Ce qui s’est déroulé ces derniers jours à Ajaccio est grave. À la suite d’une embuscade menée par des jeunes apparemment en déshérence sociale contre des pompiers dans un quartier populaire des hauteurs d’Ajaccio aux cris de « Sales corses ! Vous n’êtes pas chez vous ici à Saint Jean [quartier des Jardins de l’Empereur] ! », des groupuscules d’extrême droite ont exploité ce malheureux fait divers, en criant de leur côté « Arabi Fora ! (Les Arabes dehors !) » et le traditionnel slogan d’extrême-droite « On est chez nous ! »
Depuis trois jours, ces derniers encadrent des manifestations soi-disant « spontanées » de plusieurs centaines de personnes criant leur racisme anti-arabe. Lors de ces rassemblements, on a pu notamment repérer des tee-shirts de Vigilance Nationale Corse (VNC), une des dernières créations groupusculaires identitaires, du facho notoire Patrick Pozzo-di-Borgo. Le paroxysme a été atteint lors de la première manifestation, le 25 décembre, par le saccage d’un lieu de prière musulman.
La coalition autonomiste / indépendantiste corse, qui a pris le pouvoir récemment sur l’Assemblée de Corse, lors des dernières élections territoriales, par les voix de ses deux dirigeants emblématiques, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, ont multiplié les interventions pour rejeter tout amalgame avec leur conception politique qui est à l’opposé du racisme et de l’extrême droite. Ils ont bien sûr condamné fortement le saccage du lieu de culte musulman, disant que ceux qui ont fait ça « se sont exclus de la société corse et de ses valeurs ». Ghjuventù independentista (syndicat étudiant et mouvement de la jeunesse corse), accusé à tord par BFMTV d’avoir participé aux derniers événements dans le quartier des Jardins de l’Empereur, a fait un communiqué pour réfuter ces accusations mensongères et Nicolas Battini, un de leurs membres, actuellement prisonnier politique incarcéré en région parisienne en attente de son jugement, a déclaré du fond de sa cellule : « Les groupuscules racistes qui tentent de détourner la lutte d’émancipation du peuple corse au profit d’une logique d’affrontements communautaires sont nos ennemis au même titre que le colonialisme français ! »
Nous vous proposons, un communiqué du mouvement indépendantiste A MANCA, publié le 26 décembre dernier :
Communiqué de A Manca : NO PASARAN
MancaSuite à l’agression dont on été victimes des pompiers du centre de secours d’Aiacciu, un rassemblement de soutien s’est déroulé devant les grilles de la préfecture de région. L’émotion légitime d’une partie des manifestants et les nombreux communiqués de soutien ont été récupéré par des groupes d’extrême droite parfaitement identifiés. Les images diffusées par les médias et le contenu de messages qui ont circulé sur les réseaux sociaux constituent les preuves formelles de la présence de ces derniers.
Au prétexte du soutien nécessaire apporté aux sapeurs pompiers il s’est agi dans les propos et dans les faits de désigner l’ensemble des populations d’origine arabe et musulmane comme des coupables. Le saccage d’un lieu de prière et les tentatives d’autodafé commises sur des écrits religieux s’inscrivent dans cette stratégie.
Ces actes de nature raciste et fascisante n’ont rien de spontané, pas plus que le quadrillage du quartier des Jardins de l’Empereur, par des individus prédisposés au lynchage des auteurs supposés de l’agression perpétrée à l’encontre des pompiers. Cette expédition punitive a pris rapidement les accents de pogrom. A la gravité des actes et des propos proférés s’ajoute un habillage idéologique qui vise à présenter les choses au prétexte de la défense de l’identité corse et plus largement du peuple corse.
Nous condamnons très fermement ces actes et nous nous félicitons des positions prises notamment par le maire de la commune d’Aiacciu et le président de l’exécutif de l’Assemblée de Corse. Nous dénions toute légitimité ou droit à des individus et des organisations objectivement de nature fascisante à agir et s’exprimer au nom du peuple Corse et ce en toutes circonstances.
Il n’est pas encore trop tard pour opposer à la haine, à la xénophobie et au fascisme, un front large et pluraliste. Mais il ne suffira pas de limiter les indispensables mobilisations à des protestations conjoncturelles. En effet depuis des années le terrain de l’antiracisme et de l’antifascisme a été déserté par la quasi totalité des partis et syndicats.
Nous alertons de nouveau l’ensemble du mouvement national sur le noyautage exercé par des nervis d’extrême droite dont certains occupent des responsabilités, que ce soit au plan associatif et tout aussi grave au niveau syndical. L’extrême droite polymorphe est parvenue à contaminer les discours politiques en faisant en sorte que ses thématiques, l’immigration, l’insécurité et de prétendus communautarismes, prennent une place centrale dans les débats.
Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les mesures économiques, culturelles et sociales qui restent à prendre afin d’éradiquer le terreau sur lequel prolifère la vermine fasciste.
Reste que la question du « vivre ensemble » et donc d’une citoyenneté corse du 21ème siècle doit être impérativement traitée et ce sur la base de la défense sans concession, de tous les droits de l’homme.
Nous témoignons de notre solidarité toutes les victimes de la xénophobie et du racisme, en rappelant l’apport indispensable des personnes issues de l’immigration au fonctionnement de l’économie de notre pays.