Rappel des faits : d’une banderole raciste à des références au nazisme
Le 24 juin 2023, sur l’esplanade du Mucem, un concert avait lieu en soutien à l’ONG humanitaire SOS Méditerranée qui mène des opérations de sauvetage de réfugié·e·s en mer Méditerranée.

Des membres de Défends Marseille se sont introduits sur le toit d’un immeuble en face de l’esplanade du Mucem et ont déployé une banderole. Son message : "Qu’ils retournent en Afrique" référence directe aux propos du député RN, Grégoire de Fournas, à l’Assemblée en 2022 [1].
Avant l’action, leur leader, Aurélien Macé (dit Barkovish), filmait, à l’aide d’une GoPro, une vidéo pour expliquer leur action, qualifiant l’immigration de "virus" qui, s’il n’est pas arrêté à Marseille, se "répandra" dans toute la France.
Peu après le déploiement de la banderole, les 5 participants sont arrêtés. Cette action était bien préparée : téléphones jetables et vides de tout contenu, GoPro pour filmer, discours identiques et préparés pour leurs interrogatoires respectifs [2]. L’action était tellement bien préparée, qu’ils avaient prévu le lancement d’un site internet pour leur permettre de financer leurs actions : stop-sos-mediterranée.fr. Aujourd’hui le site est inaccessible.

Pendant leur garde à vue, la police effectuera des perquisitions à leurs domiciles. Ils y trouveront :
- Des stickers de plusieurs groupes d’extrême droite comme l’Action Française, la Cocarde étudiante, Civitas, Active Club
- Des photos qui dressent bien le portrait des militants : une photo de la préparation de la banderole, où l’un des interpellés porte un pull Léon Degrelle (leader nazi Belge) "Nous n’avons qu’un désir, c’est que cet esprit-là renaisse" (acheté à Lyon Populaire, le principal groupe nationaliste révolutionnaire en France) ; une photo devant un tag anti-lgbt accompagné d’une croix celtique : "Les LGBT en prison" ; une photo d’un sticker "Brigade anti-nègres" [1], [2]

- Des affiches et tracts de Marseille d’Abord, le microparti de Stéphane Ravier ainsi que des affiches du C9M (Comité du 9 mai, déambulation néofasciste annuelle en hommage à Sebastien Deyzieu)
Pendant leur garde à vue, ils auront la visite de Stéphane Ravier, qui utilisera sa qualité de sénateur pour aller les voir. Son discours habituel sur la prison qui ressemble au Club Med ne sera étonnamment pas le même pour ses petits protégés (il viendra chouiner que ça sent le pipi et qu’il y a des cafards, sans blague). Il les accueillera également à leur sortie.

Compte rendu du procès
Lors de leur procès, les 5 militants de Défends Marseille seront représentés par le même avocat : Me Pinelli , qui n’est autre que l’avocat ayant représenté Stéphane Ravier dans plusieurs affaires (notamment pour "prise illégale d’intérêts"[3]), ainsi que son ancien assistant parlementaire Antoine Baudino lorsqu’il avait mis un coup de boule à un militant du RN[4].
La défense des 5 militants sera la même que celle amorcée en garde à vue : ils ne sont pas racistes, ils pensent que les migrants sont mieux chez eux puisqu’ici on leur promet de les aider alors qu’on ne peut pas vraiment le faire. On entend de tout : des "valeurs chrétiennes de charité", à l’un des identitaires qui dit qu’il "connaît bien l’Afrique" puisque ses parents allaient "les aider" avec une association humanitaire[1].
L’avocat lui, reviendra sur la non caractérisation du racisme et invoquera la liberté d’expression[2].
Même si le caractère raciste de l’action de Défends Marseille a quand même été reconnu par le tribunal, les pièces à charge trouvées dans les perquisitions les liant clairement à l’extrême droite organisée ne seront pas évoquées lors du procès, niant de ce fait l’engagement actif des 5 identitaires dans celle-ci, et faisant de leur action un acte isolé qui pourrait être réparé par le simple stage au Camp des Milles (ancien camp d’internement et de déportation à Aix) requis par la procureure.
Entre temps, le tribunal au vu des éléments du dossier a requalifié l’accusation d’"injure" en "incitation à la haine", entraînant des condamnations plus lourdes que celles initialement requises par la procureure : tous ont écopé de 3 mois de prison avec sursis, sauf Aurélien Macé qui en aura 6 en sa qualité de leader. Leur avocat a annoncé faire appel.
Qui sont ces 5 membres de Défends Marseille ?

Tous les accusés se sont bien présentés comme faisant partie du "groupe de jeunesse du sénateur Stéphane Ravier". La plupart d’entre eux font/ont fait partie de plusieurs autres groupes d’extrême-droite identitaires, royalistes et néo-fascistes, matérialisant la porosité qu’il peut y avoir à la fois entre les différentes tendances à l’extrême droite groupusculaire, mais également entre l’extrême droite groupusculaire et institutionnelle. Revenons maintenant sur leurs parcours respectifs.
- Aurélien Macé alias "Barkovich". Celui qui se présente comme le leader de Défends Marseille n’est pas nouveau dans la mouvance.
On le retrouve déjà en 2017 pour la rentrée de l’Action Francaise, dans leur local rue Navarin, où il fait la sécurité. On le reconnait sur plusieurs photos de l’Action Francaise Provence datant de cette époque, notamment sur une de leurs affiches. Il garde aujourd’hui des liens forts créés à l’Action Française, particulièrement avec les militants du groupe national-révolutionnaire Tenesoun (issu de l’Action Française Provence puis du Bastion Social Aix en Provence), basé à Aix en Provence.
On le reconnait également à ses vêtements sur une photo posté sur le canal "Active Club France", un ensemble de groupes de free-fight suprémaciste blanc, posant aux côtés de la Barriera, un groupe néofasciste italien.
Il fréquente aussi l’extrême droite institutionnelle, comme on le voit sur cette photo prise en 2022 aux côtés d’Enzo Alias, ancien candidat et ex-membre de la direction nationale de la branche jeunesse du RN (et habitué des saluts nazis... [5]).
Il est très proche de Stéphane Ravier, politiquement comme personnellement, puisqu’il sera invitéà son mariage en 2023 avec d’autres membres importants de groupes d’extrême droite, dont Jérémy Palmieri . Ils posent également côte à côte, tous les deux, à la sortie de garde à vue des 5 militants.


- Marc Solina. Se présentant comme un "fervent catholique", il est très actif dans plusieurs groupe d’extrême-droite institutionnelle et groupusculaire. Il est porte parole de la section Aix-Marseille du syndicat étudiant La Cocarde, à tel point que le siège officiel de la section est domicilié chez lui[6]...
Il est également membre du groupe royaliste Action Française depuis au moins 2021, et s’entraine dans le groupe de combat suprémaciste blanc Active Club. Il participe à des mobs racistes comme à Lyon (photo) et à des mobilisations néofascistes telle que celle du Comité du 9 Mai(C9M) à Paris, le 6 mai 2023.




- Adrien Chaves Frota. Il restera masqué tout au long du procès sauf au moment de parler. Pas si fier de ses idées ? Cet ingénieur qui met en avant la démarche légaliste du lâcher de banderole parait moins géné par les aspects moins légalistes de l’Action Française dont il est membre. On le voit apparaître d’ailleurs très récemment sur une photo prise devant l’ancien local de l’Action Française rue Navarin, à la suite de l’hommage à Louis XVI organisé cette année.

- Romain Pontier. Également membre de la Cocarde, il est proche du groupe néo-fasciste et nationaliste révolutionnaire Tenesoun. C’est lui qui possédait les photos du stickers "brigade anti-nègre" et du tag anti-lgbt.

- Vincent Blet. Pour l’instant, le plus discret des cinq, des tracts de Marseille D’abord ont été retrouvés chez lui.
Cette porosité entre les groupes était d’ailleurs bien visible lors de la soirée de lancement de Défends Marseille, où des représentants de toute l’extrême droite locale avaient répondu à l’appel.

Sur cette photo, on peut retrouver de nombreuses têtes de l’extrême droite locale, toutes tendances confondues. En effet, on peut apercevoir des représentants de l’UNI, syndicat étudiant rivale de la Cocarde (1 ;3 ;14), ainsi que Marc Solina en qualité de porte parole de la Cocarde étudiante (2). On aperçoit également Jérémie Piano, ancien porte-parole de Génération Identitaire et ex-canditat Reconquête, lui-même condamné pour l’attaque des locaux de SOS Méditerrannée[7]. Plusieurs militants du groupuscule néo-fasciste Tenesoun dont Rafael Ferron Lagier (8), entre autres proche de l’association néo-nazie Léon Degrelle en Espagne (voir notre article sur le sujet), ont aussi participé à cette soirée de lancement.
Quelques vieux copains de l’Action Française et du Bastion Social étaient également de la partie, comme Christophe Gosse (10) (article du RAVI) ainsi que Jérémie Palmieri (12) et Clément Duboy (11), tous deux condamnés pour aggression raciste sur deux personnes dont un gendarme en permission[8],[9]. Clément Duboy est ensuite parti à Lyon, où il militera au sein du groupe nationaliste révolutionnaire, Lyon Populaire. Il reprendra 6 mois ferme après une nouvelle agression.
Est également présent Jean Philippe Courtaro, responsable à ce moment là de la section bouches du Rhones de Génération Zemmour.
Enfin, en invités de marque, on retrouvera Philippe Vardon, ancien du Bloc identitaire passé par Reconquête et ayant aujourd’hui créé son micro-parti à Nice sur le même modèle que Stéphane Ravier, présent pour parrainer ses nouveaux poulains.
Ravier s’est toujours appuyé sur les groupes de jeunesse d’extrême-droite
Il est bon de se rapeller que Stéphane Ravier s’est toujours appuyé sur des groupuscules d’extrême-droite.
Avec Philippe Vardon, il a soutenu le groupe "Jeunesses identitaires Massilia" crée par Guillaume Pradoura et les fera participer à une liste FN pour les municpales en 2008[1]. Pradoura est un proche de Jérémy Recagno, un membre du groupe néo-nazi Blood and Honour Hexagone et a aidé ce dernier à échapper à la justice et à s’installer en Europe de l’Est. Pradoura a été renvoyé du RN en 2019 suite à la révélation d’une photo antisémite le montrant déguisé en rabbin[10]. Il est proche de Stéphane Ravier, qui l’a marié en 2015 puis l’a invité à son propre mariage.

Lors des municipales de 2014, Stéphane Ravier a fait campagne avec plusieurs militants de l’Action Française [11], [12] (Blanche de Reviers de Maury, Jérémy Ferrer, Christophe Gosse, Jeremy Palmieri). Le responsable local de l’AF d’alors, Jérémy Palmieri ou "Bizu" était proche de Ravier. En 2018, Palmieri a été condamné à 6 mois de prison pour une double agression : agression raciste accompagnée de celle d’un gendarme[8],[9].
Aujourd’hui, il s’appuie sur les identitaires de Défends Marseille, son groupe de jeunesse.
SOS Méditerranée comme cible : une histoire identitaire
Le choix de cibler SOS Méditerranée n’est pas une première dans les rangs des groupes identitaires. Rappelons qu’en 2018, Stéphane Ravier s’était félicité de l’assaut des locaux de SOS Méditerranée à Marseille, par Génération Identitaires. Il avait twitté : « L’ONG pseudo-humanitaire SOS Méditerranée est bel et bien complice des trafiquants d’êtres humains : bravo à Génération identitaire pour son action pacifique devant leurs locaux à #Marseille ! Le temps de l’impunité est terminé ! ».
Cette attaque a valu plusieurs peines de prisons aux participants [13],[14]. Il s’oppose régulièrement aux subventions pour cette association et a soutenu l’annulation (temporaire) de celle de 2021[15]. Lors de la sortie de ses poulains de GAV, suite au lâcher de leur banderole raciste, celui-ci avait qualifié leurs action "d’acte d’héroïsme" [2]. Suivant leur chef, Défends Marseille a mené une seconde action contre SOS Méditerranée en déployant une nouvelle banderole devant le concert de soutien d’octobre 2024. Cette banderole se présentait comme un "hommage" à Philippine mais où le message principal était "tuée par un migrant". Le site de Défends Maseille éclaire bien sur le choix de SOS Méditerranée comme cible d’attaque, désignant cet ONG comme actrice du "grand remplacement".
Bien loin de l’image qu’ils ont voulu donner lors de leur garde à vue et du procès, il est très clair que les 5 militants font partie d’une extrême droite organisée et qui tente de s’unir au-delà des différences de tendance, grâce au prisme civilisationnel et à un racisme qui les lie au delà de leurs divergences.
D’ailleurs, on retrouvera nos chers militants de Défends Marseille quelques jours avant le procès, nettoyant la tombe de Charles Maurras, penseur principal de l’Action Française et surtout antisémite et collaborationniste notoire.

Nous avons trouvé nécessaire d’écrire cet article, pour remettre en lumière la véritable nature de ce groupuscule, et la place qui est la sienne dans le réseau d’extrême droite. Il nous a été prouvé maintes et maintes fois que nous ne pouvions pas attendre grand chose de la justice, alors contre l’extrême droite, organisons-nous !
Si vous voulez en connaitre d’avantage sur les groupes d’extrême droite de Marseille et ses environs, on a sorti notre guide il y a quelques mois (disponible sur notre site en pdf)
Sources :
[1] : https://marsactu.fr/banderole-contre-sos-mediterranee-au-tribunal-cinq-identitaires-recusent-linjure-raciste/
[2] : https://marsactu.fr/t-shirt-nazi-stickers-racistes-et-tag-anti-lgbt-dans-les-placards-des-jeunes-avec-ravier/
[3] : https://www.mediapart.fr/journal/france/010222/marseille-une-affaire-de-favoritisme-rattrape-le-senateur-rn-stephane-ravier
[4] : https://www.20minutes.fr/justice/4004546-20221010-marseille-attache-parlementaire-stephane-ravier-condamne-violences
[5] : https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/legislatives-2022-y-a-t-il-eu-un-salut-nazi-d-un-soutien-rn-de-la-3e-circonscription-des-bouches-du-rhone-2563384.html
[6] : https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/cocarde-etudiante-aix-marseille-924027865
[7] : https://www.liberation.fr/checknews/que-sait-on-de-jeremie-piano-ancien-porte-parole-de-generation-identitaire-investi-par-reconquete-aux-legislatives-20220517_DDIXUCA2A5FTJL6PRLEZLD7EDA/
[8] : https://mars-infos.org/https-www-lemonde-fr-police-3251
[9] : https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/5043073/des-chefs-du-bastion-social-en-prison-pour-lagression-dun-gendarme.html
[10] : https://www.laprovence.com/article/politique/5506589/rassemblement-national-guillaume-pradoura-le-marseillais-au-passe-sulfureux-par-qui-le-scandale-arrive?id=5506589
[11] : https://www.mediapart.fr/journal/france/170514/marseille-front-national-royalistes-et-neofascistes-font-bon-menage
[12] : https://marsactu.fr/laction-francaise-plongee-au-coeur-dune-nebuleuse-de-lextreme-droite/
[13] : https://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2018/10/05/le-siege-de-sos-mediterranee-occupe-par-des-militants-identitaires_5365367_1654200.html
[14] : https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/17/des-peines-de-prison-ferme-requises-contre-des-membres-de-generation-identitaire_6146203_3224.html
[15] : https://marsactu.fr/au-tribunal-lannulation-de-la-subvention-a-sos-mediterranee-vire-au-proces-politique/