Mani-Festin, repas de soutien aux camarades inculpés colombiens

À taaable ! Le vendredi 10 décembre à 19h30, la cantine des solidarités Mani-festin vous mijote un succulent repas à prix libre (maximum solidarité !) pour cette fois soutenir des camarades colombiens qui risquent 22 ans de taule. Cherchant à criminaliser et persécuter les militantEs, le gouvernement colombien a fait arrêter trois personnes connues pour leurs rôles dans les mobilisations sociales et leurs luttes contre les grandes entreprises minières, pétrolières et énergétiques (française, canadienne, sudafricaine…).
Victimes de montages judiciaires, elles ont aujourd’hui besoin de notre soutien pour payer des expertEs pouvant contrecarrer les preuves créées par le gouvernement.

De la défense du territoire à la prison

article adapté du PASC
Le Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC) est un collectif basé au soi-disant Canada né suite aux grandes mobilisations contre la Zone de Libre-Échange des Amériques. Depuis 2003, le PASC réalise de l’accompagnement auprès de communautés et organisations colombiennes et diffuse de l’information sur les mouvements sociaux colombiens tout en dénonçant les intérêts canadiens impliqués dans le conflit social et armé en Colombie.

L’accompagnement international représente pour le PASC un moyen de transférer leurs privilèges canadiens aux mouvements et communautés en résistance.
L’une des stratégies solidaires déployées par le PASC est celle de l’accompagnement international qui consiste à réaliser une présence physique aux côtés des militant·es sociaux, victimes de menaces politiques. La présence étrangère sur le terrain couplée aux pressions politiques exerce un effet de dissuasion face aux responsables des crimes politiques. L’accompagnement se présente donc comme un mécanisme de protection pour les acteur·rices sociaux leur permettant de poursuivre leur travail et de le légitimer aux yeux des autorités locales. L’accompagnement, en tant qu’appui politique aux processus de résistance, crée de plus un espace d’échanges en vue de tisser des liens solidaires entre les mouvements sociaux du Nord et du Sud.)

« Entre le 15 et le 16 décembre 2020, trois personnes très impliquées dans les mouvements sociaux en Colombie (qu’on nomme leaders sociaux quand on traduit de l’espagnol) ont été arrêtées : Adelso Gallo, Teofilo Acuña et Robert Daza. Ces arrestations, qui font partie d’un processus systémique de criminalisation envers les personnes qui s’opposent au système et défendent les droits humains et sociaux, se sont déroulées quelques jours à peine après la sortie de prison de Julian Gil (suite à plus de 900 jours d’incarcération encore pour des motifs arbitraires).

Qu’ont en commun ces quatre leaders sociaux ? Ils sont impliqués dans le Congrès des Peuples (Congreso de los Pueblos). Le Congrès des Peuples est un mouvement qui regroupe de nombreuses organisations sociales qui ont en commun la recherche d’une vie digne pour tout le monde et le font en construisant un pouvoir populaire.

Depuis les accords de paix entre le gouvernement et les FARC, en 2016, les assassinats de leaders sociaux ont été démesurément nombreux. Les organisations de défense des droits humains en Colombie ont identifié trois profils des leaders sociaux criminalisé·es au moyen des montages judiciaires : les personnes qui luttent pour la défense du territoire, celles qui luttent pour l’environnement et celles qui luttent pour la paix.
Les montages judicaires contre les leaders paysans Adelso Gallo, Teofilo Acuña et Robert Daza visent à désarticuler la mobilisation sociale pour la défense du territoire, de l’environnement et de la paix. Ce montage est orchestré par un gouvernement militariste qui permet aux multinationales le saccage et la contamination de la nature et qui laisse dans l’impunité les assassinats et la judiciarisation des leadeu·r·ses, ainsi que les massacres de la population.

Une des revendications du Sommet agraire, ethnique et populaire (Cumbre Agraria, etnica y popular) (un processus populaire dont fait partie le Congreso de los Pueblos) concerne le territoire et l’exploitation des ressources. Plusieurs demandes sont mises en avant pour dénoncer le système d’exploitation néolibéral actuel et pour freiner la locomotive minéro-énergétique. La Cumbre Argraria, Etnica y Popular émet des propositions pour la protection des territoires dont la mise en place de processus démocratique, un changement du modèle économique au bénéfice du développement social, un moratoire sur les projets miniers, la réversion des blocs pétroliers [1], la suspension de nouveaux projets hydroélectriques et la reconnaissance et la réparation pour les victimes des impacts de ces mégaprojets [2]

Adelso Gallo est de la région Centre-Est de la Colombie et est membre de l’Association Nationale Paysanne José Antonio Galán Zorro -ASONALCA- et de la Coordination Nationale Agraire -CNA. Adelso a participé aux différentes luttes du mouvement paysan dans la région et au niveau national et s’est également opposé fermement aux compagnies pétrolières dans la région d’Arauca. Il a notamment dénoncé les compagnies Repsol, OXY et BP devant le tribunal permanent des peuples. Ces trois compagnies, accusées aux côtés de Pacific Rubiales Energy (une entreprise pétrolière canadienne qui a changé de nom depuis) sont responsables du pillage de ressources dans la région. Déplacements forcés, contamination de l’environnement, nuisance à la faune, bris du tissu social et de l’économie locale, l’extraction du pétrole s’accompagne en plus d’une militarisation (et paramilitarisation) accrue dans la région pour assurer le contrôle des ressources. L’Arauca est une région qui bénéficie de très peu de services de l’État en matière d’éducation, santé, routes et autres services publics, mais des ressources pour militariser, ça, il y en a ! Adelso a également agi à titre de porte-parole aux tables de dialogue établies entre le mouvement social et le gouvernement national, dans le cadre du Sommet National, Agraire, Paysan, Ethnique et Populaire, après la grève nationale de 2014.

Teofilo Acuña est du sud de Bolivar. Il est porte-parole de la Commission d’Interlocution du Sud de Bolivar, du Centre et du Sud du César, du Sud du Magdalena et des processus des Santanderes et membre de la Coordination Nationale Agraire -CNA-. Teofilo est un défenseur des droits humains et un représentant de milliers de paysan·nes qui dépendent de l’exploitation minière et agricole à petite échelle. Il a défendu les territoires contre l’impact des sociétés transnationales telles qu’AngloGold Ashanti, et a participé à créer des formes alternatives de développement dans les communautés de la région, qui ont souffert de persécutions et de stigmatisations constantes. La lutte contre AngloGold Ashanti a mené à des grandes violences (déplacements de population, menaces ciblées, augmentation de la militarisation et paramilitarisation du territoire), mais les communautés continuent de résister aux mégaprojets.

Robert Daza, du Nariño, est membre du Comité pour l’intégration du massif colombien -CIMA- et de la Coordination Nationale Agraire -CNA-. Reconnu pour ses activités sociales et son organisation communautaire, son travail se caractérise par la création de projets de transition agro-écologique, un exercice d’économie solidaire avec les communautés paysannes, dans le cadre de la proposition de territoires agro-alimentaires et de gouvernances paysannes. Il est reconnu au niveau national et international pour son travail politique et social. Robert s’est notamment opposé à la Gran Colombia Gold (une entreprise minière canadienne).

Si 75% des entreprises minières sont enregistrées au Canada, c’est que l’État est complice d’un système qui vise le profit avant la dignité humaine et la justice sociale. Les trois arrestations survenues en Colombie ne sont donc pas si loin de nos réalités au soi-disant Canada. Les grandes entreprises minières, comme les pétrolières, les agro-industries et autres méga-projets minéro-énergétiques opèrent selon une même logique de destruction de l’environnement et du tissu social. Ces liens entre violations de droits humains et extractivisme, les trois camarades arrêtés les faisaient quotidiennement, que ce soit par la mobilisation dans la rue, la participation à des mouvements de grève générale nationale, les ateliers d’éducation populaire ou l’organisation d’alternatives locales et globales. Ce sont trois leaders sociaux très au courant du rôle des États comme le soi-disant Canada dans le pillage des ressources en Colombie. Certains avaient d’ailleurs dénoncé l’implication du soi-disant Canada dans la collaboration de la rédaction du code minier colombien aux profits des entreprises.

Les arrestations des trois camarades ne freineront pas les processus sociaux, tout comme les 900 jours d’incarcération de Julian Gil ne l’a pas fait taire. Les outils d’intimidation et de répression de l’État n’ont pas réussi après des années à faire disparaître les mouvements sociaux qui se lèvent pour continuer de dénoncer, mais surtout pour construire le pays plus digne et respectueux des droits qu’iels aimeraient voir. La campagne Serlidersocialnoesdelito (être leader social n’est pas un crime) se poursuit pour dénoncer ces actes de criminalisation. Le collectif du Projet accompagnement solidarité Colombie joint sa voix à cette campagne et demande la libération des défenseurs de droits humains. Parallèlement à cette campagne, plusieurs autres groupes dénoncent fermement les mauvaises conditions carcérales et s’organisent pour dénoncer le système de détention colombien. Plusieurs grèves ont été organisées dans la dernière année. Nous nous joignons au Congrès des Peuples colombien pour dénoncer les violences systémiques du modèle extractif et des États qui soutiennent ces modèles. Surtout, nous envoyons de la force aux 3 camarades et nous nous tenons solidaires avec les communautés mobilisées contre ces politiques répressives.

pour mieux comprendre le contexte :

Notes :

[1Comme la compagnie d’État Ecopetrol donne le droit à des entreprises multinationales d’exploiter les puits de pétrole, la réversion est entendue comme le retour de ceux-ci au public.

[2http://www.cumbreagraria.org/3-mineria-energia-y-ruralidad/Le Sommet national agraire, ethnique et populaire fait partie d’une tentative des mouvements sociaux colombiens de fournir un espace afin d’articuler les problèmes auxquels ils sont confrontés et de trouver collectivement des solutions pour une nouvelle gestion du pays. Ce processus s’est construit à travers les grèves du secteur agraire de 2013, quand les paysan·nes sont descendu·es dans les rues pour exiger la fin des déplacements, de l’exploitation des travailleur·ses, de l’expropriation des terres et des ressources et des accords internationaux de libre-échange. Ils et elles demandaient également le droit à une vie digne. La Cumbre est reconnue depuis de 8 mai 2014 comme interlocuteur du gouvernement dans le cadre d’une négociation par décret présidentiel. Depuis 3 ans, les négociations piétinent. Teofilo, Adelso et Robert étaient tous trois négociateurs à cette table.

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