L’obscurantisme autoritaire de la Loi « séparatisme »

Le projet de loi « confortant les principes républicains » arrive le 9 décembre en conseil des ministres. Si les termes « lutte contre le séparatisme » ont disparu du texte, l’esprit demeure. Texte repris de lanticapitaliste.org

Les deux assemblées vont devoir se prononcer sur leur propre affaiblissement au profit de l’exécutif, sur la banalisation de la justice d’exception, sur, encore une fois, la désignation des musulmans et de leur culte comme boucs émissaires. Avec finalement le détricotage de quelques lois majeures de la 3e République, piliers de leur démocratie bourgeoise.

Une islamophobie d’État revendiquée

La plupart des 57 articles de cette loi scélérate jettent le discrédit et renforcent le contrôle sur les pratiques de l’islam. Ainsi, au délit d’intimidation contre un agent public pour obtenir un passe-droit déjà dans le code pénal, il est rajouté « pour des motifs tirés de convictions ou de croyances ». La sanction peut être alourdie dans ces cas à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Une nouveauté par rapport à la loi de 1882 sur l’obligation d’instruction : l’interdiction de l’instruction à domicile. Au motif que « l’investissement dans l’éducation par les mouvements séparatistes est l’un des dangers les plus graves contre lesquels la République doit se donner les moyens d’agir ». 0,5 % des 12 millions d’élèves ont une scolarisation à domicile pour des raisons fort variées. Mais Darmanin insiste : il faut « sauver ces enfants des griffes islamistes afin qu’aucun enfant ne devienne un petit fantôme de la République ».

Les mosquées sont incitées fortement à basculer sous le régime de la loi de 1905. Jusque-là elles relevaient plutôt de la loi de 1901 permettant de bénéficier de subventions d’État et de collectivités. Les financements étrangers seront soumis à contrôle ­administratif et pourront être refusés.

Un article appelé clause anti-putsch pour les associations cultuelles oblige les mosquées à créer un organe délibérant pour l’adhésion de nouveaux membres, ou le choix d’un ministre du culte pour éviter qu’un groupe de fidèles ne prenne le contrôle de la mosquée. Dans le même temps la peine pour atteinte à la liberté de culte est durcie, passible de 15 000 euros et 1 an de prison. Et le texte précise que la liberté de culte s’entend dans les deux sens : empêcher bien sûr mais aussi obliger une personne à adopter une religion.

Renforcement des pouvoirs de l’exécutif

Un ensemble d’articles concerne le contrôle plus strict des associations et élargit les causes justifiant leur dissolution. Celle-ci pourra être effectuée en procédure d’urgence pour trois ou six mois par la seule décision du ministre de l’Intérieur. Le fait du prince. C’est une remise en cause de la loi de 1901.

Le texte prévoit aussi de retoucher la loi de 1905 en intégrant la fermeture des lieux de culte dans cette loi. C’est par simple décision préfectorale que ceux-ci pourront être fermés.
Le délit d’apologie du terrorisme a été créé dans la loi sur le renseignement de 2015, avec des contours mal définis et susceptibles d’évoluer au gré des évènements. Désormais ses auteurs seront inscrits au fichier des auteurs d’infractions terroristes (le Fijait) ce qui permettra de les suivre et de les empêcher d’exercer certaines fonctions. De les traiter comme des terroristes.

Le délit de mise en danger d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée ou professionnelle existe déjà si la diffusion est suivie réellement d’une mise en danger. Cette loi punira la divulgation même sans conséquence. La comparution immédiate sera la règle, pour une sanction passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Le délit de haine en ligne déjà inscrit dans la loi sur la liberté de la presse de 1881 est réaffirmé dans ce projet de loi. Avec une nouveauté : les auteurs pourront être condamnés en comparution immédiate sauf s’ils sont journalistes. Une vraie inégalité de traitement entre journalistes et citoyenEs déjà présente à l’article 24 de la loi « sécurité globale ».

Partout en Europe, le roi Macron affirme que « la France des Lumières s’oppose à l’obscurantisme », mais chaque jour nous voyons l’obscurité grandir. Heureusement, chaque jour, des jeunes, des salariéEs, des migrantEs, des sans-logis, s’y opposent. Ensemble, en liant nos luttes, nous renverserons ce système !

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