1- assassinat d’un compagnon de lutte :
Traduction d’un article de Colombia Informa
Une « action urgente » informa que Nestor Iván Martínez, membre de la commission d’interlocution du centre et sud du Département du César et membre du Congrès des Peuples, fut assassiné dans l’après-midi du 11 septembre .
Selon la dénonciation, des hommes armés arrivèrent à la ferme du frère du leader communautaire, située dans la zone rurale de La Sierrita dans le département du César.
Là-bas, ils attachèrent l’administrateur de la ferme et son épouse et, quand Martínez arriva à la ferme, l’assassinèrent en lui affligeant deux balles dans la tête.
UNE TRAJECTOIRE DE LUTTE
Martínez était membre du Conseil Communautaire des communautés afro-descendentes de La Sierra, El Cruce et La Estacíon Conesice dans le Centre du César.
Actuellement, il menait un processus communautaire en défense du territoire [ndt : dans le terme "territoire", la notion des rapports communautaires est importante en Colombie, le territoire n’est pas juste un bout de terrain mais un lieu de sociabilité où peut vivre la communauté], contre l’extraction minière dans cette région. Il initia aussi en juillet une journée de protestation contre la décision de fermer l’hôpital public San Andrés du canton de Chiriguana, journée durant laquelle Neiman Agustín Lara, autre membre du Conseil Communautaire de La Sierrita fut assassiné.
UN PARAMILITARISME ACTIF
Les membres de la Commission d’Interlocution du Centre et du Sud du César avertirent pourant qu’ils et elles se trouvaient en grand danger. Le 25 août, par le biais d’un pamphlet de menaces réparti dans plusieurs zones du César, le Groupe Armé de nettoyage social menaça directement la Commission d’interlocution.
Dans les menaces proférées, fut affirmé que la commission se protégeait en une table de négociation « d’origine guérilléra [ndt : soit d’extrême gauche et pour eux "terroristes"] avec Ivan Cepeda » [ndt : fils d’un leader communiste de la UP assassiné, il est l’un des leaders de l’extrême gauche actuelle et sénateur]. Le tract de menaces porta aussi sur la "non-conformité" de l’occupation de plusieurs fermes qui ne sont pas exploitées économiquement, dans lesquelles des centaines de familles victimes du conflit armé se sont établies.
Pour Elias Nahum Quintero du Mouvement des Travailleurs paysans et des communautés du César : « la situation est pour nous extrêmement préoccupante, ces faits affaiblissent notre liberté de protester... Ce qui a été fait à Chirigua c’est de réclamer des droits, comme celui à la santé, c’est pour ça qu’il y eut des manifestations et qu’ils assassinèrent le compagnon. »
Selon Quintero, ces groupes de nettoyage social ne sont rien d’autres qu’une expression du paramilitarisme : « ils sont en train de se réorganiser dans la région, et d’apparaître dans toutes les régions, menaçant les meneurs et meneuses qui exigent le respect de la vie, de la terre, notre travail... Car l’exploitation minière et d’autres mesures nuisibles ont été redoublées. »
Le paysan conclut que les paramilitaires continuèrent leurs exactions malgré leur supposée démobilisation [ndt : show médiatique orchestré par Uribe pour ne pas se mettre à dos les USA qui placèrent les paramilitaires dans la liste des groupes terroristes] en 2003. Dès lors, ils étaient plus dispersés. Le plus préoccupant, comme le manifesta Quintero, c’est qu’ « ils sont déjà organisés et et non plus dispersés comme avant. »
carte montrant la présence du paramilitarisme en comparaison avec les guérillas d’extrême gauche des Farc et de l’ELN.
EN EPOQUE DE DIALOGUE DE PAIX
Quintero exprima son scepticisme quant aux accords signés par les FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie- Armée du Peuple) et le gouvernement de Santos : « Nous voyons que les accords n’impliquent pas la société. On peut se demander à qui sert la paix, avec qui elle se fait et si la paix se signe ou se construit. Pour nous, la paix est beaucoup plus qu’un accord, c’est une conception construite avec le peuple des quartiers et des hameaux. La paix doit relever de changements réels pour le pays. »
2- la révolte des sans-abris (paru sur squat.net)
Depuis début août, plusieurs émeutes de sans-abri ont eu lieu dans la capitale colombienne. Récit des trois journées les plus agitées :
Dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 août, des affrontements ont opposé les forces de l’ordre à des galérien-ne-s sans-abri du quartier de San Bernardo, situé dans la partie sud-ouest du centre-ville de Bogotá. Vers 3h du mat’, des dizaines de personnes se sont attaquées à la station Bicententario du TransMilenio (système local de transports en commun, inabordable pour les populations les plus pauvres). Après l’arrivée des flics, les affrontements ont commencé et ont duré une bonne partie de la nuit. Parmi les personnes arrêtées par la police se trouvait une femme en possession d’une arme à feu.
Ces émeutes font suite aux diverses opérations de police dans le Bronx de Bogotá depuis fin mai (secteur super schlag du quartier Los Mártires, tout près du centre-ville touristique et du quartier San Bernardo, le Bronx est connu depuis la moitié des années 2000 pour être une zone de haute criminalité où se déroulent toutes sortes de trafics et où survivent toutes sortes de galérien-ne-s). Régulièrement sous les feux des projecteurs pour des reportages sensationnalistes à la télé colombienne, le Bronx dérangeait le pouvoir depuis des années, jusqu’à ce qu’un scandale éclate en février dernier : 14 agents de la police de Bogotá ont été reconnus coupables de corruption, financés par des mafias actives dans le secteur du Bronx pour couvrir et faciliter des opérations de trafic de drogues. Ce scandale peut bien sûr être vu comme un alibi, étant donnée la banalité des trafics en tous genres dans le pays, mais le fait est que depuis le 28 mai la police et l’armée s’attachent à démanteler le Bronx, enchaînant les opérations d’expulsion.
Cela a pour effet de délocaliser différents trafics, mais le plus ennuyeux pour les galérien-ne-s qui y vivaient, c’est que les plus pauvres d’entre eux et elles se retrouvent copmlètement à la rue, isolé-e-s. Beaucoup y dormaient dans la rue, dans des conditions difficiles mais dans une sorte de « communauté d’intérêts ». Là, dispersé-e-s, certain-e-s se retrouvent réellement sans abri. Sans parler des complications dues à la dépendance à différentes drogues, car le pouvoir parle d’interdire des formes d’exploitation ultra glauques, mais de fait ce qui se passe est essentiellement un mélange de répression et de « nettoyage ». Pour les populations expulsées, l’horizon est toujours aussi merdique. Ce à quoi on assiste est une forme extrême de « rénovation urbaine » plus qu’à un souci de compassion et de bien-être humain pour les populations les plus pauvres… Le 12 août, les affrontements n’ont d’ailleurs pas seulement opposé des sans-abri aux flics, mais aussi des commerçants aux sans-abri, ces derniers se retrouvant à dormir et survivre au jour le jour en plein centre-ville, nuisant au « bon commerce », au tourisme et à la « sécurité ».
Dans l’offensive des autorités locales contre les sans-abri et autres squatteureuses, une opération d’expulsion a eu lieu le 2 septembre 2016, encore tout près du centre-ville de Bogotá, cette fois sur les pentes du cerro de Monserrate. Des squatteureuses s’étaient installé-e-s sur un terrain depuis deux mois pour certain-e-s et depuis octobre 2015 pour d’autres, un bidonville s’étant mis en place au fil du temps avec les moyens du bord, jusqu’à ce que les flics se ramènent et défoncent tout (une centaine de cabanes ont ainsi été détruites). Des émeutes ont accompagné l’opération d’expulsion comme il se doit. La police a fermé la circulation sur la grande avenida Circunvalar de la Calle 32 jusqu’à Monserrate, de manière à isoler les squatteureuses. Tout cela a créé des bouchons monstrueux sur Bogotá, tout l’est de la ville (où se situe le centre-ville) étant complètement bloqué jusqu’en fin de matinée. Un jour compliqué pour le tourisme local, Monserrate étant un des endroits les plus visités de Bogota…
Dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 septembre 2016, des affrontements ont éclaté dans le centre-ville de Bogotá, opposant des sans-abri aux forces de police. Les affrontements ont été particulièrement intenses dans le quartier San Bernardo, sur l’avenida Caracas, non loin du Bronx. Les stations de TransMilenio Bicentenario et Hospital ont été attaquées, leurs vitres brisées, selon un article de RCN il y en aurait pour 9 millions de pesos de dégâts. Les flics sont intervenus rapidement et violemment, des voltigeurs (duos de flics à moto, un qui conduit et l’autre qui matraque) ont poursuivi et tabassé des émeutiers, et durant la matinée du mercredi des groupes de flics anti-émeute (de l’ESMAD) se sont postés un peu partout dans le centre-ville pour éviter que la colère du lumpenprolétariat n’éclate à nouveau.
En moins de deux mois, c’était la troisième fois que des stations et bus TransMilenio étaient attaqués.