Quelques jours avant le scrutin décisif de dimanche, la justice a ordonné le ratissage, pour la quatrième fois depuis le mois d’août, de la portion du fleuve Chubut en direction de laquelle Santiago Maldonado avait fui avec l’ensemble de la communauté mapuche de Cushamen qui protestait contre l’accaparement de leurs terres ancestrales par Benetton le jour où les forces de gendarmerie sont intervenues. Mardi, donc, de façon complètement improbable, les plongeurs de la police ont retrouvé un corps, flottant à la surface et à 300 mètres en amont de l’endroit où avait été vu pour la dernière fois Santiago Maldonado et qui a été identifié comme celui du jeune activiste.
Ce qui, d’entrée de jeu, ressemblait à une « disparition politique forcée », à savoir l’assassinat d’un militant, suivi de la soustraction du corps, en acquiert aujourd’hui toutes les caractéristiques. Le meurtre de Santiago Maldonado rappelle les heures les plus sombres de l’’histoire contemporaine de l’Argentine, la période de la dictature militaire de 1976-1983 et son cortège de 30.000 disparu-e-s.
Elu en 2015, le président de droite Mauricio Macri semblait n’accorder qu’une importance toute secondaire à cette période, prônant la « réconciliation nationale » et souhaitant refermer la parenthèse des procès intentés contre les responsable de crimes contre l’humanité et de génocide pour la période 1976-1983. Le meurtre de Santiago vient rappeler qu’il ne s’agissait pas d’un simple projet tourné en direction du passé. Ce crime politique indique la continuité existante entre le discours et les pratiques de la droite argentine et des forces de répression et le projet porté par la dictature de Videla.
Après plusieurs semaines de mobilisations pour que la lumière soit faite sur la disparition de Santiago, en Argentine comme à l’étranger, des manifestations monstre ont été organisées depuis la découverte du co, partout dans le pays, en dépit de la suspension de la campagne par les partis politique et l’interdiction de tenir des rassemblements à la veille du scrutin.
L’impact des derniers rebondissements autour de l’assassinat de Santiago est encore compliqué à évaluer tant la polarisation s’est accrue au cours des dernières semaines, autant sur la droite qu’en direction de la coalition péroniste menée par l’ancienne présidente, Cristina Kirchner. Vendredi soir, les derniers sondages pour la province de Buenos Aires, une province absolument clef pour la politique argentine, continuaient à donner Esteban Bullrich, neveu de la ministre de l’Intérieur, au coude-à-coude avec Kirchner, avec 38,5% des intentions de vote. Le Front de Gauche et des Travailleurs (FIT), en première ligne des mobilisations au cours des dernières semaines aura à se battre pour arracher chaque voix contre la pression du « vote utile » en direction du centre-gauche et du kirchnérisme. L’enjeu sera de conserver, sur l’échiquier électoral, l’autorité politique que l’extrême gauche trotskyste argentine, menée par le jeune Nicolás Del Caño, a consolidé au cours des dernières années, et de sanctionner lourdement Macri sans pour autant conforter une Kircner qui souhaiterait se présenter pour un nouveau mandat en 2020.
En attendant l’ouverture des bureaux de vote, dimanche, un nouvel appel à manifester, centralisé, a été lancé pour le 21 octobre à Buenos Aires, pour exiger des comptes et la démission des responsables de l’assassinat de Santiago.