Violences et révoltes permanentes sur l’île de Lesbos

Depuis la mi-juillet la situation est extrêmement tendue dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos où les réfugiés tentent de s’organiser en mouvement pour dénoncer les conditions de l’impossible accès au droit d’asile dans le "hotspot" de Lesbos. Ils dénoncent leur impossible accès aux droit dans ces conditions d’enfermement dans des centres de tri comme le camps de Moria, où ils doivent attendre des mois et des mois avant que leur demande ne soit examinée et se voient délivrer un refus la plupart du temps. Affrontant quotidiennement les forces de l’ordre et leur violence, les réfugiés revandiquent le droit à la libre circulation et demandent à gagner le continent pour pouvoir continuer leurs démarches.
Voici un article posté sur le site de Cévennes sans frontières

La situation est toujours extrêmement tendue dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos. Mardi 18 juillet 2017, pour le deuxième jour d’affilée, des manifestants se sont assis à l’extérieur du Bureau européen de soutien à l’asile situé dans le camp, tenant des bannières dénonçant des conditions déshumanisantes et demandant la liberté de circulation pour ceux qui sont restés sur l’île depuis plus de 6 mois, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir se rendre en Grèce continentale. S’en est suivi des affrontements entre des manifestants et la police anti-émeute grecque lorsque celle-ci s’est mise à tirer des grenades lacrymogènes. Les forces de police ont alors mené des raids dans le camp et ont arrêté 35 personnes. Les images et les vidéos diffusées dans les médias montrent que pendant les affrontements et lors des raids et des arrestations la police est extrêmement brutale. Il existe de nombreux témoignages et rapports de violences à l’égard des réfugiés, y compris des femmes et des enfants. Des vidéos montrent que la police lance des pierres sur les manifestants, frappe à plusieurs reprises des individus avec des matraques et des agents en civil qui battent les gens. Un demandeur d’asile témoigne : « La police a tiré beaucoup de gaz lacrymogène et j’ai eu l’impression d’étouffer…. Dix policiers me battaient sur tout le corps pendant trois minutes. J’étais au sol en essayant de me protéger… Ils m’ont frappé avec leurs matraques et m‘ont donné un coup de pied avec leurs bottes … L’officier de police qui m’a emmené à la voiture a craché sur mon visage et m’a appelé « stupide africain » … » Un individu a été hospitalisé pendant plus d’une semaine, et beaucoup ont eu besoin d’une assistance médicale urgente.

Le centre juridique de Lesbos rapporte qu’au cours des audiences préliminaires du vendredi 21 et du samedi 22 juillet, 31 des 35 personnes arrêtées ont été accusées de crimes disproportionnés : incendie criminel, tentative d’agression, de résistance à l’arrestation, d’émeutes, de dommages à la propriété privée et de perturbation de la paix publique. Ces accusations impliquent des peines lourdes et peuvent également signifier une exclusion du droit à la protection internationale. Les personnes ont été transférées dans les prisons d’Athènes et de Chios dans l’attente de leur procès, ce qui en Grèce signifie en moyenne une période de plus de 6 mois. Le centre dénonce également la nature arbitraire des arrestations : de nombreuses personnes parmi les 35 arrêtées ne faisaient même pas partie des manifestants.

Vendredi 21 juillet, des réfugiés, des habitants des îles grecques et des militants ont appelé les dirigeants européens à entendre leur détresse à l’occasion d’un rassemblement organisé sur une plage de l’île de Lesbos. Un filet de pêche géant orné d’un drapeau de l’Union européenne a été déployé autour des manifestants afin de symboliser la situation des réfugiés et des migrants pris au piège sur les îles grecques par l’accord UE-Turquie. Le rassemblement a été organisé sur la plage de Kratigos qui a été l’un des lieux de débarquement de milliers de réfugiés ayant quitté la Turquie en 2015 et au début de 2016. Une militante participant à l’action témoigne : « Après une semaine marquée par une montée en tension au camp de Moria, nous voulions envoyer un message clair, à savoir que les dirigeants européens doivent prendre leurs responsabilités face à la situation à leurs portes. » Un réfugié indique : « Nous manifestons contre l’accord UE-Turquie, à cause duquel des personnes se retrouvent piégées à Lesbos depuis 2016. »

Depuis la signature de l’accord UE-Turquie le 18 mars 2016, les autorités empêchent les réfugiés et les migrants qui accostent sur les îles grecques d’en repartir dans l’attente de les renvoyer en Turquie. Cette politique est à l’origine du surpeuplement, des conditions déplorables et de l’anxiété grandissante que subissent les réfugiés (voir ici). Un militant d’Amnesty International rapporte que : « Les réfugiés ne sont pas au bout de leurs souffrances en Europe, loin de là. Il faut que les gens sachent que leur situation à Lesbos est désespérée et dangereuse. Ils ne bénéficient pratiquement d’aucune aide juridique, médicale, psychologique ou autre. Et il est probable que les choses s’aggravent, à moins que les États européens n’inversent la tendance en accueillant les réfugiés. » Le 31 juillet, la majorité des financements d’urgence versés directement par l’Union européenne aux organismes venant en aide aux réfugiés et migrants piégés sur les îles grecques sont pourtant stoppés (voir ici). L’Etat grec doit prendre alors en main tous les aspects liés à l’accueil des migrants, y compris la distribution des fonds européens. Toutefois, celui-ci n’a pas encore annoncé comment ces interventions doivent être mises en œuvre. La transition n’est pas préparée et laissera de ne nombreuses personnes privées de soin et d’assistance pendant une longue période.

Mercredi 2 août, après 35 jours, Bahrooz Arash et Kozhin Hussein ont du stopper leur grève de la faim mais ils sont toujours emprisonnés malgré un état de santé grave. La lutte pour leur remise en liberté et celle de tous les réfugiés emprisonnés arbitrairement sur l’île est loin d’être terminée. Arash Hampay continue sa grève de la faim entamée le 29 juin. Son frère Amit qui poursuivait cette protestation avec eux a été libéré le 21 juillet après 24 jours passés sans s’alimenter. Unemanifestation a lieu samedi 5 août devant le centre de détention de Moria.

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