ROLLER DERBY
De manière plus ou moins consciente, le sport véhicule des comportements sexistes et, plus largement, exclut parfois des personnes (transphobie, homophobie, racisme...).
Ceci n’est pas anodin et résulte d’une histoire colonialiste, patriarcale et bourgeoise qu’il est important de connaître pour bien comprendre en quoi le roller derby est un sport « à part ». Le roller-derby est une proposition de pratique sportive plus en adéquation avec la penséeféministe queer et intersectionnelle.
Le roller derby est un sport de contact sur patins à roulettes où deux équipes composées de 15 joueureuses,avec des blaz et des numéros qu’ielles ont choisis, s’affrontent sur une piste plate et ovale appelée un track.
C’est deux périodes de 30 minutes de jeu, découpées en jams de 2 minutes où se rencontrent 4 bloqueureuses et 1 jammeureuse de chaque équipe. Le but étant que la personne qui porte l’étoile sur son casque marque des points en dépassant physiquement ses adversaires. Les bloqueuses empêchent la jammeuse adverse de passer en utilisant leur propre corps comme bouclier. Pas de ballon mais de la stratégie positionnelle, des coups, mais beaucoup de bienveillance aussi : tous les coups sont loin d’être permis ! Protections obligatoires ! L’idée n’est pas de blesser l’autre !
Le derby c’est aussi tes potes (à qui tu fais confiance les yeux fermés),
C’est des leggings à paillettes, des collants filés, des maquillages qui font peur et des
coups de marqueurs mélangés à la sueur.
C’est des surnoms provoc’ fun ou débiles.
C’est des événement collectifs annoncés avec des affiches cools et des jeux de mots.
C’est des chorégraphies pour présenter toutes les « MC » de ta team.
C’est de la musique pendant les matchs.
C’est l’occaz de te vider la tête quand tout te soule dans ta vie
C’est les aprèms bière au skate park
C’est l’odeur de tes protec’s qui puent et celles de tes coéquipier.e.s dans les vestiaires.
C’est les pyramides humaines pendant les afters
C’est les aventures amoureuses et coup de cœur du wkd ou de la vie entière.
C’est des chevilles qui craquent, des ligaments qui claquent
C’est pouvoir voyager partout et contacter l’équipe sur place pour toujours être
accueilli.e à bras ouverts.
C’est les ami.e.s dans les gradins qui chantent Brithney Spears pour t’encourager.
C’est des courbatures aux abdos, pas parce que t’as pris des coups mais car t’as trop
rigolé
C’est faire des roller-booms avec les copines et danser sur Gala.
C’est s’échauffer avant un match, déguisé.e.s avec des robes léopards ou des corsets
et ne plus pouvoir bouger.
C’est de l’adrénaline, des câlins, des coups, de la sueur, de la joie, des larmes,
des amitiés...
Le derby c’est aussi, celleux qui sont bénévoles et aident sur les évènements, c’est
celleux qui arbitrent sur patins ou sans patin, c’est des coachs, des line-ups, c’est
celleux qui mettent du scotch sur le sol ou celleux qui servent les gâteaux à prix
libre pendant la mi-temps... Si tu détestes le patin à roulettes, que t’es blessé.e, que
t’attend un bébé, ou juste pas du tout fan d’efforts physiques :
vtu es quand même bienvenu.e et peut quand même faire partie de l’aventure !
Le DErBY
C’esT La ViE !!!
Celle qui nous fait du bien et qu’on s’autorise à avoir...
Quand tu tapes « sport » sur internet dans un moteur de recherche, les images qui apparaissent sont en majorité des hommes-cis de 25 ans, très musclés,en plein effort physique à s’en faire péter la carotide. Cette image de perfectioncorporelle peut d’emblée rebuter toutes les personnes qui n’ont pas ce physique, et ça en fait du monde ! Il faut donc rajouter « féminin » à sport pour avoir des femmes, « handi » pour avoir des personnes en fauteuil... car la norme c’est l’homme-cis, blanc et valide. (hommecis : qui se reconnait dans le genre qui lui a été assigné à la naissance)
Et lorsqu’il est question de « sport féminin » dans les médias, en général on a le droit à des commentaires sur la tenue et les caractères physiques des joueuses : « Belle performance, en plus d’être jolie ! » « On dirait un homme tellement elle est musclée » « Elle pourrait sourire, ça lui
couterait pas plus cher ! » « Quoi ?! Elle porte un voile sur le terrain de foot ? ».
Le sport est aujourd’hui encore un lieu de démonstration physique. Il alimente une pensée binaire en séparant dès leur plus jeune âge les garçons et les filles dans leurs pratiques sportives : à l’école, les petits garçons vont courir un tour de plus au cross que les filles car ils sont censés être meilleurs... les barèmes de notation sont différents selon ton sexe pour ainsi creuser très tôt les différences
physiques (musculature, pilosité...). Les sports « de filles » (danse/ équitation...) contre les sports de mecs... Et si jamais ces règles ne sont pas respectées, les filles deviennent péjorativement des « gar-
çons manqués » et les garçons, de « fillettes » ou de « tapettes ». Les femmes qui pratiquent le sport de haut niveau sont parfois obligées de subir l’humiliant test biologique de féminité face à des persformances ou un physique trop douteux pour prouver qu’elles ne sont ni des hommes ni des « monstres » malgrè leur haut niveau. Les sports qui ne demandent pas de démonstration mus-
culaire, comme le tir, ne sont pas pour autant pratiqués en compétition en mixité car il serait bien sûr trop honteux pour un homme de se faire battre par une femme .
En 2018, on compte plus de 2000 ligues de Roller Derby dans le monde. Né aux Etats-Unis dans les années 30, le roller derby était avant tout une course sur patins à roulettes. Sa forme actuelle prend réellement son envol au début des années 2000 lorsque les Riot Grrrls et les féministes américaines se le réapproprient. Au Texas, un collectif féministe, les Bad Girl Good Woman Productions,
crée alors la version moderne du roller derby. Le roller derby se structure, des regroupements d’équipes, appelés « leagues », sont créés au sein d’un même club. Ce collectif de meufs est à l’origine des règles actuelles du roller derby et de la Women Flat Track Derby Association
(WFTDA), devenue le principal organe international du roller derby dont la devise est : « par les joueuses, pour les joueuses ». Son histoire est donc féministe !
En France, les premiers clubs voient le jour en 2009. Aujourd’hui, il est pratiqué en très grande majorité par des femmes, meufs, gouines, trans, personne non binaire, peu importe leur âge (après
16ans en France), leur taille, leur poids, leur expérience sportive, leur religion, leurs papiers, leur origine sociale (même si l’achat de matos, malgré les réseaux devente d’occas et certaines action de solidarité ou de prêt, peut freiner)...
La WFTDA propose plusieurs places aux hommes cis, en tant que bénévoles, par exemple en tant que coachs ou arbitres, avec ou sans patins. La seule place qui leur est refusée au sein de la WFTDA
est celle de compétiteur. Pour la compétition, les équipes de joueurs masculins peuvent rejoindre la MRDA, ou Men’s Roller Derby Association. La non-mixité, lorsqu’elle est choisie, a été et demeure un outil d’aménagement d’espaces libres au cœur d’une société encore très sexiste. Certaines équipes
font le choix de la non-mixité totale dans l’association.
« Le roller Derby doit être un espace « safe » pour les femmes et minorités de genre, un espace où elles peuvent occuper des postes à responsabilités, s’affirmer et prendre les décisions qui les
concernent pour faire évoluer leur sport. Dans le reste de la société, le phénomène du « plafond de verre » fait que le pouvoir est très majoritairement attribué aux hommes, même quand les organisations comptent une majorité de femmes. Cela se retrouve dans tous les domaines : entreprises, institutions, associations... Ainsi que l’immense majorité des fédérations sportives. Dès qu’il existe un lieu de pouvoir concret, ce sont des hommes qui y accèdent. Les mécanismes qui rendent cela possible sont souvent inconscients et sont le fruit d’une société sexiste. Il est difficile de ne pas reproduire des schémas sociaux, culturels, politiques lorsque ce sont les seuls que l’on connaît. C’est pour cela que l’existence d’une fédération à mixité limitée permet aux joueuses de conserver le contrôle de leur sport sans craindre que « naturellement » (ou plutôt “à cause des représentations sociales”) au bout de quelques années, la direction soit assurée par un groupe
d’hommes qui décideront pour elles de la manière dont doit évoluer leur sport. Aujourd’hui le roller derby a – parce qu’il a su les créer – de multiples espaces dans lesquels les femmes sont libres de
s’épanouir sans soumission à divers diktats, dans un monde où les schémas sociaux et culturels reposent encore sur le patriarcat. Le roller derby renvoie une autre image des femmes aux femmes les premières, donnant à beaucoup d’entre nous le courage de mieux nous affirmer dans notre vie quotidienne. Nous défendons ce sport dans le progrès qu’il représente à donner de la place aux femmes et aux minorités invisibles. Le roller derby est ainsi le seul exemple de sport collectif, de
contact, où les femmes sont majoritaires, et, surtout, où la gouvernance est assurée par les joueuses
elles-mêmes, selon des principes démocratiques. » Extrait d’une lettre ouverte écrite par le groupe « féministes en patins »
Le roller derby est une réponse au sexisme dans le sport mais ce n’est pas non plus LA réponse, il y a encore plein de choses à travailler dans cette pratique, car le sport évolue, les gen.tes qui le pratiquent sont de plus en plus nombreux-nombreuses et le(s) féminisme(s) avance(nt) aussi. Attention, loin de nous l’idée de faire l’éloge de la bonne santé physique, de culpabiliser les personnes qui ne se retrouvent pas dans une pratique sportive, les gens qui détestent le sport ou qui ne peuvent pas le pratiquer comme elleux le souhaiteraient. Le roller derby est un outil d’émancipation dans lequel nous nous retrouvons mais surtout pas une leçon de morale ou un guide de bonnes pratiques du « bien-être » !
Depuis 2017, dans le règlement officiel du roller derby en France, publié par La commission dédiée au
sein de la FFRS (Fédération Française de roller-skate), figure un chapitre concernant le genre, apporté
par le groupe de travail Inclusion et Diversité, autorisant les personnes transgenres et intersexuées à
intégrer les équipes masculines ou féminines selon leurs identités ressenties et non en fonction de leur
état civil.
Plus qu’un sport, c’est un engagement politique quotidien : beaucoup d’équipes de roller participent aux manifestations féministes, à la gay-pride. Certaines organisent des collectes pour les femmes en difficulté financière, d’autres font des spots, des affiches contre les violences faites aux femmes....
LE DIY (Do It Yourself). Le roller derby est un sport où les ligues sont quasiment autogérées. Du jamais vu dans d’autres sports. La plupart des joueureuses sont également arbitres, et gèrent l’association sportive et la préparation des matchs à domicile et à l’extérieur de A à Z. Les membres ne consomment plus simplement leur sport, ielles en sont les actrices principales. Certaines équipes vont plus loin et pratiquent l’auto-coaching, chacune peut préparer et proposer des entrainement à son équipe. Cela casse le rapport hiérarchique et infantilisant prof/élève.
« Après il y a des personnes qui préfèrent des vêtements plus sobres, plus confortables, en fait c’est toujours le même combat : chacunE porte ce qu’ielle veut, l’important c’est de se sentir bien et personne n’a à juger. »
« Il existe des bootcamps, qui sont des weekends où les joueuses de différentes ligues se rencontrent
pour échanger sur des techniques. La transparence des stratégies entre différentes équipes et la
réflexion collective permet d’aller plus loin dans son jeu. Cela décale le rapport de compétition entre
les différentes équipes qui vont, lors d’un weekend, s’entrainer, manger, dormir et boire une verre
ensemble. »
La promotion d’un sport respectueux et non viriliste : le Roller Derby est le sport où l’arbitre est respecté.e, contrairement à de nombreux sports où l’arbitre est souvent insulté.e et pointé.e du doigt. Dans le cas contraire, les joueureuses peuvent être exclues et supporters-trices expulsé-e-s. Les comportements anti-sportifs et abusifs sont bannis sur et à l’extérieur du track pour permettre à chaque match de se dérouler dans un cadre safe et agréable pour tout le monde.
« Des bâtons dans les roues, on en a !...On vous y refourgue toujours des gymnases dans des endroits improbables, genre au fond de l’Ardèche, que quand t’y vas, t’as l’impression de partir en vacances, 1h30 de route en zigzag plus tard, tu crois que tu vas te poser dans ton mobil home au camping et boire une bière, mais non, tu dois t’ECHAUFFER. M’enfin y’a des équipes qui ont même pas de salle alors on va pas se plaindre, elles sont obligées de s’entrainer sur des parkings ! Et big up à toutes les équipes qui ont galéré/qui galèrent avec des municipalités pas enjaillées par des meufs en patins à roulettes (ça laisse des traaaaaces vos freins). »
« Au roller derby, je suis ce qu’on appelle une fresh meat, c’est-à-dire une recrue récente qui apprend
avec hardiesse à maitriser progressivement les mille et une règles subtiles du RD ainsi que, pour ma
part, les rudiments du patinage et ce, malgré mon graaand âââge et ma trajectoire de sportive du
« même pas dimanche ». Bah oui, parce qu’au roller derby, y’a pas de standard physique à respecter
pour être « admissible », faut juste embrasser les valeurs de cette pratique hors du commun.
Le jour du recrutement, pas besoin d’être une étoile naissante pour avoir ta place dans l’équipe. »
« En Angleterre illes ont banni.e.s des mecs cis qui avaient été accusés d’agression, bim deux ans hors Derbyavec nécessité de prouver le chemin parcouru s’ils veulent revenir. C’est pas beau ça ?! Hors système juridique anglais. Bon en France on n’en est pas là mais c’est encourageant je trouve. »
Les boissons « énergétiques » : Mélangez du curcuma, du gingembre râpé, de la cannelle et du citron dans la boisson de votre choix (tisane, thé, eau gazeuse !) Agrémentez de miel ou de sirop d’agave, voire de sucre pour le goût, et laissez reposer depuis la veille, c’est mieux ! ça donne grave la pêche !
« Je pense que nous, en tous cas ma tenue, est pas de l’ordre du déguisement, aussi maquillée, pailletée, flippante, dégenrée, explosive qu’elle peut l’être. Soft aussi d’ailleurs, elles sont toujours revendicatives. Parce que nos tenues sont politiques, même si elles apparaissent comme des costumes ou des accoutrements marrants/jolis. Les paillettes c’est pas juste pour faire joli, juste un truc du samedi. Elles sont présentes dans nos manifs & nos soirées, et elles montrent qu’on brille toujours malgré tout ce qu’on se prends dans la gueule, qu’on existe même si on fait tout pour nous en empêcher. »
Lors de la Coupe du monde de RD en février 2018, une équipe composée de joueuses des quatre coins du monde à vue le jour : la Team indigenous. La volonté de toutes les joueuses était de défendre haut et fort leur appartenance à des cultures autochtones. Elles voulaient le temps du championnat, attirer l’attention du public sur la condition des femmes indigènes dans le monde. Lors de sa présentation, les membres de la Team Indigenous ont lu un texte leur rendant hommage : « Des milliers de femmes indigènes sont portées disparues et retrouvées assassinées sur nos terres ancestrales. (...) Nous patinons aujourd’hui en l’honneur de toutes ces femmes qui n’ont jamais trouvé ce sport révolutionnaire puissant, car leur vie a été écourtée. Nous patinons pour amener plus de femmes autochtones à ce sport, pour offrir un espace de solidarité, de force et d’amour ».
« Chez nous, on fait des débriefs collectifs et individuels. Après chaque entrainement et match on
échange sur comment on a vécu l’entrainement, ce qu’on ressent, on se motive ensemble, on analyse
notre jeu collectif, on se félicite, on se remet en question, on parle organisation d’événements, on com
munique quoi. La COMUNICATION dans le derby c’est primordial, il faut appendre à se dire les choses
mêmes difficiles »
« Un empouvoirement de ma condition forcée de femme (aux yeux de la société), autrement dit renforcer mon auto-conviction que les meufs savent aussi bien faire que les mecs.
et abattre tous les clichés de merde sur la féminité.... mais aussi la force de la “sororité”, l’entre soi (mixité choisie) qui me faitdes vacances par rapport au reste du temps/monde ! »
« En tout cas au niveau sensation, tu prends cher : les coups, les chutes pour l’adrénaline, le cardio pour l’endurance, mais surtout la cohésion, le lien avec tes coéquipières, la confiance absolue que tu places sur « ta ligne ». Ces moments de communion qui donnent tout son sens à ce sport de brutes au grand cœur. Parce qu’au-delà du côté sportif, du dépassement de soi, de la performance, le roller derby c’est surtout une grande histoire d’amitié et de fous rires inégalables. Un sentiment d’appartenance à un collectif, à un groupe, à une bande de meufs trop chouettes. »
« Lors des matchs, on se regroupe au vestiaire, on se change, on se maquille, on se fait des signes de guerre, les « old » (anciennes joueuses toutes cassées de partout) se font des straps ou se massent à la gaulthérie. A ce stade on est encore bien détendues, pour la plupart, ça se marre, ça s’équipe avec le sourire : « tu peux me faire mes numéros sur le bras ? » ,« qui a un marqueur ??? », « une croix sur le front steuplé ! »
LE ROLLER-DERBY NE DEVIENDRA JAMAIS UN SPORT MAINSTREAM COMME LES AUTRES !
extrait de la brochure « NOTRE SPORT SERA FÉMINISTE OU NE SERA PAS », sortie prévue printemps 2019,
lien du texte original : https://laure.tujoues.fr/wp-content/uploads/2019/03/internet.pdf
contact : odesespoir@riseup.net