Réfléchir
Rien de plus dur que dans une situation de stress, où nos vies, ou celles de personnes qui nous sont chères peuvent être en danger et où l’état referme l’étau qui lui sert à tenir en place, de réfléchir sereinement. C’est pourtant une chose que l’on devra savoir faire si l’on souhaite vivre, un jour, sans médiation avec le monde. Il nous faudra donc, chacun.e à notre façon, être capable de ne pas nier les risques de la situation actuelle, comme des futures (économique et sociale), ainsi que leurs liens entre elles, sans toutefois céder à la panique et tomber dans l’anxiété ambiante, savoir évacuer le stress auquel nous sommes toustes soumis.e.s, tout en sachant assimiler les informations nécessaires pour une réaction appropriée.
En l’état actuel des choses nous en sommes donc remis.es à écouter les professionnel.les de santé sur les précautions à prendre et les comportements à adopter. Bien que cela puissent être politiquement condamnable de par la soumission envers un corps social spécifique, nous n’avons pas les moyens d’accès aux connaissances nécessaires permettant à chaque individu d’agir librement. Cette situation questionne notre rapport à l’autorité, et plus spécifiquement celle qui a été nommée par le passé comme « légitime », celle de la personne qui sait sur la personne qui ne sait pas. Bien que le terme légitime est, pour moi, critiquable, la question reste de savoir « Comment permettre à chaque individu d’être libre d’agir en société, alors même que nous ne serons jamais capable de tout connaître de notre propre situation ? »
La réponse se trouvera dans les institutions de contre-pouvoir que nous mettrons en place, mais tant que cette question ne sera pas plus avancée au sein du milieu révolutionnaire, nous ne pourrons que nous remettre à un corps social spécifique, ici les soignant.e.s et autres professionnel.les de la santé. Cette question permettra d’élucider deux problèmes, l’un individuel qui est de permettre à chaque individu.e de ne pas se retrouver démuni.e devant une situation, l’autre collectif qui est d’agir à grande échelle en dehors de l’État, et cela même si une partie de nos actes sont ce qui est demandé par l’État. Quels moyens mettre en place pour penser de façon sereine en étant le moins possible pollué par le discours étatique et donc autoritaire ?
Agir
Une fois l’ascenseur émotionnel et la réflexion passés, il faudra agir chacun.e en fonction de notre éthique, seule l’individualité peut permettre d’agir librement. Dans la période actuelle, nous avons la chance de ne pas être les premier.e.s face au problème, nous pouvons nous inspirer de ce qui a déjà été mis en place dans les autres pays. Trois axes semblent avoir été dégagés pour l’instant :
- la solidarité : l’organisation de réseaux de solidarité directs pour les personnes isolées, distribution de nourriture, aide aux personnes ne parlant pas français ou les plus isolées à circuler, aide aux soigant.e.s pour la garde des enfants et une forte attention sur la véracité des informations transmises que ça soit par internet ou IRL
- la prévention : par la lutte, et actuellement la grève et le droit de retrait, forcer le gouvernement à protéger toute personne pouvant être contaminée et donc l’indemniser, que ça soit avec l’argent de l’Etat ou des entreprises ceci n’est pas notre problème, afin que la vie des travailleur.euses ne souffre d’une crise créé par le capital
- l’amusement : afin que cette période bizarre ne soit pas un traumatisme pour certain.es d’entre nous, l’amusement reste le meilleur des remèdes.
Nous n’aurons pas de réponse toute faite face à l’épidémie et à la réaction de l’État. Les réponses seront à trouver par nous même en fonction de nos situations locales, et leurs évolutions. Les réponses à trouver ne doivent pas être des solutions spécifiques au confinement et l’épidémie, mais doivent s’ancrer dans les dynamiques globales en cours, la contre-révolution libérale et les agitations populaires récentes, s’appuyer sur ce qui a été créé les derniers mois, et les renforcer.
Prévoir
Nos actions dans ces temps conditionneront les situations dans lesquelles nous serons plus tard. Cet état d’exception n’est pas un moment extérieur de ce qui se passait avant, ni de ce qui se passera plus tard, mais bien une continuité. Il me semble y avoir deux enchaînements possibles, soit l’Etat se retrouvera renforcé et parviendra à faire croire que sa gestion a été suffisante, soit il en sortira amoindri, et des comptes devront être rendus. Au vu de la situation sociale précédant l’épidémie, il semble important de ne pas faire confiance à l’Etat, lui montrer qu’il n’a aucune légitimité à gérer nos vies, pour permettre à un maximum de personne de s’en détacher. Les hôpitaux ont d’ores et déjà ouvert la voie avec la phrase, reprise sur les réseaux sociaux : « Vous pouvez comptez sur nous, mais l’inverse reste à prouver ».
Les contestations ne doivent clairement plus s’arrêter aux retraites, mais bien penser un système social que l’on souhaite et l’imposer, mettre Macron et ses prédécesseurs face à leur responsabilité d’avoir créé la situation que l’on connaît actuellement, par l’organisation mondiale qui a permis au virus de se développer de cette façon et notre incapacité à ravitailler en matériel de soin, par la destruction des organismes de santé publics, rendant les conséquences bien plus graves qu’elles n’auraient pu l’être.
La prochaine étape sera de faire face à l’écrasement social qui sera la conséquence de la crise économique qui a déjà eu lieu. Nous avons été incapables de faire face à la précédente crise, les États, les organisations trans-nationales et les entreprises l’ont même utilisé afin de privatiser encore plus d’espaces et de secteurs alors même que le problème venait du secteur privé. L’avenir semble encore bien incertain pour pouvoir imaginer des actions, mais l’internationalisme sera sûrement notre meilleure option afin de faire face à la prédation privée et au repli communautaire et nationaliste qui essayeront de gagner du terrain dans cette situation trouble.