Extinction Rebellion : Ce n’est pas la lutte dont nous avons besoin, Partie 1

Première partie d’une critique en trois parties de Extinction Rebellion, axée sur leurs attitudes envers la police, le système juridique et la prison. Ceci est une traduction d’un texte de Out of the Woods [1], publié le 19 juillet 2019 sur le site Libcom.org.

Avertissement de contenu : brutalités policières, violence sexuelle institutionnelle, incarcération.

Note de la traduction : Ceci est la traduction d’un texte critique des tactiques, de l’organisation, et de la stratégie d’Extinction Rebellion au Royaume-Uni. Le partage de ces critiques m’a paru pertinent, cependant cela n’implique pas que ces critiques soient nécessairement applicables aux comités locaux d’Extinction Rebellion en France ou ailleurs. Par ailleurs, ces critiques organisationnelles ne visent pas à dénigrer l’engagement des participant.es aux action de XR.

Introduction

Out of the Woods est tout à fait convaincu de la nécessité d’agir par tous les moyens nécessaires pour faire face à la crise écologique. Mais tous les moyens ne sont pas nécessaires.

Ces préoccupations sont si graves que nous décourageons la participation à des actions de XR

A travers cette critique en trois parties, nous voulons montrer que les tactiques, la forme organisationnelle et les stratégies utilisées par la Extinction Rebellion (XR) ne sont pas seulement inutiles, mais sont profondément dommageables. Elles mettent en danger celleux qui y participent, d’autres groupes utilisant l’action directe pour lutter pour un changement politique (maintenant et à l’avenir), et définissent la crise écologique d’une manière qui laisse la porte ouverte aux “solutions” dystopiques. Nous ne faisons pas ces critiques pour dénigrer celleux qui ont participé à leur actions : nous admirons leur engagement et leur bravoure et nous sommes solidaires de celleux qui sont confronté.es à la répression de l’État [2]. Ces préoccupations sont si graves que nous décourageons la participation à des actions de XR.

Nous ne sommes pas les seuls à critiquer XR. Bien que nous soyons d’avis que les critiques formulées ici nous sont propres, nous reconnaissons le travail d’autres personnes sur lesquelles nous nous appuyons et avec lesquelles nous espérons être lus en retour. [3]

Nos préoccupations au sujet des pratiques de XR se situent à trois niveaux fondamentaux : leurs tactiques (comment ils mènent leurs actions), leur organisation (comment ils sont structurés), et leur stratégie (leur plan d’action à long terme) :

  • Tactiques : Le fait que XR considère la police et les forces de sécurité en tant qu’alliés tactiques et leur méthode de recherche du plus grand nombre d’arrestations possible mettent inutilement en danger ceux qui participent à leurs actions. Cela fournit un service de propagande pour la police et les prisons, qui ne seront jamais que des ennemis dans la lutte pour l’écologie. Elle crée également des dangers importants pour d’autres groupes impliqués dans l’action directe et la lutte collective, y compris ceux qui travaillent avec XR et ceux qui pourraient se former dans l’avenir.
  • Organisation : celleux qui participent aux actions de XR le font en prenant des risques personnels considérables, mais les gains en sont retirés par ses dirigeant.es. En outre, en dépit de références envers des modes d’organisation non hiérarchiques, XR demeure une organisation verticale avec peu de place pour le désaccord.
  • Stratégie : la manière dont les dirigeants de XR ont l’intention de faire progresser l’élan et l’influence que ses actions ont permis d’obtenir est profondément imparfaite. Ils comprennent mal la nature de la crise, le rôle de l’État, le rôle du capital et répètent souvent des idéaux éco-nationalistes. Ils ne mèneront pas à une éclosion écologique, mais au mieux à une dystopie verte.

Nous ne nous attendons pas à ce qu’une organisation soit parfaitement formée dès sa création, bien sûr. C’est particulièrement le cas à l’heure actuelle, avec le peu de mémoire historique d’action directe dans et en tant que lutte collective. Cela est dû en grande partie aux actions violentes de la police et de l’État, qui ont délibérément et diligemment travaillé pour détruire les luttes collectives antérieures visant à l’épanouissement écologique. Cependant, la gravité de nos préoccupations, particulièrement à la lumière de la structure antidémocratique de XR, signifie que nous ne croyons pas qu’il soit utile de chercher à réformer XR de l’intérieur (comme certains d’entre nous ont essayé de le faire).

Ci-dessous, nous présentons notre critique des tactiques de XR. Dans les semaines à venir, nous publierons les deuxième et troisième parties de notre critique, en nous concentrant sur la forme organisationnelle de XR et sa stratégie. Alors que XR crée des groupes à l’échelle internationale, nous nous concentrons principalement sur le Royaume-Uni dans les trois parties de notre critique, car c’est là que le groupe réalise actuellement le plus de progrès et que les connaissances et les expériences des membres d’OotW [Out of the Woods] impliqués dans la rédaction de cet article sont fondées.

Introduction aux tactiques d’Extinction Rebellion

Extinction Rebellion cherche à faire arrêter ses partisan.nes et espère que certain.es d’entre elleux seront emprisonné.es. Dans une vidéo aujourd’hui célèbre tournée au pont de Londres bloquant la manifestation de novembre 2018 (qui a introduit XR sur le devant de la scène), le fondateur Roger Hallam est vu en train d’organiser des manifestant.es sur le pont Lambeth à Londres. Après avoir rassemblé les manifestant.es au centre de la chaussée, il dit à un officier de liaison de la police que « nous ne voulons pas vraiment bloquer les routes » et se plaint à ce flic que « les arrestations ne se font pas assez vite ». [4] Il suggère même que la police loue des autobus pour transporter les personnes arrêtées (une tactique adoptée avec plaisir lors des manifestations de XR en avril 2019). Hallam explique clairement la logique derrière cette tactique dans un article du Guardian :

...ce n’est que par la perturbation, l’infraction aux lois, que vous obtenez l’attention dont vous avez besoin....ce n’est que par le sacrifice - la volonté d’être arrêté et d’aller en prison - que les gens prennent au sérieux ce que vous dites. Et... ce n’est qu’en étant respectueux de nous-mêmes, du public et de la police que nous pouvons changer le cœur et l’esprit de nos adversaires.

Les leaders de XR sont plus que respectueux envers la police. Ils les aident activement à mener des arrestations, ainsi qu’à obtenir des condamnations des tribunaux. Par exemple, ils ont fait connaître l’existence d’ordonnances en vertu de l’article 14 imposant des limites aux manifestations : les gens ne peuvent être poursuivis pour avoir enfreint l’une de ces dispositions que s’ils étaient au courant de son existence. De telles tactiques semblent fonctionner : la police métropolitaine a arrêté environ 1 100 personnes lors de la manifestation de XR en avril 2019, et a annoncé qu’elle cherchait à transmettre les détails de toutes ces personnes au Crown Prosecution Service [Service des poursuites judiciaires de la Couronne]. Ces affaires sont maintenant amenées devant les tribunaux.

La police est décrite comme un facilitateur antagoniste, plutôt qu’un ennemi, de la lutte

Un tel modèle de changement social (sur lequel nous nous concentrerons dans notre prochain article sur la stratégie de XR) amène Hallam et XR à décrire les forces de sécurité comme quelque chose que vous voulez subvertir et non dénigrer. C’est une méthode étonnante pour quiconque a l’expérience des manifestations au Royaume-Uni, mais elle est essentielle à la (mauvaise) compréhension du pouvoir par XR. La police est décrite comme un facilitateur antagoniste, plutôt qu’un ennemi, de la lutte. Incroyablement, Hallam affirme que la Metropolitan Police [5] « est probablement l’une des forces les plus civilisées au monde » , employant une « équipe professionnelle de gars qui vont aux manifestations sociales » . En conséquence, XR ignore des décennies d’expérience en maintenant que le refus de parler à la police « est plus susceptible de provoquer la violence policière » , et suggère que les participant.es aux actions devraient parler de leurs motivations aux agents lorsqu’iels manifestent et, s’iels sont arrêtés, au poste de police.

Pour XR, l’expérience d’être arrêté par ces “professionnels” est aussi susceptible d’être civilisatrice. Une publicité pour leur ’Non-Violent Direct Action Training’ [Formation à l’action directe non-violente] mentionne qu’elle traite du « plaisir d’être enfermé », tandis qu’une autre fondatrice de XR, Gail Bradbrook, a déclaré que :

il n’y a pas de meilleur endroit pour faire face au déchirement du changement climatique qu’une cellule de détention. D’après son expérience, le fait d’être arrêtée a une qualité de “rompre le charme”, transformant les pressions profondément enracinées de la société pour qu’elles se conforment à un nouveau sens du pouvoir personnel. Plusieurs autres bénévoles de Extinction Rebellion ont rapporté des épiphanies similaires : l’une a subi une catharsis émotionnelle alors que - seule dans sa cellule - elle se sentait enfin en sécurité pour pleurer à chaudes larmes ; une autre a senti un lien puissant avec une lignée de combattants de la liberté passée.

Ce n’est pas seulement la cellule de garde-à-vue qui, d’après XR, fournit des épiphanies autonomisantes : pour eux, la prison peut être « une expérience émouvante et de mûrissement », même si elle exige « une certaine conscience de soi et un certain détachement » ; une« forme de “transcendance” pour réaliser que ce n’est pas à propos de “soi-même” ». Dans leur guide de la prison maintenant supprimé, [6] ils ont fait l’étonnante (et tout à fait fausse) affirmation que « si vous faites profil bas et écoutez les gens - il y a beaucoup à apprendre de cet environnement ».

La police n’est pas faite pour être subvertie

 [7]

Il y a, en effet, beaucoup à apprendre. Mais les dirigeant.es de XR n’écoutent pas. Au lieu de cela, iels masquent le rôle que la police et les prisons jouent dans la société et mentent sur les dangers qu’elles représentent pour les personnes arrêtées et les manifestant.es. En réponse aux critiques, iels ont maintenant reconnu le « racisme structurel » de la police et du système judiciaire et ont reconnu les « mensonges, agressions, traumatismes des flics espions et pire encore » de la police, mais le fait que c’est la fonction même de la police est négligé. En effet, dans ce même texte, ils ne se contentent pas de blanchir à la chaux la police et les services pénitentiaires, mais répètent leur propagande. Ils sont même heureux que les partisans « expriment leur gratitude et leur amour envers les policiers », même s’iels « comprennent » qu’il peut être « difficile et aliénant [pour certains] d’en être témoins ». [8]

Le groupe d’entraide juridique Green and Black Cross (GBC) a déclaré que, « au moins pour l’instant », ils « se retirent du soutien apporté à l’organisation Extinction Rebellion » .

Ce n’est pas la naïveté d’une nouvelle organisation, ni simplement de celleux dont le privilège les a auparavant protégés des réalités de la police, de la CPS [Service des poursuites judiciaires de la Couronne] et des prisons. Il s’agit d’une manipulation délibérée et malveillante face aux avertissements répétés d’autres groupes et de militants de XR absolument déterminés à utiliser une action directe (parfois illégale) pour éviter une nouvelle crise écologique. Dans une déclaration qui montre clairement l’impunité avec laquelle les dirigeants de XR pensent agir, le groupe d’entraide juridique Green and Black Cross (GBC) a déclaré que, « au moins pour l’instant », ils « se retirent du soutien apporté à l’organisation Extinction Rebellion ».

Comme GBC l’indique clairement, les conséquences de cette situation s’étendent à d’autres organisations qui travaillent avec XR, et à celles qui cherchent également à utiliser l’action directe pour créer un rapport de force sur la justice écologique en dehors ou après XR. Ces malentendus et ces fausses déclarations révèlent également la position privilégiée à partir de laquelle XR exerce ses activités et présume que les personnes qui participent à ses actions partagent sa responsabilité. L’un de leurs " 10 principes de travail " peut être d’atténuer activement les rapports de pouvoir, mais cela facilite activement leurs abus.

Pour sa part, Hallam affirme que l’opposition à la police est fondée sur des « raisons idéologiques »

Pour sa part, Hallam affirme que l’opposition à la police est fondée sur des « raisons idéologiques ». Nous ne sommes pas en désaccord en soi, mais alors que pour nous l’idéologie est une manière de comprendre le monde basée sur l’expérience et la compréhension critique (et quelque chose dont personne ne peut se passer), pour lui c’est un ensemble dogmatique d’hypothèses qui empêchent une véritable compréhension. Il affirme, par exemple, que l’idéologie empêche trop de gens de comprendre que « la police peut être coopérative dans des circonstances particulières » et de « tirer parti des nouvelles possibilités » qui découlent de cette compréhension. Le seul dogme détaché des faits est le sien.

La violence policière prend principalement deux formes étroitement liées : la répression des mouvements de masse qui menacent les divisions de la richesse et du pouvoir dans notre société ; et les actes quotidiens de harcèlement, d’intimidation et de violence plus explicite qui sont médiés par et au travers de la classe, la race, le sexe, la santé mentale et physique, le statut migratoire (perçu), la validité, la richesse et la sexualité. Alors que la première est plus directement pertinente pour une critique de XR, tout comme ce sur quoi nous nous concentrons principalement ici, nous pensons que leur inattention à l’égard de la seconde témoigne de leur incapacité à développer un mouvement en faveur de l’épanouissement écologique ouvert à et dirigé par celleux qui sont confrontés de manière disproportionnée à la crise écologique (c’est-à-dire précisément les personnes les plus exposées à la violence policière, tant structurelle que physique).

Pour la police, les individus “menaçants” sont toujours considérés comme des membres d’une collectivité plus large qui remet en question le statu quo

Il est également important de comprendre comment ces deux formes de violence sont intimement liées : pour la police, les individus “menaçants” sont toujours considérés comme des membres d’une collectivité plus large qui remet en question le statu quo. Les “suspects” noirs ne sont jamais de simples suspects, mais des membres potentiels de grandes entreprises criminelles. Le but du maintien de l’ordre est donc la discipline collective et la punition de ces collectifs menaçants (réels ou perçus). C’est ce qu’on peut voir dans le récit de Sam Swann sur les manifestants de XR qui ont signalé à la police « deux jeunes hommes » soupçonnés de vol à la tire : ils ont ensuite été soumis à des vérifications de leur statut d’immigration. [9] Ce processus de racialisation et de criminalisation est exemplaire de la façon dont la police catégorise les gens afin d’exercer un contrôle social et fait partie d’une taxonomie de la violence qui relie le maintien de l’ordre au quotidien aux méthodes plus extraordinaires utilisées pour faire face aux manifestations. Que XR ne parviennent pas à comprendre cela est rendu évident par leur lamentation sur le fait que les coupes dans les budgets de la police entravent la lutte contre les attaques au couteau. Les tactiques utilisées par la police pour s’attaquer ostensiblement à ce problème – contrôles, fouilles et autres formes d’intimidation, de harcèlement et d’agression des jeunes Noirs - font, en fait, partie du problème et ne fonctionnent pas. Pourquoi XR n’offre-t-elle pas plutôt solidarité et soutien à des groupes comme la London Campaign Against Police et State Violence, qui organisent des ateliers communautaires pour explorer les questions de violence chez les jeunes ?

[...] [10] (Ce passage parle de la police en général plutôt que de XR en particulier. Il est disponible en notes de bas de page.)

Les expériences d’arrestation, quant à elles, sont souvent loin de l’expérience monastique épiphanique vantée par XR. Les personnes arrêtées sont souvent détenues le plus longtemps possible sans inculpation, des heures d’isolement et d’inconfort dans une cellule n’étant brisées que par un entretien. Ces entretiens servent à la fois à recueillir des renseignements sur la manifestation et à voir si des informations peuvent être extraites qui pourraient donner lieu à des poursuites. En encourageant les personnes arrêtées à discuter de leurs intentions avec les policiers, XR les expose, eux et d’autres personnes, à de sérieux risques de poursuites judiciaires : Netpol et GBC donnent des conseils beaucoup plus judicieux à ces derniers, qui font remarquer qu’il n’existe « pas de conversation amicale avec un policier. Tout ce que vous dites peut et sera probablement utilisé comme preuve » , comme le confirme cet important fil Twitter de Ben Smoke, accusé de terrorisme après avoir interrompu un vol charter de déportation en 2017. La police recueillera également d’autres preuves à partir de tout dispositif électronique que vous avez sur vous au moment de votre arrestation, refusant souvent de les retourner sans raison valable pendant plusieurs mois. Cela inclue les contacts, ce qui signifie que la police obtiendra des informations même sur les personnes qui n’ont pas été arrêtées. Le refus de XR d’utiliser des services de messagerie cryptés lorsqu’ils discutent des actions les aidera de manière significative dans ce domaine.

Leur conseil sur la prison est également dangereux : il ne s’agit pas, bien sûr, d’une retraite pédagogique, mais d’un lieu violent et déshumanisant

La stratégie temporelle de l’État se poursuit lorsque la libération sous caution est accordée (souvent assortie de conditions ridiculement draconiennes), lorsque les militant.es sont libérés loin de chez eux dans les petites heures du matin et, lorsque des poursuites sont engagées, en attendant le procès et la procédure judiciaire. Au moment de leur dernière action, XR prétendait que si vous plaidiez non coupable à des accusations de comparution en cour, vous ne pouviez être détenu en détention préventive que pendant " environ 14 jours au maximum ". C’est une erreur : vous pouvez être en détention provisoire jusqu’au procès, ce qui peut prendre des mois. Leur conseil sur la prison est également dangereux : il ne s’agit pas, bien sûr, d’une retraite pédagogique, mais d’un lieu violent et déshumanisant. [11] Nous invitons tous les sceptiques à lire cet excellent article de l’ancien prisonnier D Hunter dans The Independent (avertissement : viol). Comme nous, Hunter convient que l’action directe est nécessaire pour lutter contre le changement climatique, mais iel affirme qu’iel « ne peut pas comprendre une analyse où le système carcéral est utilisé comme un outil pour défendre l’environnement ». Pour elleux, comme pour tant d’autres, la prison était un espace de traumatisme, d’agression sexuelle, de pauvreté et de violence.

Étonnamment, les informations accessibles au public de XR ne contiennent aucune référence à un soutien continu pour les personnes accusées ou condamnées

Étonnamment, les informations accessibles au public de XR ne contiennent aucune référence à un soutien continu pour les personnes accusées ou condamnées, et un bulletin interne de XR a révélé que les dirigeants de XR ont, à la consternation des groupes locaux, décidé de ne dépenser aucun des fonds (considérables) de XR pour fournir un soutien juridique. Il s’agit là d’un stupéfiant manquement à leurs obligations et, comme nous le développerons dans la dernière partie de cette critique, il soulève de sérieuses questions sur les processus décisionnels et les structures de pouvoir de XR, qui permettent aux figures centrales d’exercer un pouvoir à l’échelle nationale grâce aux risques encourus et aux coûts engagés par les membres locaux.

Même en l’absence d’accusations, la police aura recueilli des quantités importantes de données pour chaque arrestation : ajouts aux bases de données sur “l’extrémisme intérieur” , stockage de l’ADN et partage de l’information avec les forces policières dans tout le pays. Non seulement cela peut conduire à des actes d’intimidation comme ceux décrits ci-dessus, mais cela facilitera aussi le maintien de l’ordre (et le dépôt d’accusations) lors de manifestations ultérieures : les conséquences pour l’avenir à long terme des manifestations de masse dans ce pays sont donc menacées.

Ce n’est pas la lutte dont nous avons besoin

Ce ne sont pas les tactiques d’une institution qui peut être “subvertie”. La police et l’administration pénitentiaire ne seront pas conquises par des discussions polies, ni par une vague de sympathie à l’égard des manifestants écologistes. L’agent de police peut être curieux, voire sympathique, mais même lorsque de tels sentiments ne sont pas simplement un prétexte offert au service de la collecte de renseignements, à moins et jusqu’à ce qu’il cesse d’être policier/gardien de prison, il sera incapable d’apporter un changement positif. Au contraire, ils continueront à faire partie d’institutions qui, tout au long de leur histoire, ont eu recours à la violence, à l’intimidation, à la ruse et à la violence sexuelle pour empêcher ce changement positif. Bref, ils continueront d’être l’ennemi de la lutte dont nous avons si désespérément besoin. En travaillant avec eux, Extinction Rebellion s’affiche comme ne faisant pas partie de cette lutte.

Nos préoccupations ne s’arrêtent pas là. Dans la deuxième partie de notre critique, nous expliqueront de quelle manière les dangers décrits ci-dessus apportent des avantages importants aux dirigeants de Extinction Rebellion, qui cherchent à préserver cette structure de pouvoir par un manque de redevabilité et de démocratie. Dans la troisième partie, nous explorerons les objectifs plus larges de XR, en soutenant qu’à travers leurs adhésion à l’État et au capital et la mobilisation de thèmes nativistes [12] , ils risquent de renforcer, plutôt que d’atténuer, les impacts inégaux des crises écologiques.

Notes :

[2We also note that many involved in XR have offered their own critiques (see Gill Wescott’s letter), though some have felt it necessary to leave Extinction Rebellion altogether and join groups like Green Anti-Capitalist Front.

[3This includes the widely-read open letter and list of demands produced by a range of groups led by Wretched of the Earth (though we find its political horizons somewhat limiting) ; Leah Cowan’s excellent essay for Gal-Dem, which focuses on XR’s whiteness, and Minne Rahman’s more sympathetic critique along similar lines ; Ben Smoke and D Hunter on XR and prisons [trigger warning for rape in the second link] ; and Ben Smoke and Punk Academic on the police (we are particularly opposed to the use of Fisher’s entirely unhelpful ‘Vampire Castle’ metaphor in the latter of these) ; and Doerthe Rosenow on the need to engage with the coloniality of ecological crisis rather than declare an undifferentiated imminent ‘extinction’.

[5Le Metropolitan Police Service (généralement connu sous son ancien nom officiel de Metropolitan Police, ou plus familièrement en tant que The Met) est la force territoriale de police responsable du Grand Londres à l’exception de la Cité de Londres, qui a sa propre force de police : City of London Police. Wikipédia

[7XR gestures towards different approaches to the police in other countries, writing in their FAQ that ‘We are making the strategic decision in some countries (including the UK) to liaise with the police, believing this will be more likely to support our goals. This is for specific countries to figure out, taking into consideration their own circumstances and the potential strategic opportunities that have been described.’

[8This speaks to XR’s concern for optics, and their desire to appeal to ‘normal’ or ‘ordinary’ people, which we criticize in the second part of this critique.

[95.
Any mass protest is likely to attract people who, at best, have a limited understanding of the roles, functions and methods used by the police, and so we reference this not to condemn XR once-and-for-all, but rather to point to the dangers their attitudes to the police place people in.

[10La répression des mouvements de masse elle-même prend plusieurs formes. Elle a joué un rôle important dans la fin du dernier mouvement de masse soutenu pour la justice écologique au Royaume-Uni, qui s’est articulé autour d’une série de " Camps for Climate Action " entre 2006 et 2010. Rien dans l’histoire du maintien de l’ordre n’indique que cela puisse être atténué en étant “poli” et en parlant à la police de vos objectifs. Au contraire, une telle réponse aidera la police à atteindre son but : le maintien ou l’intensification du statu quo. C’est ce qui ressort clairement des propos enthousiastes de la police qui parle d’un nombre plus élevé d’arrestations lors de futures manifestations, de son désir de voir les personnes arrêtées de XR inculpées et de son lobbying en faveur de lois anti-manifestations plus draconiennes. Cette approche a reçu le soutien de l’influent groupe de réflexion de centre-droit Policy Exchange, qui préconise de traiter XR comme un « groupe anarchiste extrémiste » et de mettre un terme à l’approche “soft touch” actuelle.

L’un des camps les plus importants pour la justice climatique a eu lieu pendant les manifestations de 2009 contre le Sommet du G20 à Londres. Au cours de ces manifestations, la police a utilisé 25 agents infiltrés, dont au moins certains ont agi en tant qu’agents provocateurs, ont provoqué des nasses brutales et illégales, agressé de nombreux manifestant.es et tué “illégalement” Ian Tomlinson, un vendeur de journaux qui passait dans les manifestations (sans toutefois y participer). Il est mort d’une crise cardiaque après avoir été attaqué à coups de matraque par le policier Simon Harwood, qui avait déjà commis des actes de brutalité ce jour-là et qui avait déjà fait l’objet de dix plaintes pour sa conduite en douze ans de travail policier Le fait qu’il ait été autorisé à continuer d’assurer le maintien de l’ordre à la lumière de ces plaintes - dont l’une avait mené à sa démission de la police de Surrey avant de se joindre au Met - indique clairement qu’il n’était pas simplement une “mauvaise pomme”, mais un voyou violent dont les agissements ont été rendu possible par un système violent. La police a continué à défendre Harwood après la mort de Tomlinson, dont elle a rejeté la responsabilité sur les « manifestants violents » jusqu’à ce que la vidéo qu’elle tenta de supprimer démontre le contraire.

Suite à la mauvaise publicité subséquente, l’inspecteur de la police de Sa Majesté (soi-disant indépendant, mais proche de la police et dirigé à l’époque par un ancien policier) a produit un rapport recommandant que la police adopte une approche apparemment plus amicale pour contrôler les manifestations. L’un des éléments de ce processus a été l’introduction des « agents de liaison de la police » (OLP). Pour les manifestant.es sur le terrain, il s’agit souvent de flics amicaux et bavards qui s’intéressent vraiment à ce que vous faites et pourquoi vous le faites. En fait, c’est l’un de ces agents auxquels Hallam parle dans la vidéo du pont de Lambeth mentionnée ci-dessus, et à qui nous supposons qu’il fait référence lorsqu’il parle d’une « équipe professionnelle de gars qui vont aux manifestations sociales ». Pourtant, comme le note Netpol, la fonction première des OLP est de recueillir des informations sur les manifestations, qui sont ensuite utilisées pour aider la police à planifier sa réponse (souvent brutale). Ils diffusent aussi souvent de la désinformation visant à réduire l’efficacité d’une manifestation, à y mettre fin ou à faire arrêter des manifestants. Lors des manifestations de 2014 contre le gaz de schiste à Balcombe dans le Sussex, la police a admis] que les preuves recueillies par les OLP les avaient aidés à réprimer l’escalade des manifestations. Les OLP ont également été utilisés pour harceler les militants chez elleux. Des observateurs juridiques efficaces sur le terrain lors des manifestations peuvent informer les gens de leur véritable rôle, mais les observateurs « insuffisamment formé » de XR transmettent des informations à la police eux-mêmes et sont potentiellement « pires que l’absence d’observateurs juridiques ».

Il convient également de noter que la police “professionnelle” et “civilisée” de XR a dévasté la vie de nombreuses personnes qui se battent pour l’écologie en utilisant des espions. Ces agents infiltrés ont infiltré de nombreux groupes de militants à travers le pays (souvent par le biais de relations sexuelles avec des activistes), où ils ont joué un rôle en organisant des manifestations et en encourageant la violence, et ont fourni des informations aux commandants afin que des arrestations massives spectaculaires puissent être effectuées (et largement médiatisées, afin d’enrayer la participation militante des gens par la peur). Grâce à l’espionnage de policiers en civil et à ces arrestations, la police recueille une quantité extraordinaire de preuves sur des militants, des réseaux, des tactiques, des stratégies, des cibles et des sources de financement individuels.

Le harcèlement des militant.es par la police prend un certain nombre d’autres formes. Le Blacklist Support Group a récemment révélé que des militant.es ont été harcelé.es par la police alors qu’iels se préparaient à une nouvelle enquête publique. « Depuis un certain temps, la police métropolitaine visite les maisons des militant.es à l’improviste et envoie des lettres demandant aux gens de les contacter au sujet des policiers infiltrés qui nous surveillaient », écrivent-ils.

Beth Granter, une militante queer anti-austérité, a décrit le harcèlement qu’elle a subi de la part de la police de Sussex entre 2012 et 2014 : ils ont parlé à son patron au téléphone et l’ont menacée de la tenir responsable pour " crime et désordre " dans des événements auxquels elle n’était pas associée. Les familles d’élèves qui revendiquent leurs sympathies antifascistes sont aujourd’hui confrontées aux mêmes tactiques d’intimidation de la police antiterroriste.

[11It’s also wrong, ludicrously so : XR have stated that ‘most...prison officers are black’ (of the 65% of officers who had recorded an ethnicity as of March 2018, 94% are white).

[12Le nativisme est la politique consistant à promouvoir les intérêts des personnes natives d’un endroit contre ceux des personnes immigrantes, y compris par l’usage de mesures anti-immigration - Traduit de Wikipédia

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