De Guérini à Macron, en passant par Gaudin, Lisette Narducci, maire de secteur à Marseille, cherche sa voie...

Après avoir soutenu Guérini, Gaudin, Macron, dans sa mairie de secteur à Marseille, Lisette Narducci semble de plus en plus isolée. Ambiance de fin de règne...

Elle est partout, Lisette Narducci, la maire des 2ème et 3ème arrondissements de Marseille ! Au Comptoir de la Victorine après son incendie. A l’ouverture du Bricorama... Mais aussi chez Jean-Noël Guérini de la Force du 13, aux côtés du maire LR de Marseille Jean-Claude Gaudin ou au QG marseillais de Macron le soir de son élection ! Disponible, elle sait l’être, recevant le Ravi au débotté et au grand dam de son bras droit. Car, entre la Major et l’Évêché, règne une drôle d’ambiance.

Résumé d’Eugène Caselli (PS) : « Entre Narducci et la droite, il y a une guerre larvée. » S’accrochant depuis peu avec Solange Biaggi (LR) sur les ravalements de façade, elle s’est fendue lors du dernier conseil d’arrondissement d’une « lettre ouverte » à Gérard Chenoz (LR), lui demandant « la prise en considération du 3ème arrondissement » et un « taux unique » pour les aides.

Mercato et exclusions

Chenoz, goguenard : « Il n’y a pas de tensions. On est de centre droit, elle de centre gauche et d’accord sur l’essentiel. Mais pas le doigt sur la couture. Sur les façades, posez-moi 10 fois la même question, j’apporterai 10 fois la même réponse. »

Lors du conseil, Biaggi a passé à la question l’élue qui présentait le budget. Mais c’était celle en charge du commerce, pas des finances. Narducci ne l’a pas digéré : « Avant le conseil, à la réunion de la majorité, il n’y a eu aucune question sur le budget. » Sourire d’un observateur : « S’ils restent ensemble, c’est pour les gosses. Et encore. »

Il y a peu, le maire a changé les attributions des élus. Et le 1er adjoint Michel Azoulai (LR), proche de Biaggi, de passer de la « sécurité » au « plan climat » : difficile en mairie de secteur d’y voir une promotion ! Autre signe des tensions ? Des photos de trottoirs sur le web avec ce commentaire du nouvel élu à la « sécurité » : « En quelques rues nous avons fait ce constat d’abandon de la mairie centrale. »

Avant que ça ne se tende à droite, c’est le guériniste Stéphane Rasca qui s’est fait virer fin 2015. On croise avec lui à la Joliette un ancien agent municipal. Qui, racontant « souffrance » et « tensions », se réjouit d’avoir quitté une mairie où le directeur général des services est aussi sur le départ.

Au-delà de ce contexte, dans une mairie qui, sur un budget de fonctionnement d’un million d’euros, en dépense 100 000 pour l’« alimentation » et 250 000 pour les « fêtes et cérémonies », réclamer des précisions, ça agace : « Je savais qu’on en arriverait là, grimace la directrice de cabinet. Mais on n’a rien à se reprocher. On est transparents. » (1). Et d’assurer, par exemple, n’avoir recours que rarement aux services de la boulangerie-pâtisserie Giner. Qui n’est pourtant pas sans liens avec Dominique Giner-Fauchoux, l’adjointe au commerce. De temps en temps, l’élue lui fait sur le web un peu de pub. Et la gérante, Maryse Vasile-Giner, de relayer, en mai dernier (et en vain), la « pétition » pour qu’En Marche désigne l’adjointe candidate aux législatives.

Dans cette boulangerie, on trouve le DVD d’un amateur de « pains » un peu particuliers : le champion de sport de combat Yvan Sorel. Sur le site Vice fin 2016, il clame : « Les subventions ? Je ne connais pas. Pour obtenir des choses ici, il faut mettre des coups de pression. » Comme cette pétition afin de retrouver son job à la mairie de Marseille, regrettant, écrit-il, que « des opinions personnelles ou politiques puissent être la source de décisions prises par une personne au nom de la République Française. » Il enfonce le clou dans 20 minutes : « Marseille, capitale du sport ? C’est surtout la capitale du clientélisme ! »

Seule à trouver grâce à ses yeux : « Notre maire de secteur Lisette Narducci fait au mieux », dit-il à Vice. Sur Facebook, les échanges entre le sportif, le maire (et son adjointe) sont très cordiaux. Et au centre d’animation de Fonscolombes, lui qui n’intervenait en 2014 qu’un jour par semaine y est désormais - au grand dam, dixit le CIQ, du « club de karaté » - tous les jours. Fin 2015, la mairie a acheté pour 9 000 euros de tatamis. « On a investi 30 000 euros pour faire d’une salle polyvalente dégueulasse la Mecque du sport. Notre engagement va au-delà. Ici, on fait la pluie et le beau temps. Et oui, Lisette Narducci est une amie », rétorque Sorel.

Logements versus cadeaux ?

Autre sujet qui fâche : les logements sociaux. Et pas seulement parce qu’il commence à y en avoir un peu trop au goût de la maire de secteur. A en effet circulé sur la toile un enregistrement où la responsable du service « logement », surnommée « mère Térésa », reconnaît avoir reçu de modestes cadeaux (du « parfum », une « montre »...) tout en accusant d’autres d’accepter des « enveloppes » ! Une histoire sur laquelle ne veut pas revenir celle qui, après avoir logé beaucoup de monde, a quitté la mairie. De source policière, on nous confirme que plusieurs personnes auraient été entendues et que, si l’on a connu dossier plus solide, la PJ ne l’aurait pas encore clos.

Chenoz en a eu vent. Pas 13 Habitat ni l’Ancols (le gendarme des HLM qui enquête à 13 Habitat). Certes, aujourd’hui, c’est la brigade financière qui s’invite à la mairie centrale. Mais voilà de quoi rappeler la singularité de l’ancien « fief » de Guérini, un secteur qui agrège le Panier, Euromed et les quartiers les plus pauvres de France. Où - Mennucci (PS) et Mélenchon (LFI) le confirmeront - les batailles sont âpres. Et où Narducci, briguant déjà un nouveau mandat, apparaît des plus isolées.

« La mobilisation pour un quartier, ça ne se mesure pas en mètre linéaire de potelets », tacle-t-on au CIQ de la Belle de Mai. « Elle doit en permanence jouer sur le fil, dans un secteur plutôt à gauche tout en donnant des gages à droite », analyse « l’insoumise » Marie Batoux. En atteste l’appel de Narducci à ce que « tous les quartiers partagent le poids de la solidarité ».

Pour Jeanne Marti (FN), « depuis que le Département a changé, Narducci est moins soutenue. Que la bataille pour les municipales ait commencé n’arrange rien. Quand on est en campagne, on ne fait pas ce pour quoi on a été élu. » Perfide, lors du dernier conseil d’arrondissement, la droite s’est demandée pourquoi, dans une mairie qui se dit abandonnée, tous les crédits ne sont pas consommés. Et, fin avril, alors que Narducci commémore l’évacuation du Vieux Port, le même jour, à la même heure, Martine Vassal, elle, fête à la Joliette ses trois ans à la tête du Département. Dans cette « farce » du 13, Lisette serait-elle le dindon ?

Sébastien Boistel

1. Aucun document ne nous a été transmis, la plupart des élus ont refusé de répondre et la directrice de cabinet nous a proposé un entretien à la mi-mai, après le bouclage du numéro (le Ravi n°162, daté mai 2018) où a été publié une première fois cet article.

Enquête publiée dans le Ravi n°164, daté mai 2018

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