Le retour du cortège de tête... et des dissociations

Des milliers de manifestant-e-s ont de nouveau arpenté les rues de la cité phocéenne ce 23 juin, tandis qu’une grande farce et mascarade se déroule à Paris dans l’après-midi. A Marseille, on a de nouveau vu un cortège de tête dans la manif, alors qu’il avait été absent ces dernières semaines. Et ce qu’il semble, c’est qu’il va y avoir un gros travail de lutte contre la dissociation à faire dans les temps qui viennent.

Sur le bilan, pas de grande surprise. Tout était réglé pour que rien ne se passe. Le rendez-vous au Vieux Port, le SO de la CGT en grand nombre, les opérations médiatiques, le trajet plus que fait...

Quand bien même, un cortège de tête s’est constitué devant la manifestation, réunissant jusqu’à environ 200 personnes à son point culminant, et devancé par deux banderoles : la désormais célèbre "Jeunes 13 énervés" et une petite nouvelle, qui arborait fièrement "On veut tout et on l’aura". Sans que cela n’étonne personne, la CGT traîne la patte et laisse les gens prendre de l’avance en permanence. C’est quand même impressionant à quel point partout en France, les syndicats se dissocient de celles et ceux qui pendant deux mois ont fait monter la pression dans de nombreuses villes de France, quand il n’y avait encore ni grèves ni blocages, ou si peu, et qu’ils s’évertuent à traiter les cortèges de têtes, autonomes, offensifs, appelons-les comme on voudra, de "méchants qui ne font pas partie de la manifestation et n’en ont jamais fait partie". Rappelons simplement que sans cette combativité, sans les cortèges de tête, le mouvement n’aurait pas forcément décollé, et que les gens qui les composent ont généralement fait plus de manifestations contre la Loi Travail que n’importe lequel des bureaucrates syndicalistes qui se prétendent les dépositaires de la lutte (qu’ils n’ont fait que suivre).

Les camions de CRS qui défilent, là encore, pas de grande surprise, même si on a pas eu droit à l’absurdité des dimensions made in Paris, où au moins 95 personnes ont été interpellées et au moins deux personnes sont en garde à vue à l’heure où nous écrivons ces lignes, dont l’une pour "port d’arme, en l’objet un couteau à beurre". Ca prêterait à rire si ce n’était pas aussi dramatique.

Bref, sur les ponts de Lieutaud, deux nouvelles banderoles sont aussi apparues : "Notre violence est gratuite parce qu’elle n’a pas de prix, ce monde est à vendre parce qu’il ne vaut rien" et "Esclavage ? Loi Travail ? (G)rêve général(e) !", dont la première finit par rejoindre le reste du cortège.

Arrivé-e-s au niveau du boulevard Salvator, surprise ! La CGT tourne à droite vers la Préfecture pour terminer la manifestation vite fait bien fait devant les grilles anti-émeutes qui y étaient installées pour l’occasion.

Une courte manifestation sauvage a tout de même eu lieu, avec le cortège autonome rejoint par la CNT notamment, qui a remonté la rue de Rome, navigué dans Noailles pour finalement bloquer le Cours Lieutaud 5 minutes au niveau de la rue de l’académie et de remonter ensuite tranquillement vers la Plaine alors que des casqués se mettaient en place sur le Cours Lieutaud. Et cette manifestation s’est finalement dispersée dans la fin du marché de la Plaine.

Quant à Paris, la mascarade de manifestation qui a eu lieu sera-t-elle considérée comme "réussie" ? Quand des fleurs sont déposées sur les camions de police, comme ça a été le cas à Paris, et que nos vaillant-e-s manifestant-e-s appellent à plus de répression contre d’autres manifestant-e-s, on se pose forcément la question du camp dans lequel ils et elles se placent.

En préférant s’allier ouvertement avec la police qu’avec les révolutionnaires (qui composent les cortèges de tête), ce n’est pas une question de méthode ou de tactiques utilisées en manifestation qui est au centre du débat, c’est une question de quel camp choisir.

Sachons reconnaître nos ennemi-e-s. Ce ne sont clairement pas celles et ceux qui s’attaquent à ce monde, ce sont au contraire celles et ceux qui le défendent et trouvent juste de mutiler, réprimer en enfermer les insurgé-e-s.
Ce sont celles et ceux qui aménagent le monde de merde dans lequel nous devons vivres chaque jour, qui font perdurer ses structures et qui en profitent. Certainement pas celles et ceux qui refusent et qui résistent aux voies que les puissant-e-s nous disent être les bonnes pour lutter contre eux.

C’est à nous de déterminer de quelle façon nous devons lutter, sans attendre de savoir si nos adversaires trouveront nos choix "légitimes", "légaux" ou toute autre chose. A partir du moment où on les bouscule, où on les dérange et les menace, ils ont toute un éventail d’armes à utiliser contre nous, ce qu’ils font.
Et la dissociation n’est pas la moindre de ces armes. La première des choses à faire est de refuser de collaborer.

Alors refusons. Et résistons.

Solidarité avec toutes les personnes arrêtées aujourd’hui et lors des épisodes précédents.
Contre la dissociation, pour la diversité des tactiques.
Nous sommes tou-te-s des casseurs, ou personne ne l’est.

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