Picard flique et ses client·es et ses salarié·es ou la banalité du mal à l’heure du déj’

C’est arrivé près de chez vous, le contrôle social est partout...

Cela peut arriver à tout le monde de ne pas avoir le temps de cuisiner (surtout en ce moment de mouvement social) et d’aller claquer ses tickets restaurants dans la première grande surface de la grande distribution. Au hasard et par facilité géographique, j’ai nommé Picard, connu notamment pour ses plats bio et végé. Choix des produits, passage à la caisse, règlement, rendu monnaie et salutations d’usage : rapide (vu le peu de monde en magasin à ce moment) et efficace, comme une relation sur commande, manufacturée voire usinée...

Bienvenue chez Flicard !

Sauf que voici une agente de maîtrise (?) qui m’aborde tout sourire (hypocrite) : « on vous a demandé la carte fidélité ? » roucoule-t-elle. De client opportuniste me voici contremaître bénévole, je joue l’idiot « c’est à dire ? Je ne suis pas d’ici, je suis en formation cette semaine à Marseille » . C’est une question obligatoire m’indique la cerbère tout d’un coup nettement moins souriante... Quitte à jouer au plus idiot, j’ai appelé la direction qui m’indique que c’est en effet un sondage à effet national comme il y en a régulièrement dans l’enseigne à des fins évidemment de qualité... D’ailleurs mon interlocutrice m’indique benoitement que « précédemment lorsque nous avions évalué la qualité du sourire des hôtesses, personne n’avait refusé de répondre »... Par ailleurs, si on ajoute la rumeur apparue fin 2016 sur certains sites professionnels que la direction nationale ferait tourner des salarié·es mystère [1] (35-40 ans, CDD dans un magasin puis un autre etc. selon le principe de l’émission Patron incognito) sur la région parisienne afin de surveiller le fonctionnement de ses plus gros supermarchés, on peut en conclure : bienvenue chez Flicard !

Mr Freeze

Thèse 68
« Sans doute, le pseudo-besoin imposé dans la consommation moderne ne peut être opposé à aucun besoin ou désir authentique qui ne soit lui-même façonné par la société et son histoire. Mais la marchandise abondante est là comme la rupture absolue d’un développement organique de besoins sociaux. Son accumulation mécanique libère un artificiel illimité, devant lequel le désir vivant reste désarmé. La puissance cumulative d’un artificiel indépendant entraîne partout la falsification de la vie sociale » [2]

« L’effroi, vous savez, l’effroi que nous avons ressenti au début, en voyant qu’un autre homme pouvait se comporter de la sorte envers un autre, s’est apaisé ensuite, d’une certaine manière. Eh oui, c’est comme ça, n’est-ce pas ? Et j’ai ensuite constaté, sur ma propre personne, que nous étions devenus assez cool, comme on dit si joliment aujourd’hui. » [3]

Notes :

[1Concernant les client·es mystère chez Picard, voir le forum FO

[2Guy Debord, La société du spectacle

[3Une ancienne riveraine du Camp de concentration de Gusen qui voyait passer les convois de condamnés, page 21 in Sönke Neitzel et Harald Welzer (trad. Olivier Mannoni), Soldats. Combattre, tuer, mourir : procès-verbaux de récits de soldats allemands, Gallimard, coll. NRF Essais, 2013.

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