Attention, si le ton peut parfois surprendre, nous rappelons que ce texte a été publié dans le journal local La Provence et n’émane pas de contributeur.rices de MIA.
Aux grands maux, les grands remèdes. Inutile de vous perdre en recherches interminables pour retrouver la boîte à clés que vous avez installée à destination de vos locataires d’un soir, pour vous prémunir d’une remise en mains propres. Son kidnapping a été revendiqué ce dimanche, peu avant 11 heures, dans un mail adressé à La Provence, photos à l’appui. 40 de ces petits engins ont été dérobés, 21 d’entre eux, dégradés, annoncent les ravisseurs.
Les revendications de ces "Marseillais du centre-ville" tels qu’ils se présentent sans plus de détails, sont on ne peut plus claires : "L’interdiction d’Airbnb et de tous les meublés touristiques à Marseille". Et ainsi, le retour à la location de tous les logements à ce jour dévolus aux plateformes de location à la nuit ; un retour qu’ils souhaitent aux tarifs observés en 2008.
Et si leur volonté n’était pas respectée, les "Marseillais du centre-ville", appelons-les "MCV", menacent de monter dans les tours en poursuivant leurs kidnappings intempestifs, "d’attaquer les petits trains", de jeter "les touristes dans le Vieux-Port pendant les selfies", de faire "foirer les JO". Voire d’attraper "les multi-propriétaires un par un" pour récupérer "les logements de force".
Mais au-delà de ce qui peut ressembler (plus ou moins) à une farce, les kidnappeurs de boîtes à clés dénoncent en réalité un phénomène éminemment sérieux : la difficulté des Marseillais à se loger. Une peine dont on sait désormais qu’elle est en partie liée à la multiplication de logements réservés à la location saisonnière. Et qui sortent ainsi, du parc locatif traditionnel.
"Conditions de location déplorables"
Rareté des logements, augmentation des loyers, accès de ceux qui restent aux plus fortunés, évacuation forcée parfois, peur de perdre son logement sinon…"Les "MCV" poursuivent leur longue liste de constats : "Obligation de quitter les quartiers où nous vivons ; insalubrité et conditions de location déplorables pour celles et ceux qui résistent, ou n’ont pas d’autre choix que rester à tout prix". "Combien de gens à la rue pour combien de meublés touristiques sans âme ?", s’interrogent-ils, en prenant pour exemple le quartier du Panier, devenu une caricature en la matière. "Plus vieux quartier de Marseille, autrefois dit très populaire, ce week-end du 13 et 14 octobre, vous pouviez y louer notamment un studio dans la rue de Plus belle la vie pour seulement 500 euros la nuit", ironisent les expéditeurs de ce mail anonyme, désolés, que la mairie ne fasse pas la démarche de faire interdire les fameuses boîtes à clés "comme à Saint-Malo ou Lille".
L’histoire ne dit pas si les ravisseurs sont les mêmes qui, quelques jours avant le carnaval, en mars dernier, avaient saccagé le T3 de Guillaume à la Plaine. Ce qui est sûr en revanche, c’est que la mairie a conscience de la difficulté que posent ces plateformes de location. Souvent interpellé sur le sujet, Patrick Amico en est devenu un spécialiste notoire. Si en 2022, 3 000 logements neufs ont été construits, "sur la même période, 1 500 logements anciens sont sortis du marché locatif au profit des plateformes de location saisonnière", grinçait récemment l’adjoint au maire en charge du logement.
Quant aux locaux commerciaux qui n’ont pas été du logement après le 1er janvier 1970, ils peuvent être loués en meublés touristiques sans passer par une procédure de changement d’usage. Ainsi, "au Panier, des locaux professionnels ont été reconvertis en Airbnb." Et de trancher : "Nous n’avons pas les moyens légaux de nous y opposer." La Ville dit œuvrer avec les moyens dont elle dispose, Benoît Payan, le maire, se montrant des plus critiques : "Il y a un business autour de la captation des petits logements qui empêche les Marseillais de se loger", reconnaissait-il récemment, dans une interview accordée à La Provence. Aussi, "on limite les propriétaires à un seul logement chacun sur les plateformes et le nombre de nuitées."
La mairie qui organise ce lundi soir, une rencontre avec la presse pour faire des annonces en matière de logement. Peut-être seront-elles de nature à apaiser les Marseillais du centre-ville et déjouer leur menace de s’en prendre au petit train.