C’est souvent bien plus tôt qu’en Méditerranée ou aux frontières extérieures de l’Europe que les personnes en exil font leurs premières expériences de la brutale violence des régimes migratoires. Par exemple, sur les routes terrestres du continent africain vers la Libye. Ces dernières années, ces itinéraires sont devenus extrêmement dangereux et parfois mortels, en partie parce que l’UE déplace continuellement ses frontières extérieures plus loin et contrôle désormais de nombreux passages frontaliers en Afrique du Nord. Par conséquent, il n’y a pratiquement pas de voie (légale) pour les personnes en fuite sur ces routes terrestres. C’est pourquoi beaucoup n’ont pas d’autre choix que d’emprunter des itinéraires très dangereux ou de payer beaucoup d’argent.
Une étude récemment publiée fait état de cette violence à l’encontre des migrant·e·s sur les routes terrestres à travers le continent africain :
- Pour cette étude, le Mixed Migration Center a interviewé des hommes et femmes migrantes entre 2018 et 2019 sur les routes de migration entre le Soudan oriental, le désert du Sahara et la Libye. Des personnes rapportent des meurtres, des violences sexuelles et sexistes, des violences physiques et des enlèvements. Selon l’étude, les migrant·e·s subissent les violences les plus brutales telles que des brûlures à l’huile chaude ou aux objets métalliques chauds, les chocs électriques, l’immobilisation dans des positions de stress et des violences sexuelles.
- En 2018 et 2019, au moins 1 750 personnes sont mortes sur ces routes. En outre, il y a ceux qui meurent sur le chemin qui traverse la Méditerranée pour rejoindre l’Europe : Sur la route de la Méditerranée centrale, principalement en provenance de Libye, plus de 2 500 personnes sont mortes ces deux dernières années. Il y a également un nombre élevé de cas non signalés car de nombreuses personnes meurent sans être remarquées dans les déserts.
- Dans les zones de passages du désert et aux postes frontières, les violences sexuelles contre les filles et les femmes, mais aussi contre les garçons et les hommes,sont très fréquentes. Environ 31 % des personnes interrogées qui ont subi des violences sexuelles en 2018 ou 2019 ont été exposées à ces violences dans plus d’un endroit. En Afrique du Nord et de l’Est, les trafiquants d’êtres humains ont été les principaux responsables, représentant 60 à 90 % des attaques signalées sur les différents itinéraires. En Afrique de l’Ouest, les forces de sécurité, les militaires et les policiers sont les principaux responsables de ces actes.
- Selon l’étude, les employé·e·s du gouvernement tels que les gardes-frontières, la police ou l’armée sont les principaux responsables de la violence. Il n’est pas rare que ce soit des agent·e·s payé·e·s par l’UE pour le contrôle de la migration.
- Les personnes qui survivent souffrent souvent de traumatismes. Pour beaucoup, leur arrivée en Libye est la dernière étape d’un voyage marqué par des mauvais traitements tels que la torture, le travail forcé et les coups - ainsi que par des meurtres arbitraires. Avec les personnes arrêtées par les garde-côtes libyens en Méditerranée - déjà plus de 6 200 cette année - elles sont généralement enfermées dans des camps libyens dans des conditions inhumaines. Certains d’entre elles parviennent à s’échapper de ces camps. Mais selon toute probabilité, elles seront à nouveau interceptées en Méditerranée par les garde-côtes libyens ou européens et ramenées en Libye. Certaines arrivent dans un port européen. C’est alors que commence pour elles le calvaire des régimes d’asile européens.
Tout cela est connu depuis des années. Il n’y a pas d’histoires inventées ou de petites irrégularités dans le système. C’est la réalité quotidienne de milliers de personnes. Cette réalité n’est pas le fruit du hasard. Elle a été délibérément créée par un système de contrôle des migrations imperméable et brutal, largement financé par l’UE à travers des « partenariats migratoires », des accords de réadmission, un soutien financier, logistique, humain et matériel.