Initialement, cette date du premier mai vient des luttes ouvrières de la fin du dix-neuvième siècle aux Etats-Unis, et notamment de la grève générale du 1er mai 1886, suivie par plusieurs centaines de milliers de personnes, et dont les anarchistes étaient très largement à l’origine. Ce qui fera passer la date à la postérité, ce sont les événements qui se produisent alors dans la ville de Chicago.
Là-bas, la grève se poursuit, des usines sont occupées et les manifestations s’enchaînent, la répression allant en s’intensifiant. Le 3 mai 1886, trois grévistes sont ainsi tués par la police. Mais c’est le lendemain, sur le Square de Haymarket, que l’Histoire s’écrit. Une nouvelle manifestation était appellée pour protester contre les morts de la veille, quand une bombe explose dans le square, tuant un policier. Sept autres perdent la vie dans les affrontements et le chaos qui suit l’explosion, ce qui vaudra à cinq anarchistes d’être arrêtés arbitrairement et d’être condamnés à mort. Ils s’appelaient Albert Parsons, Adolph Fischer, George Engel, August Spies et Louis Lingg. L’Internationale choisira par la suite la date du premier mai en commémoration de ces anarchistes et de ces combats.
En 1891, c’est en France que le même type de scénario se reproduit : à Fourmies dans le nord, lors de la manifestation du premier mai, la troupe tire sur les grévistes, faisant neuf morts et inscrivant définitivement la date comme jour de deuil et de colère, comme journée de lutte radicale. C’est la fête des Travailleurs.
C’est en 1941 que le Maréchal Pétain, alors chef du gouvernement collaborationniste de Vichy, transforme cette commémoration en "Fête du Travail et de la Concorde Sociale", dans le contexte que l’on sait, pour appliquer à la lettre son slogan "Travail, Famille, Patrie" et tenter de reconstituer la fracture sociale et politique extrêmement forte provoquée par la guerre et la collaboration. Il exhorte à abandonner les luttes partisanes et les revendications politiques pour remettre la Nation sur pied, et donc en inféodant les travailleurs au travail. Le symbole de l’églantine rouge, qui prévalait jusque là, est quant à lui remplacé par le muguet blanc, que l’on trouve encore à chaque coin de rue aujourd’hui.
Depuis, on ne cesse de voir ces deux conceptions du premier mai rentrer en conflit l’une avec l’autre : d’un côté les défilés syndicaux (ou non) qui ne prétendent à aucun conflit réel, simplement à se représenter en tant que Travail, par secteur, et de l’autre des cortèges (parfois aussi en partie syndicaux) qui n’ont pas abandonné la combativité et l’esprit d’une lutte radicale contre l’Etat et le capitalisme, comme le démontrent les affrontements qui ne manquent pas d’éclater chaque année dans plusieurs villes.
Alors que les six derniers mois ont été le théâtre d’une répression débridée, mais aussi d’une résistance acharnée et offensive face aux attaques du gouvernement, faisons de cette manifestation une démonstration de force et de détermination. Le but ici n’est pas de partir à l’affrontement inutilement, mais bien de réaffirmer le Premier Mai comme jour de lutte, comme jour de conflit et d’antagonisme face au monde qui nous fait horreur, plutôt qu’une simple balade traditionnelle dont le sens se perd à mesure qu’on en vide les références historiques et politiques.
Pour nos blessé.es et nos mort.es, pour reprendre le pouvoir sur nos vies !