Silence académique face aux dérives Mac Carthystes chez Les Républicains

Le 25 novembre 2020, Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, a demandé au président de l’Assemblée Nationale la création d’une mission d’information parlementaire sur « les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », avant de lancer une chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux, en publiant sur Twitter les photos et contacts mail des universitaires qui s’étaient insurgés contre sa proposition. Nous nous appuyons ici sur le communiqué publié par la section EHESS de la Ligue des droits de l’homme, en soutien aux sept chercheurs enseigant.es dont l’une des membres d’Academia, Christelle Rabier, maîtresse de conférences à l’EHESS.

Dans le communiqué rédigé avec son collègue député Damien Abad, Julien Aubert justifie sa demande par « l’existence de courants ‘islamo-gauchistes’ puissants dans l’enseignement supérieur » et par « l’importation d’une ‘cancel culture’ venue des Etats-Unis ». Lorsque les journalistes lui ont demandé quelle étaient ses sources, il a répondu avoir pris la mesure de la situation à la lecture du magazine Valeurs actuelles, ce bien fameux organe de l’extrême droite française.

A l’annonce de cette nouvelle, quelques chercheurs-enseigant.es universitaires de différentes disciplines ont manifesté sur les réseaux sociaux, leur désaccord face à la création d’une telle mission d’information. En réponse, le député Aubert a constitué sa propre affiche des sept chercheurs-enseignant.es en question, la postant sur Twitter avec pour seul commentaire : « Les coupables s’autodésignent ». Aussitôt ces chercheur·es ont eu à essuyer leur lot de harcèlement, d’insultes et de menaces en ligne.

Le problème de fond, c’est que la manœuvre discriminatoire de ce député LR ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans un processus institutionnel porté par le gouvernement Macron, qui a pour but de « droitiser » radicalement le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et en finir définitivement avec une certaine tradition critique. En juin déjà, Emmanuel Macron accusait les universitaires de couper la République en deux (Le Monde, 10 juin 2020). Fin octobre également, Jean-Michel Blanquer,declarait sans honte que des universitaires "islamogauchistes" étaient coupables de complicités avec le terrorisme (https://academia.hypotheses.org/27305). Le tout se concrétisant avec la loi sur les séparatismes présentées en Conseil des ministres le 9 décembre, dans laquelle les universitaires critiques-militant.es-déviant.es sont directement visé.es.

La controversée loi sur la sécurité globale grâce à laquelle le simple délit d’ « atteinte à la tranquillité et au bon ordre des établissements » est désormais passible de 3 ans de prison et de 45 000€ d’amende, vient en quelque sorte achever ce combat gouvernemental contre la dimension politique combative des sciences sociales en général. Une façon efficace de faire taire définitivement les potentiels semeurs de troubles et de questions...

Une opération apparemment réussie, puisque les représentants officiels des institutions de l’enseignement supérieur (pour lesquelles travaillent les chercheurs et chercheuses harcelées) ont véritablement tardé à réagir. Gardant le silence pendant de longues semaines, ils ont finalement apporté officiellement leur soutien et protection aux enseignant.es visé.es, après que nombre d’associations et de militant.es aient dénoncé publiquement l’affaire (https://academia.hypotheses.org/29081).

Faisons rempart à la chasse aux sorcière du gouvernement et de l’extrême droite ! Mobilisons-nous contre cette attaque aux libertés fondamentales de la recherche et le harcèlement des chercheurs et chercheuses qui diffusent une pensée critique. Soutenons le travail de celles et ceux qui assument un combat contre les injustices et les inégalités sociales et qui continuent de défendre un savoir critique au dépend de leur sécurité.

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