Réuni·es en assemblée le dimanche 9 octobre, nous avons pu entre autres revenir sur notre action du 1er. Ne portant pas une voix unanime mais un avis partagé au sein de l’assemblée, nous souhaitons exprimer notre point de vue de ce nous considérons avoir été un échec pour notre camp, afin d’en tirer des leçons pour nos luttes.
1er octobre : une marche rapide bien trop escortée
Le 1er octobre, l’assemblée appelait à se rassembler face à une rencontre organisée le jour-même par le RN, où des militant·es et sympathisant·es du parti d’extrême-droite ont pu se retrouver autour d’un repas au Florida Palace à la Capelette et voir un de leurs leaders charismatiques Jordan Bardella.
Voici la manière dont se sont déroulées les choses ce matin-là.
En terme de nombre, nous n’étions pas plus d’une soixantaine au point de rendez-vous le samedi matin, certainement moins que ce que le dispositif policier avait prévu pour protéger l’extrême-droite. Après hésitation et tergiversations face au dispositif policier, nous avons tout de même décidé de former un cortège bruyant en se dirigeant vers le boulevard qui menait au Florida Palace. Évidemment, les quelques keufs qui bloquaient l’entrée ne nous ont pas laissé faire, et au vu de leur virulence immédiate et de la présence de civils de l’autre côté, le cortège a commencé à se déplacer rapidement sur l’avenue perpendiculaire. C’est ainsi que l’on s’est fait reconduire jusqu’à la Plaine (3 km !) par les flics, qui ont su manier le tonfa et la gazeuse à leur guise quand nous n’allions pas où bon leur semblait. Rentrez chez vous, shlags de gauchistes, y’a rien à voir.
Au vu des objectifs fixés, à savoir gêner voire empêcher la tenue de la rencontre avec Bardella, il est clair que l’action fut un échec.
Si a priori aucune interpellation n’est à déplorer, le cortège étant resté soudé jusqu’au bout, se prendre des coups gratuitement n’est jamais satisfaisant. Selon nous, cet échec est le résultat d’une erreur stratégique et d’un manque d’alternative.
En effet, toute l’énergie dépensée la semaine précédente l’a été dans l’appel à ce rendez-vous et la communication de celui-ci dans nos réseaux, comme par réflexe : évt de faf → contre-rasso pour l’empêcher → confrontation à la police. Cela dit, à force, on commence à savoir qu’aujourd’hui à Marseille (comme malheureusement dans la plupart des villes) il ne suffit pas d’appeler à bloquer l’extrême-droite pour que cela advienne. Si l’extrême-droite est aujourd’hui si puissante et si présente, c’est qu’elle a su accomplir son travail de dédiabolisation et qu’elle s’est institutionnalisée.
Alors que l’on aurait pu s’en douter, et d’autant plus que la plupart connaissons mal le quartier de la Capelette, à aucun moment nous ne sommes dit que la police nous bloquerait, que l’on n’aurait pas le rapport de force nécessaire, afin d’envisager divers scénarios pour prévoir comment réagir. Ceci explique entre autres choses nos difficultés à réagir, affronter ou contourner le dispositif policier.
Développer notre discours antifasciste pour le banaliser à nouveau
Bien qu’un peu dur, ce retour sur le contre-rassemblement ne se veut pas plombant et frustrant. Au contraire, il s’agit de prendre acte de nos expériences et de leurs limites afin de se remettre en question et se réinventer.
Dans un sens, on peut noter que nombre conséquent de personnes sont là déterminées à ne pas lâcher l’extrême-droite et le combat antifasciste, comme le montre la pérennité de l’assemblée antifasciste marseillaise qui reprend de plus belle cette année toutes les deux semaines. C’est l’occasion de développer nos échanges, notamment sur les questions théoriques et d’argumentaire, dans l’idée aussi de renforcer notre discours antifasciste.
Car contrairement à il y a 20 ans où en 2002, des dizaines de milliers de personnes sont descendus dans la rue pour protester contre l’accession de Jean-Marie Le Pen au 2nd tour des présidentielles, aujourd’hui ce sont les discours racistes et fascisants qui sont banalisés, l’extrême-droite ayant dramatiquement avancé sur les terrains culturels et idéologiques et s’étant largement institutionnalisée. Ainsi, une de nos priorités doit être de re-banaliser des réflexes et discours antifascistes.
Cette bataille des idées se joue sur le terrain, dans nos quartiers et nos villages, nos lieux d’études et de travail et ce au quotidien.
Sans réinventer l’eau chaude, il nous faut retrouver des pratiques telles les diff’, tractages et boitages, pour aller à la rencontre des gens et par exemple les alerter quand l’extrême-droite est présente dans leur quartier ou bien des prises de paroles publiques, de savoir parfois laisser tomber les k-ways noirs et attitudes de confrontation pour donner à entendre nos arguments et donner envie de nous rejoindre.
Non pour refaire le passé mais dans l’idée de figurer ce qui est envisageable, nous aurions par exemple pu samedi 1er anticiper le dispositif policier, bien conscient·es que la police protège toujours les fascistes. Ainsi, face au blocage des flics du boulevard, on aurait pu faire le tour du quartier en exprimant des au micro tout en distribuant des tracts à distribuer pour diffuser nos idées.
Il y aurait mille autres choses à imaginer. Cette année, l’envie de se retrouver deux fois par mois en assemblée peut nous permettre de mieux nous connaître mais aussi d’élargir cet espace en allant chercher des gens, en en parlant autour de nous. La volonté d’alterner discussion de fond et perspectives pratiques, ancrée depuis le début de l’assemblée antifasciste, est à investir pour construire un discours clair et convaincant, qui nous permettra d’affermir et développer nos actions, qu’elles soit informatives, solidaires ou plus offensives.