bonne pierre résistent mieux que celles faites de brindilles quand le loup souffle. Comme on pouvait le lire sur la banderolle : « Ce n’est pas la pluie » ni le ciel qui fait s’écrouler les murs des pauvres quand ceux des riches tiennent bon. « Ils ne méritaient pas de mourir juste parce qu’ils sont pauvres. Nous les pauvres, on vit tous les jours le rejet. Je le vis parce que je n’ai pas les vêtements qui attirent, parce que j’ai pas les moyens de recevoir »

La marche a finalement repris quand nous avons compris qu’il n’y aurait pas d’autre choix que celui d’encaisser cette nouvelle chute. En traversant Noailles, dans un silence devenu pesant, parfois rompus par des clapements de mains quand le silence était trop dur à supporter, révélant une révolte contenue. La colère était palpable et on la retrouve dans les mots de toute la presse. «  Ce n’est pas normal, en 2018, que, dans la deuxième ville de France, des immeubles s’écroulent », dit Renaud. « Il y a des gens qui meurent dans ces immeubles mais le pire, c’est qu’il y a des gens qui y vivent », ajoute son épouse, qui avoue «  des envies de révolution, que le peuple marseillais aille péter la mairie, là où il y a les rois qui boivent du chocolat ».

Le cortège passé par le vieux port est enfin arrivé devant la mairie qui fait face au port de plaisance. C’est là que le Collectif du 5 novembre a pris la parole, ne rien oublier, c’est l’objectif qu’il s’est fixé. Kevin, son porte-parole, a énuméré les revendications des proches des victimes et des centaines d’habitants évacués des immeubles avoisinants. Il réclame un jour de deuil, la prise en charge des frais d’obsèques, y compris lorsqu’il faut rapatrier les corps à l’étranger, mais aussi des relogements dans des appartements pas à l’hôtel : « Nous voulons que les fleurs et les cierges que nous déposons ne soient pas enlevés. Il est inadmissible de voir des policiers en casque alors que nous essayons de faire notre deuil » Le collectif veillera aussi à ce que la catastrophe « ne soit pas l’occasion pour dégager quiconque du quartier ».

La colère s’est alors enfin exprimée contre une mairie responsable de tant de tristesse quand la foule s’est mise à hurler « Gaudin Assassin », « Gaudin démission ». Le maire semble cette fois-ci véritablement sur la selette, lui qui devait tenir une conférence de presse sur le cours Lieutaud ce vendredi en avait été interdit. Celle-ci s’est tenue à la prefecture, le maire tremblant comme sa ville y semblait déjà mis sous la tutelle du préfet. Alors que tout le monde le lâche, pour sauver sa peau, pour prendre sa place. Et si jamais après plus de vingt ans en poste, il finit enfin par sauter, il faudra bien prendre garde à ne pas se laisser berner par d’éventuels autres loups aux aguets.

Si la solidarité qui s’est exprimée pendant cette marche est notable, il est sûr qu’à l’opposé de ce que LeMonde affirmait ce samedi le fossé est plus creusé que jamais « entre un Nord de la ville qui cumule pauvreté, violence des réseaux de drogue et abandon des services publics, et un Sud riche et prospère ».

Ce que revendiquent les habitants de Noailles, c’est « la vérité, la transparence sur les expertises déjà faites sur les immeubles. Sachez M. Gaudin, M. Macron, messieurs les bailleurs, nous n’oublierons jamais ». En espérant que le mistral souffle fort et fasse retomber bientôt les bougies déposées en hommage au pieds des murs sur la tête des véritables responsables. Pour que bientôt ce soit au tour de la spéculation de s’effondrer.

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