« Ça fait du bien, ça soulage » déclare le CRS de retour d’une agression

Mardi 5 mai, 3 CRS kidnappent violemment Jamshed sur le Vieux-Port, le conduisent sur un parking à 30km de là pour l’y abandonner après l’avoir tabassé. Le lendemain en comparution immédiates iels sont condamné.es, une fois n’est pas coutume, à respectivement 4 ans ferme, 18 mois ferme, et 1 an de sursis.

Déjà 11 morts aux mains de la police depuis le début du confinement, et combien d’agressions ? Mercredi 6 mai, une fois n’est pas coutume 3 flics ont été condamnés pour leur brutalité. La veille, 3 CRS, le brigadier et chef d’équipe Michel Provenzano, Mathieu Coelho, et une adjointe de sécurité s’empare sur le Vieux Port de Jamshed, un homme de 27 ans, réfugié afghan. Iels le soupçonnent d’avoir « craché sur des passants ». S’en suit clé de bras, plaquage violent contre leur voiture, et comme il a l’« impudence » de protester, et que visiblement iels n’ont rien à lui reprocher, iels l’embarquent pour lui donner une leçon. Après l’avoir abandonné sur un parking à 30km de là après l’avoir tabassé, iels se rendent à l’hôtel de police pour faire un faux déclarant l’y avoir laissé.

Mais cette fois, l’arrestation a été filmée par la vidéosurveillance du Vieux-Port, le faux est constaté, Jamshed port plainte, et l’adjointe de sécurité témoigne à charge. Le lendemain en comparution immédiate iels sont respectivement condamné.es à 4 ans ferme (la proc n’en demandait que 3), 18 mois ferme, et 1 an de sursis.

Quelques gifles pleuvent. Quelques coups aussi. L’interpellé se met à crier. Rarement interpellation aura dégénéré à ce point.

Pour une fois que des flics se retrouvent condamnés.es au trib, La Provence fait l’étonnée, pourtant l’auteur de l’article est notre cher Denis Trossero, son chroniqueur judiciaire spécialisé dans les enquêtes policières et judiciaires. « Rarement interpellation aura dégénéré à ce point » ? Une simple recherche sur le net en fera remonter des dizaines rien que dans les dernières semaines. Chroniqueur spécialisé ou avocat de la police ?

Lorsque la presse rapporte des violences policières, elle utilise généralement un schéma assez classique visant à criminaliser la ou les victimes et légitimer l’action des flics, symptôme d’une couverture de l’événement du point de vue policier. Si dans ce cas il n’y a ni criminalisation de la victime, ni légitimation de la violence policière, car elle a été condamné, la même posture narrative est pourtant présente. Celle-ci est entièrement située du point de vue policier, ce qu’ils ont fait, pensé, dit ; ils sont acteurs du récits. Jamais, dans aucun article à propos de son agression, la parole n’est donnée à Jamshed. Même reconnu coupable, la parole d’un keuf vaut plus que celle d’un réfugié afghan !

Cette posture narrative est présente jusque dans la titraille. “On a fait une énorme boulette” : prison ferme pour deux policiers après un contrôle violent à Marseille titre France 3 PACA. Mais la palme revient au Parisien, qui après le titre factuel Arrestation illégale et violente : prison ferme pour deux policiers à Marseille enchaîne avec les intertitres suivants :

  • Soupçonné d’avoir craché sur deux passants - criminalisation de la victime (
  • « J’ai pété un câble » - une citation de l’agresseur, cherchant à s’excuser par une perte de contrôle de lui-même
  • « Un quasi-suicide professionnel » - mais une vraie agression ! On est maintenant appelé à compatir avec le sort de l’agresseur...

Bien entendu, aucun article ne relève que ceci ne serait « peut-être » pas arrivé si Jamshed était blanc. Mais Denis Trossero de La Provence va plus loin :

Pour sa défense, le brigadier Michel Provenzano soutient que le mis en cause "parlait de New York, de Paris...". Feint-il de faire croire que l’interpellé du jour était dangereux ? Capable d’attentats sur le sol français ?

Ce n’est pas le policier qui dit croire que sa victime aurait été capable d’attentat, c’est Trossero qui insère gratuitement cette question rhétorique ayant pour sous-texte raciste afghan=attentat selon la bonne vieille méthode du « ne pensez pas un éléphant [1] »

Plutôt que de dire des conneries racistes, il aurait peut-être été plus pertinent de commenter ce passage :

Sur place, Michel Provenzano dépose dans le vide-poche ses lunettes de soleil et son arme de service "pour ne pas faire de conneries", a-t-il déclaré au tribunal.

À moins que la violence policière soit si banale qu’il paraisse normal à un chroniqueur de la police qu’un flic estime nécessaire de se séparer de son arme parce qu’il a peur de tirer alors qu’il tabasse un passant.

Notes :

[1Les cadres cognitifs sont des outils très puissants en propagande. L’exercice proposé par George Lakoff à ses étudiants dans son livre le démontre : "Ne pensez pas à un éléphant ! Quoi que vous fassiez, ne pensez surtout pas à un éléphant !"

Pour la personne interpellée, c’est souvent impossible. C’est là que le pouvoir d’un cadre réside : il bombarde les processus cognitifs de réponses aux questions posées. La plupart d’entre nous penserons immédiatement à un éléphant. Mais imaginons un instant quelles seraient nos pensées si nous réussissions à déjouer le piège initial. Nous cherchons donc immédiatement un sujet alternatif. Mais le cadre est là. À la question : "À quoi puis-je penser ?" Le cadre répond immédiatement : "À un éléphant !"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cadre_cognitif 

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