Féministes contre l’armement du génocide : retour sur la manifestation à Marseille

Répondant à l’appel de Paris, le 8 octobre un rassemblement puis une manifestation spontanée de 500 personnes ont eu lieu la nuit tombée depuis la Belle de Mai. Parce que s’opposer à l’armement du génocide en Palestine est un combat féministe et décolonial ! Un retour sur la marche, et le texte marseillais !

Stop, stop stop, arming Israel !

C’est donc suite à la tribune parue dans Politis, proposée par AG Féministe Paris Banlieue et les premiers signataires, que de nombreux collectifs féministes et allié·es de la lutte ont répondu le 8 octobre à 19h à République à Paris. Plus de 1000 personnes se sont recueillis avant de marcher jusqu’à Bastille.

À Marseille, un rassemblement appelé par des féministes décoloniales, Stop Arming Israel_13 et l’AG féministe Marseille-M8M, s’est donné rendez-vous place Cadenat. Des images suspendues de personnes assassinées méthodiquement depuis un an, phase finale d’un nettoyage ethnique qui dure depuis 75 ans, font présence. Car "ce sont des visages, non des nombres". Des prises de paroles du collectif Tsedek Marseille, BDS et Révolution Permanente réunissent les gens. Celles-ci rappellent l’incarcération des enfants palestiniens d’une part et la nécessité d’ancrer la lutte anticapitaliste localement d’autre part. L’argent utilisé dans l’armement devrait parvenir aux hôpitaux, écoles, et toute structure servant nos intérêts communs.

"Nous sommes fortes, nous sommes fières ! et féministes, antisionistes, contre les guerres !"

Environ 300 personnes se sont élancées en marche spontanée et décoloniale de nuit. Aux sons des voix des femmes* le voisinage répond aux fenêtres du quartier de la Belle de Mai. Des passant·es joignent la marche qui prend désormais les trottoirs. Depuis Mouronval, rue Belle de Mai, jusqu’au boulevard national, les klaxons et les slogans prennent l’espace de la nuit. Ce sont des slogans internationalistes qui sont scandés, mettant en lumière les résistances et l’histoire des luttes : "Vietnam, Algérie, Palestine vaincra aussi !", "Du Kurdistan à Gaza, Résistance !"

Une société locale, Eurolinks, a expédié fin octobre 2023 des maillons pour les armes automatiques, servant dans les massacres en cours. Une enquête relayée sur MarsActu et Disclose expose les contradictions du gouvernement fin mars 2024. Une manifestation devant Eurolinks le 1er Avril a réuni une coordination de collectifs et plus de 500 personnes !

"Du Congo, à Gaza ! Féministes contre les guerres !"

"De l’argent pour la santé, pas pour les armes !"

« Ils pillent l’Afrique, pour fabriquer des armes, et assassinent nos soeurs en Palestine »

« Vietnam - Algérie, Palestine vaincra aussi ! »

Communiqué local

Arrêté·es sur les marches de la gare Saint Charles, un communiqué local est lu, exprimant des nuances à l’appel parisien, depuis le champ d’expérience intime des féministes racisées marseillaises.

Camarades,

Nous parlons ce soir au nom de Stop Arming Israel . Cette campagne répond à l’appel des syndicats palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, qui nous demandent de lutter localement contre la production et le commerce d’armes à destination d’Israël.
Aujourd’hui plus que jamais, avec l’invasion du Liban et l’escalade régionale, nous avons besoin de vous toutes et tous pour faire front !

Vous le savez peut-être, la France a une longue histoire de coopération militaire avec l’Etat sioniste. N’oublions pas que c’est elle qui l’a doté de l’arme nucléaire !!
Dans l’autre sens, la police française n’a pas hésité à demander l’assistance d’Israël pour faire face aux révoltes après le meurtre de Nahel. Sans parler des logiciels israéliens de vidéo-surveillance et de reconnaissance faciale, que la France utilise pour livrer sa guerre interne contre les ennemis du capitalisme. On voit ici le rôle central d’Israël dans la fascisation de tous les pays occidentaux.

Vous avez sûrement entendu avec soulagement que Macron vient de suspendre les envois d’armes françaises vers Israël : ce ne sont que des effets d’annonce, démentis dans la foulée ! Aussitôt après la déclaration du président, l’Elysée a publié un communiqué officiel pour préciser que la France continuera d’exporter des composants, je cite, “nécessaires à la défense d’Israël”. Or nous savons ce qu’est la soi-disant “défense” d’Israël : ni + ni - qu’une entreprise coloniale et génocidaire, qui a vocation à s’étendre sur toute l’Asie de l’Ouest et détruire les peuples arabes !

Et n’étant pas naïfs, nous avons parfaitement compris que les composants servent à fabriquer des armes. La France a livré 30 millions d’euros d’armes à Israël en 2023, et n’a jamais prononcé d’embargo. Depuis le début du génocide, elle a vendu des pièces détachées pour des munitions de mitrailleuses, et des composants électroniques utilisés sur des drones tueurs, via Thalès.
Le salon de l’armement Eurosatory, qui se tenait à Paris au début de l’été, devait recevoir plus de 70 exposants israéliens, aux yeux du monde entier : alors imaginez l’ampleur réelle de la collaboration entre les deux Etats, quand on sait l’absence de transparence totale autour de ces enjeux.

N’oubliez pas qu’ici même, à Marseille, l’entreprise Eurolinks a fourni à Israël
les munitions utilisées pour le massacre de la farine. Le 29 février 2024, à 4 heures du matin dans la ville de Gaza, des centaines personnes tentaient d’accéder à des convois d’aide alimentaire, lorsque les soldats israéliens ont ouvert le feu sur la foule. Le massacre de la farine a fait au moins 112 morts et 760 blessés, avec des pièces qui venaient de Marseille !!!!
Marseillaises, nous avons la responsabilité d’informer et de fédérer contre Eurolinks, de leur demander des comptes, et d’obtenir, à minima, la fin de toute complicité locale avec Israël, si ce n’est la fermeture de l’usine, car nous ne trouverons le repos que lorsque les armes se seront tues et que l’auto-détermination sera rétablie, non seulement en Palestine, mais dans tous les pays du Sud !

Nous sommes réunies aujourd’hui pour affirmer le soutien des femmes et des personnes queer aux luttes de libération palestinienne et libanaise.

Le féminisme, en temps que lutte politique pour le démantèlement du capitalisme patriarcal, en temps qu’appel vibrant à l’égalité, la justice et la vie, n’existe pas en dehors d’un contexte global, qu’il doit incorporer à ses revendications ; c’est pourquoi il ne peut être que contre l’armement et contre l’impérialisme !

Mais ne soyons pas naïves ; sachons que partout où notre lutte est instrumentalisée par l’Etat
, il y a aussi de la complicité, et certaines femmes sont actrices de ce détournement colonial de nos luttes, parce qu’elles y voient un intérêt. Cela nous donne une responsabilité historique.
Nous devons regarder en face ce détournement, et si nous ne voulons pas que féminisme devienne égal à fémonationalisme, nous devons crier plus fort ! Plus fort que le féminisme blanc, plus fort que les campagnes publicitaires d’Israël qui se fait passer pour libérateur des LGBT, plus fort que celles qui ne se servent du féminisme que pour attaquer les ennemis des Etats Unis comme l’Iran, plus fort que les Terf, plus fort que toutes celles et ceux qui utilisent les droits des femmes à des fins suprémacistes !!!

Nous parlons aujourd’hui des femmes victimes de l’Etat sioniste. Nous parlons des femmes agressées sexuellement dans les geôles israéliennes, ou qui accouchent au milieu des ruines, dans des tentes, parfois inondées, sans accès à des produits d’hygiène de première nécessité. Nous parlons de leur souffrance, mais aussi de leur courage, de leur dignité immense !

Et les ami.es, nous voulons clarifier quelque chose aujourd’hui. Nous ne vous donnerons pas de pourcentage de victimes femmes et enfants, parce que nous refusons de participer à la déshumanisation des hommes palestiniens et libanais, et à la normalisation de leur mort, et par la même occasion l’infantilisation des femmes arabes.
Nous refusons un récit qui présente les femmes et les enfants comme des civils, et les hommes comme des terroristes potentiels. Nous rappelons d’ailleurs qu’en contexte colonial, la division entre civil et militaire ne fait plus sens : d’un côté les colons sont massivement armés, occupent des terres et harcèlent les Palestiniens, et de l’autre côté, tous les colonisés sont des proies, et tous les colonisés résistent !
Notre féminisme se range aux côtés des femmes du Sud  ; c’est pourquoi il défend le droit de vivre pour les hommes de leur communauté, et il défend une vision des femmes palestiniennes, non pas comme des êtres passifs et innocents, mais comme des résistantes !

Aujourd’hui, si nous voulons soutenir nos soeurs, nous ne pouvons nous arrêter à de beaux discours. Nous devons nous attaquer à l’Empire colonial, et pour cela il faut le désarmer ! Rejoignez-nous : vous êtes légitimes. Nous avons besoin de force pour démanteler les armes et mettre fin à la suprématie blanche.
Face à l’horreur dans laquelle le monde plonge sous nos yeux, l’espoir est radical, et il sera notre arme la plus subversive, la plus révolutionnaire, la plus irruptive et la plus fulgurante.

Du Congo en Martinique, du Soudan à Gaza, de Kanaky au Yémen, du Tigré au Liban, résistance, résistance !

A Paris, une marche unitaire du corps politique

À Paris, une minute de silence et des prises de paroles ont eu lieu avant la marche jusqu’à Bastille. Une minute de recueillement a fait honneur aux victimes à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, permettant ensemble, de mesurer l’ampleur des massacres. Des photos étaient imprimées. Des interventions du collectif juif Tsedek et de Urgence Palestine, ont suivi la lecture du texte de l’appel, avec de même AG Féministe Paris Banlieue et NousToutes.

La nécessité de revenir sur le femonationalisme, le pinkwashing et l’instrumentalisation des luttes contre le patriarcat à des fins nationalistes et islamophobes est toujours d’actualité. L’appel énonce le parallèle avec la situation en Kanaky et Martinique dans le choix répressif du gouvernement, et invite à un front décolonial depuis nos espaces d’organisations. Après 75 ans de préression, des années d’enfermement derrière les murs de Gaza, et un génocide piloté par l’intelligence artificielle sous nos yeux, le corps de lutte se doit de trouver une voie.

La manifestation parisienne a voulu poser l’unité de la lutte contre toute instrumentalisation du féminisme et la nécessité de suivre le mouvement intersectionnel mondial en cours. Comme à Melbourne le 11 septembre, où 25 000 personnes se sont opposées à une convention de l’industrie de l’armement, réunissant collectifs indigènes, féministes et syndicalistes. L’appel nous convie à nous pencher sur les luttes féministes ailleurs, comme aux USA où des activistes dérangent et occupent les lieux et conférences. Cela s’inscrit dans la continuité des collectifs féministes décoloniaux d’Abaya-Yala (amériques), ayant fourni un narratif brillant exprimant sous forme de manifeste pourquoi la Palestine est une cause féministe (<Acción Global Feminista).

Le collectif national StopArmingIsrael, qui se mobilise depuis un an pour relayer l’appel des syndicats palestiniens demandant aux syndicats et ouvriers du monde d’enrayer la machine de la mort, nous rappelle que le combat peut se construire depuis l’intérieur des usines. Alors même que Macron se targue de se ranger du côté de la fin de l’armement, la France continue d’exporter du matériel militaire et de proposer des places en salon d’expositions à des entreprises israeliennes.
Un site de ressources, avec tracts imprimables et la cartographie locale des entreprises a été mis en ligne par le groupe.

Des moments forts pour un partage nécessaire, en cette période sombre, ouvrant à des conversations sur des perspectives proches. Ailleurs, à Nice et Bordeaux, des rassemblements ont eu lieu de même.

*** Rejoignez la campagne locale à Marseille ! ***

*** Restons à l’écoute des prochains rendez-vous***

Rappel des premiers signataires :

Assemblée Féministe Paris-Banlieue, #Nous Toutes, Coordination Féministe, Attac France, Tsedek !, UJFP, Stop Arming Israël France, Urgence Palestine Campagne BDS France, Parti Ouvrier Indépendant (POI ), Organisation de Solidarité Trans, Union Communiste Libertaire, Mouvement National Lycéen, Mécréantes, Féministes Révolutionnaires Paris, Révolution Permanente, Du Pain et Des Roses, Mouvement des Mères Isolées, Relève Féministe, Manifesto XXI, STRASS, Kessem Juives Décoloniales, Fédération Nationale de la Libre Pensée, Stop Fuelling War, Emancipation tendance intersyndicale, Friction Magazine, Révolution Ecologique pour le Vivant, Observatoire du Racisme en Politique, L’Union Etudiante, Les Effronté-e-s, Fiert’Essone, Héro-ïnes 95, Collages Féminicides Paris, Sud Education Paris, FIDL 93, Marche Féministe Antiraciste, Jeune Garde Paris, Feminists For Jina Paris, Les Mariannes Anonymes, #Nous Toutes Paris Nord, Nous Toutes comité local Paris 13/14, Nous Toutes 93 antiraciste, Embrase le monde, Colectivo Argentina en Lucha, ZORA, Syndicat CGT Energie Paris, Label Gouine*, Nous Toutes Paris 15-16, Collectif Cases Rebelles, Assemblée Féministe Transnationale, SAMBA, Comité Palestine Mines Paris, TEJE, Collectif Abya Yala Ivry, FLED, Lallab, Allumeuses, Afrofem Marseille, FLED, Transat, Trans Vnr13, Bad Boys, Agate, Armoise et Salamandre. Corps et politiques, Citoyennetés pour la Paix de Colombie-France, Marseille 8 Mars AG Féministe, Lesbiennes à l’antenne, Allo Garage Marseille, Discordance, Gang des gazières, Travailleuses du sexe contre les Guerres, GrrrAF, Stop Arming Israël 13, Antifa Social Club Marseille, Marseille contre Darmanin, Utopia Traductions, Nous Toutes 38, Soulèvements de la Terre – Marseille, Centre LGBTQIA+ Marseille, Nous Toutes Rouen, Mask Bloc Lyon, 1001 Lesbiennes et Queer, Quidam-es, Révolution Féministe Versailles, Collages Féministes Marseilles, Collages Féministes Clermont-Ferrand, Les Debuteuses, Insonomia,Collectif Lillois de Luttes Féministes, Sexpair, Nous Toutes 94

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