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SOMMAIRE :
·Quand les montagnards ne savaient plus faucher
·Le tourisme ou la mort
·Activités de pleine nature
·Sur les pas d’un berger
·Comment soulever des montagnes
·Baskar Bir Dag
·Sous les tropiques la mine
EDITO
En France, au cours du xxe siècle, l’industrie touristique colonise les zones montagneuses, qui à l’instar d’autres territoires sont aménagées par des plans de développement étatiques qui font la part belle aux investisseurs. Après-guerre, l’économie touristique se structure en massifiant l’accès aux « loisirs ».
Plus près de nous, le projet Plan Tourisme 2020 prévoit l’arrivée de 100 millions de touristes dans tout le pays. À cet effet, un investissement financier d’un milliard d’euros est dirigé vers des infrastructures telles que la Compagnie des Alpes1, l’UCPA2, les Center Parcs, le Futuroscope, le Club Med, etc.
La mode du tourisme « écoresponsable » ramifie cette économie, préservant l’aspect immaculé du lieu, en construisant des infrastructures à « taille humaine » ou en faisant des rotations de touristes suffisamment espacées pour qu’ils se croisent peu et ressentent moins l’aspect massif de cette consommation. L’œil du touriste n’y voit que le ravissement du décor « naturel », ensoleillé ou enneigé, pour le meilleur de ses vacances ou de son temps libre.
Organiser un lieu touristique ne va pas sans le marketing de l’ « identité des terroirs ». On en imprime la valorisation typique par la création de labels. Ceux-ci créent par là de nouvelles normes, instaurant de multiples cahiers des charges. Les logos fleurissent de part et d’autre : I.G.P., A.O.C., Unesco, Natura 2000, Parc régional ou national. Il s’agit de rendre épique ou héroïque le passé local, à travers une réécriture du paysage, afin de produire une plus-value symbolique sur les lieux. Et tant pis pour ceux ou celles qui sonnent faux dans cette ode à l’authentique...
Qu’en est-il de ceux qui vivent du tourisme et en profitent, de ceux qui n’en vivent pas et s’y opposent, de la condition prolétarisée des saisonniers ; mais aussi des touristes eux-mêmes ?Ces différentes catégories sont d’ailleurs floues et interchangeables. Ne peut-on pas effectuer une saison au service des touristes et devenir touriste à son tour à un autre moment de l’année ?
Le tourisme envahit les imaginaires en structurant notre temps, nos échanges et les rapports à ce qui nous entoure. Il implique la marchandisation des espaces que nous habitons en confisquant les moyens de notre autonomie. La rédaction de Nunatak souhaite partager ce constat et en débattre. Aussi ce n’est pas au touriste en tant que figure de l’étranger indésirable que nous portons la critique, comme le font les réactionnaires, car nous considérons que c’est à l’entièreté de ce monde marchand qu’il faut s’en prendre.
Quelques textes et réflexions publiés dans ce numéro se croisent autour de l’économie des loisirs, des stations de ski à l’industrie du canyoning. Nous porterons aussi un regard sur ce que le tourisme a remplacé ou intégré, en suivant les pas d’un berger ou en allant voir ce qui se cache sous les clapiers. Nos réflexions sur la colonisation des espaces et des vies par les logiques capitalistes ne se bornent pas à un territoire donné : de la place Taksim aux mines de cuivre d’Amazonie, l’aménagement du territoire ou les projets industriels rencontrent la résistance des populations.