Questions pour Romain Dussaux sorti du coma

L’avocat de la famille de Romain Dussaux - Hugues Bouget interrogé sur BFMTV le 6 juin au soir - informe qu’il est sorti du coma et qu’il aurait "prononcé quelques mots". Dimanche soir son père Laurent Dussaux avait révélé l’identité de son fils via facebook et diffusé un portrait. Nous souhaitons un prompt rétablissement à Romain Dussaux vers qui nos pensées vont chaque jour.

Le jeune homme a été blessé grièvement à la tête par une grenade DBD95 lancée par un policier Porte de Vincennes à Paris le 26 mai dernier. Il se trouvait dans la petite foule visée par la grenade, occupé à prendre des photographies et filmer, sa GoPro fixée par un élastique autour de la tête. Malgré la gravité de la blessure – l’usage d’une telle grenade impose règlementairement de vérifier les dommages qu’elle a pu causer - nous savons que les policiers ont continué à jeter des bombes lacrymogènes à l’endroit où le blessé avait été déplacé par des journalistes et citoyens présents, pour le mettre à l’abri.

Les parents de Romain ont porté plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique . Leur avocat demande la désignation d’un juge d’instruction pour connaître la vérité. Il est urgent de savoir si tout a été mis en œuvre ce jour-là pour protéger la santé du blessé. Et de remonter précisément la chaîne des responsabilités qui a conduit au jet à l’aveugle de cette grenade. Rappelons que Manuel Valls affirmait qu’"aucune consigne de retenue" n’était donnée aux forces de l’ordre depuis le début du mouvement de contestation contre la Loi Travail.

Des faits nouveaux révélés par le journal Libération et confirmés par BFMTV inquiètent particulièrement. Alors que Romain se trouvait encore dans le camion des pompiers, les images que BFMTV a récupérées montrent des gendarmes en armes et casqués ouvrir et fermer les portes du camion des pompiers, resté stationné à proximité des faits pendant « près d’un quart d’heure ». A un moment, l’on entend « Hé les gars y’a un problème », sans que l’on sache d’où vient cette interpellation, et les gendarmes se précipent à l’arrière du camion. Deux d’entre eux y pénètrent et s’enferment à l’intérieur. Après quelques minute, le camion démarre avec les gendarmes à son bord. Un peu plus loin, selon le reportage de BFMTV, le camion est contraint de s’arrêter car Romain aurait été alors « pris de convulsions ». Des heurts et des cris ont été entendus par des témoins, cités par le journal Libération.

Un jeune "journaliste indépendant", Romain Dussaux, a donc été la cible d’une arme potentiellement mortelle, une grenade défensive jetée en plein Paris dans une situation de maintien de l’ordre qui ne justifiait pas son usage. Les donneurs d’ordre de cette violence d’état, déchaînée pour défendre la Loi Travail contre tous ceux qui s’y opposent, doivent être entendus et les responsabilités établies par la Justice. François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve - si prompts à communiquer d’habitude pour dénoncer la violence des adversaires de leur politique ou s’émouvoir du sort de leurs concitoyens touchés par des catastrophes - gardent le silence. Ils n’ont exprimé aucune émotion publique depuis le drame, ni même publié un petit tweet d’inquiétude ou de compassion. Comme après la mort de Rémi Fraisse, les plus hautes autorités refusent d’assumer et le ministre de l’intérieur, qui connaît exactement les faits, n’a toujours pas démissionné.

Les grands médias d’information - qui avaient couvert l’incendie d’une voiture de police à Paris quelques jours plus tôt comme un événement mondial et qui ont cessé de le faire dès lors que des éléments troubles restaient à élucider - n’ont donné aucune dimension nationale à l’événément. Journaux télévisés, matinales des radios, unes des quotidiens, ont tardé et tardent toujours à prendre la mesure de la gravité des faits. Le défenseur des droits, Jacques Toubon a lui, très vite ouvert une enquête. L’enquête de Mediapart a permis de montrer que la petite foule présente Porte de Vincennes ne justifiait pas l’emploi de cette grenade. Libération a publié la vidéo d’une télévision russe qui confirme que la grenade jetée à l’aveugle est à l’origine de la blessure de Romain. Et que le jeune homme n’aurait pas reçu les premiers soins urgents nécessaires et peut-être pire...

Des questions graves et effrayantes se posent en effet aujourd’hui : Pourquoi a-t-il fallu autant de temps – une heure ? Une heure trente ? - ce jeudi 26 mai en fin de journée pour que Romain Dussaux, qui souffrait d’une hémorragie importante à la tête et d’un enfoncement de la boîte crânienne, soit conduit aux urgences d’un hôpital ? Pourquoi les pompiers ont-ils été appelés et non le SAMU ? Y avait-il un médecin dans l’équipe des pompiers qui ont donné les premiers secours ? Pourquoi avoir laissé Romain à proximité de policiers et des gendarmes qui ont pu ajouter une souffrance psychologique à sa douleur ?

Pourquoi des gendarmes en armes et casqués sont-ils montés dans le camion des pompiers où le blessé se trouvait encore conscient ? Pourquoi ce même camion des pompiers a dû s’arrêter un peu plus loin ? Pourquoi des cris et des heurts ont-ils été entendu ? Pourquoi Romain a-t-il été transporté dans un autre véhicule de secours en direction de l’hôpital de la Salpétrière où, quelques heures plus tard, il était opéré puis plongé dans le coma ? Ces gendarmes auraient-ils forcé le blessé à leur livrer la GoPro avec laquelle Romain filmait au moment où il a été touché par la grenade ?

Nous souhaitons un prompt rétablissement à Romain Dussaux vers qui nos pensées vont chaque jour. Nous espérons qu’il ne souffrira pas de séquelles liées à sa blessure par une grenade DBD95 un jour de manifestation et aux conditions dans lesquelles il a été pris en charge immédiatement après les faits.

Notre démocratie est en état d’urgence.

PS :

article trouver sur le site de médiapart
https://blogs.mediapart.fr/raymond-macherel/blog/070616/questions-pour-romain-dussaux-sorti-du-coma

A lire aussi...