Refus de soins et provocation du docteur dans le CRA du Canet

Ici, un témoignage de A. qui nous raconte les conditions de santé au CRA du Canet et surtout le refus des soins médicaux nécessaires et le racisme de l’équipe médicale.

Versions audio des témoignages également disponible sur le site de publication original :

Témoignage Abdel 12/2024, refus de soins et provocation du docteur dans le cra

Ici, un témoignage de A. qui nous raconte les conditions de santé au CRA du Canet et surtout le refus des soins médicaux nécessaires et le racisme de l’équipe médicale.
A. se retrouve pour la seconde fois dans un CRA après un aller retour CRA-prison pour avoir refusé lors de sa première rétention d’être expulsé vers l’Algérie, qui n’est pas son pays.

Témoignage de décembre 2024

« A : Je suis arrivé ici le 14 octobre 2024 et là ça fait 66 jours que je suis là.

Question : C’est comment en ce moment dans le dépôt surtout pour toi parce que tu nous as dis que tu avais un problème de santé ?

A. : J’ai un problème de santé depuis longtemps. Depuis que je suis ici, 4 jours après, le 18 octobre ils m’ont ramené à l’hôpital parce que mon épaule se déboîtait à chaque fois en dormant. Même si je touche rien, en dormant. Là ça fait 60 jours ou presque que je suis avec l’attelle, j’ai vu le chirurgien et il m’a dit que je devais faire une opération obligatoire. Il m’a donné les papiers pour le kiné et un jour, je suis parti voir le médecin ici (au CRA) et il s’est pris la tête contre moi. Il voulait que je m’énerve. Il me cherchait, il voulait que je craque mais moi je ne lui ai pas donné cette chance. J’étais calme, j’étais normal. Même pour prendre un rendez-vous avec le chirurgien pour l’opération il m’a poussé et il m’a dit « Va voir avec un de mes collègues ». Je ne lui avais rien dit de mal, il y avait même un policier à coté de moi mais je sais qu’il ne va pas témoigner. Il m’a dit que je lui aurais manqué de respect alors que je ne lui ai rien dit de mal, aucune parole. Il m’a dit « Vous pensez que je ne fait pas mon travail ? » et moi je lui ai dit de faire son travail « ni plus ni moins, je vous demande que ça. ». Puis il m’a crié dessus, il s’est énervé, il s’est levé et m’a poussé avec son corps comme ça (corps contre corps) pour me sortir du bureau. Et après il m’a dit d’aller voir un de ces collègues car il ne prendra pas le rendez-vous.

Ça c’est un médecin ? C’est pas normal. Un médecin normalement il est là pour soigner les gens, pour aider les gens. C’est pas comme ça la médecine.

Ils m’ont appelé à midi à l’heure de manger et je suis parti le voir (le docteur). « Bonjour bonjour ». Je lui dis que là, on doit parler de mon épaule parce que je n’en peux plus, je dors avec l’attelle tout le temps et que ça fait presque 2 mois que je suis avec ça. J’arrive plus à le supporter, je ne peux pas laisser ma main libre. J’ai donné les papiers que le chirurgien m’avait donné pour le kiné. Le docteur (du CRA) me répond direct qu’ici il n’y a pas de kiné donc je lui demande un certificat (qui justifie qu’il n’y pas l’assistance de soin nécessaire) pour que je puisse l’envoyer à l’avocate et à la juge, pour qu’elle me libère et que je commence à faire les séances de kiné. Le docteur me dit « combien de certificat je vous donne (provocation) » alors que c’est la première fois que je lui demande un certificat. Le chirurgien il m’a dit que je devais faire une opération obligatoire. Et quand je lui ai demandé ça (un certificat), il m’a dit que comme ma rétention se terminait le 14 janvier, que je la ferai après (l’opération). Mais il sait qu’ils vont me ramener en Tunisie, c’est pour ça il ne veut pas le faire. Pour que je ne sorte pas. Et là ça fait 60 jours que je suis avec l’attelle . Je dors avec, je l’enlève que quand je vais faire la douche et je fais attention qu’elle ne se déboîte pas.

Même la juge elle m’a demandé que le docteur me donne un certificat du centre de rétention. Et lui il ne veut pas me le passer, il veut pas. Je sais pas, moi je ne lui ai rien fait de mal, je l’ai vu deux fois et je l’ai toujours respecté. Je lui ai parlé bien et comme il était énervé contre quelqu’un d’autre il a mis ses nerfs sur moi. J’ai vu les infirmières hier, je leur ai parlé et leur ai demandé pour avoir un rendez-vous avec un autre docteur parce que je crois qu’il y a un ou deux docteurs, trois demi journées par semaine. C’est pas tous les jours il y a le docteur ici, juste trois demi journées. Elles m’ont dit qu’elles allaient me prendre un autre rendez-vous, mais pas avec le même car lui il ne veux pas me voir. La semaine dernière j’étais à l’hôpital Nord pour mon épaule qui s’était encore déboîtée, et il (le docteur) ne m’a pas appelé, il ne m’a rien dit et quand j’ai parlé avec l’infirmerie elles m’ont dit qu’il ne voulait pas me voir. Que l’on a déjà parlé et qu’il n’a rien à me dire de plus. Ils ne m’ont même pas donné de médicaments rien du tout. « Va voir avec mon collègue » il m’a dit. Que le rendez-vous avec le chirurgien pour l’opération il ne me le prendrait même pas. Il me l’a dit direct, comme-ça, de face à face.

Les infirmières ça se voit dans leur yeux le racisme, je le vois. Elles rigolent devant et après … J’ai 42 ans je vois tout. Il y en a qui sont bien je mens pas. Il y en a pas trop, pas beaucoup (qui ne sont pas racistes). Mais il y en a ça se voit de loin qu’elles ne veulent pas travailler ici avec les étrangers. Alors pourquoi ils viennent ? Tu le vois. C’est pas que avec les infirmières, il y a des policiers ça se voit aussi.

Ils donnent juste les cachets pour les cachetonnés. Les cachets pour que les gens deviennent fous, c’est tout il y a que ça. Mais pour te soigner, vraiment te soigner, non ! Je parle de mon cas, il me faut une opération et beaucoup de choses et ils s’en foutent.
J’en ai vu un, son pied entier dans le plâtre et il est là, c’est les policiers qui poussent son chariot tous les jours. Il fait quoi ici ? Il arrive pas à se lever. Il fait quoi ici ? On est des êtres humains normalement, il est malade. Il y a des diabétiques et tout mais ils font rien. Mais pour donner les cachetons pour faire devenir fous les gens, là oui ils donnent. Ils viennent, distribuent les cachetons et partent. Mais pour prendre une rendez-vous ou pour te soigner, non !

Moi je suis là depuis 66 jours, j’attends mais il y a des choses ici. On ne dort pas la nuit, il y a des cris, il y a de tout. J’en peux plus, je suis fatigué avec la douleur que j’ai dans mon épaule, avec les problèmes pour mes enfants, je ne vois pas mes enfants. Je peux plus moi ! Je n’arrive plus à tenir. Et lui (le docteur) il cherche à ce que je craque, mais je ne vais pas craquer contre eux.
Il y a un vieux de 72 ans il est diabétique, il fait quoi ici ? 72 ans ! C’est un grand-père. Il est en France depuis 42 ans, il travaille, il est déclaré et tout. On est pas des êtres humains pour eux c’est tout. Ils nous voient comme .. je sais pas .. ils s’en foutent. Pour sortir il ne fait rien (le docteur), pour te soigner à l’extérieur il fait rien, si tu es malade ils s’en foutent de ça. Mais pour te donner les cachetons, ça ils viennent tous les matins, 9h hop chacun il a son nom, sa petite enveloppe et chacun à sa dose. Tous les jours ça, même le samedi et le dimanche c’est les policiers qui distribuent. J’avais mal aux dents 3 semaines. Ils me voyaient dans les caméras, toute la nuit je marchais dans le couloir pour ne pas déranger mes co-détenus. Et ils s’en foutent, ils s’en foutent. Le doliprane ils m’en ont donné une fois et ils m’ont dit qu’ils vont me ramener chez le dentiste mais peut-être je ne suis pas là.

Pour eux on est pas des êtres humains, moi je le vois. J’ai 42 ans, je ne suis pas né hier. Les gens ne voient pas parce qu’ils sont cachetonnés, parce que même les médicaments ils le mettent dans le mangé. C’est pour ça je ne mange presque pas. Je prend juste le beurre, la confiture ou du fromage, le pain ou le sucre. Je sais qu’il y a des trucs dans le mangé.

Moi je veux rentrer en Tunisie, la Tunisie c’est mon pays mais je veux prendre mon fils avec
moi. Après moi il y a qui ? Mon fils a perdu sa mère, il va perdre son père et il va perdre le lien avec son petit frère. C’est un gamin de 8 ans. Si ils ont un cœur normalement ils le voient ça. Pour le petit, pour le bien de ce garçon, il a 8 ans. Mais ils s’en foutent. J’ai ramené tout, le certificat de décès de la mère de mon fils, j’ai tout ramené. Mes enfants sont français. Je sais pas, mais ils veulent faire de moi un monstre, ils veulent que je deviennent un monstre.
La juge elle peut être loin de son fils une semaine ? Je pense pas. Mais pour nous les étrangers, oui. On est des étrangers on est pas des êtres humains. Mon grand-père c’est un ancien combattant français, 1942. Il a laissé ses yeux ici, il a perdu ses yeux ici. Il a vécu toute sa vie aveugle, pour la France. Et voilà maintenant pour son petit-fils ce qu’ils font.

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