Airbnb, ça suffit ! Interdisons les marchands de sommeil 2.0

Appel pour une campagne d’actions, d’affichage et de visibilisation des responsables de tous nos mal-logements !

Personne ne l’a ignoré, à l’approche du procès des effondrements de la rue d’Aubagne, et à un an des élections municipales, les annonces politiques pleuvent tout à coup sur le logement :

Cet été, la mairie annonçait enfin avoir débusqué « plusieurs milliers de propriétaires [Airbnb] dans la viseur », à peine deux jours après la fin des J.O.¹
Début octobre, quelques jours après un grand rassemblement des milieux de l’immobilier, le maire de Marseille annonçait même (enfin) mettre un terme aux « résidences secondaires » en Airbnb et sortait le projet de rénovation de 4 immeubles rue Jean Roque près des immeubles effondrés (sur les 10 000 logements annoncés en rénovation pour 2029). A grand renfort de communication, les agents de la mairie attaquent même désormais à la disqueuse quelques dizaines de boîtiers à clés des « meublés de saison » pendant que les élus dénoncent toujours les « marchands de sommeil criminels » de la rue d’Aubagne².

Le mal logement des Marseillais et la reconversion des marchands de sommeil …

Après des années à dénoncer l’aggravation des racines du mal-logement devant l’explosion irresponsable des locations courte durée, après de si nombreuses campagnes d’affichage sur la reconversion des marchands de sommeil ancienne manière en « marchands de airbnb » 2.0 attirés par la nouvelle rentabilité du logement marseillais, comment ne pas être en colère ?

À l’approche du procès qui débutera ce 7 novembre, rappelons quelques constats…

Avec plus de 15 600 annonces (et 400% d’augmentation depuis 2016), ce sont entre 25 et 30 000 Marseillais.es qui sont contraints par ce type de location de dégager de leurs logements, de leur quartier, de se reloger ailleurs ou de galérer à le faire. En parallèle, s’accumulent toujours les délogements par le péril et les augmentations de loyer.

D’ailleurs, les si radicaux milieux de l’immobilier le dénoncent depuis déjà un moment, après avoir cru à la poule aux œufs d’or quand les prix flambaient. Et si la mairie se range désormais à l’argument, le logement disponible, lui, a disparu. Après deux années à dénoncer la communication tant vendue du « petit coin de canapé en Airbnb pour boucler les fins de mois », tout le monde a compris l’effet néfaste de ces plateformes pour le logement des Marseillais.es. Rénovations tous azimuts pour d’autres, ruptures de baux en pagaille ou baux mobilité forcés, hausses démesurées de l’immobilier³, et des logements-prison où chacun.e reste par peur de ne rien retrouver. Revendiquer le moindre droit, pourrir à nouveau dans l’insalubrité pour ne pas se faire dégager… voilà pour nous les effets de « L’eldorado touristique » tant attendu. Il a surtout permis à de nombreux « marchands de sommeil », comme à Noailles justement, de se reconvertir, la plateforme étant passée étonnamment à côté de « l’obligation du permis de louer » en 2019, censée lutter contre la prolifération des taudis dans le quartier. Sans même parler de la destruction du voisinage et des quartiers comme ceux du Panier ou d’Endoume pour un marché profitant essentiellement à des multipropriétaires disposant de très nombreuses locations (jusqu’à 50 autour de La Plaine ou du Vieux Port). Quelle différence avec les 3,5% de propriétaires qui possèdent plus de 5 logements et accaparent 75% du parc privé dans le centre ancien de Marseille ?

Derrière la communication, la « carence » de la mairie n’est jamais loin, réaffirme pourtant par la préfecture à chaque saison. Près de 45 000 personnes sont toujours en attente d’un logement social dans une ville qui en construit bien trop peu. Et certainement pas assez pour que ses habitants ne soient plus à la merci des « marchands de sommeil » ou des « Airbnb ». Près de 40 000 logements et un huitième des Marseillais pourrissent toujours dans l’insalubrité. Mais la priorité semble loin, même à quelques pas des immeubles effondrés⁴.

Communication ou action ? Que la peur du mal logement et du dégagement changent de camp

Pourtant, le procès du 5 Novembre venant, la mairie déballe de tonitruantes déclarations et promesses sur le mal-logement. Elle enfourches disqueuses et gilets. Certain.es habitant.es zélés lui emboîtent le pas et en profitent pour faire de même, s’attirant les foudres de la ville et menaces de plaintes à tout va. On disque du boîtier de Airbnb, en veux-tu en voilà⁵. Pourquoi imiter une mairie qui enfin s’y collerait ? Peut-être parce que si tout le monde se réjouit d’une communication qui va bon train, d’autres doutent un peu du timing : deux jours après l’incroyable butin glané avec les J.O., ici⁶, à quelques jours du procès des effondrements, là. Bref, les habitant.es excédées ont bien des raisons d’encore douter et
s’activer. Car, à y regarder de près, les mesures annoncées consistaient en une simple lettre à l’ordre aux « multi-récidivistes » ne respectant pas la réglementation Airbnb. Quant à la fin
annoncée des résidences secondaires, seules seront touchées en réalité… celles à venir⁷ !

Les autres, validées pour cinq ans, continueront. Et l’obligation de compensation, qui établissait déjà quasiment le même programme, n’a jamais été respectée ni vraiment appliquée⁸. Enfin, les dites résidences principales seront bien souvent d’être détournées par ceux qui s’y connaissent en la matière, avec de faux-profils, des conciergeries et des SCI (sociétés civiles immobilières) insaisissables.

D’ailleurs, en désossant les boîtiers à clé, le business ne retourne-t-il pas simplement à son invisibilité ? Plus difficile à repérer, moins de colère habitante mais une même rentabilité. Bien communiqué au final. Question réglée.

Comme hier, les réseaux de propriétaires n’ont pas attendu une journée pour s’organiser et parler de tout passer en conciergerie voire de filer chez ces nouveaux partenaires directs de Airbnb : épiceries et commerces bardés d’un logo « KeyWest » et un QR code qu’on échange contre des clés sans même un mot adressé. Mais avec un vigile en guise de commerçant. Mieux qu’un boîtier.

Hier, alors que la mairie vantait encore la « taxe de séjour » pour rénover le centre-ville ou qu’elle affirmait que les réglementations freineraient le phénomène, les propriétaires s’échangeaient déjà tuyaux et combines sur les groupes privés ou les rassemblements à l’ArtPlex⁹, se faisant un malin plaisir de passer à côté des réglementations.

Seuls l’affichage massif, les plaintes en pagaille, le saccage médiatisé de quelques appartements et surtout l’action d’une « brigade citoyenne d’habitantes du centre-ville » ayant reversé quelques dizaines de boites à clés ont forcé la mairie a créer la sienne, de brigade et de « contrôle des Airbnb », et même à en doubler les effectifs (de 3 à 6 agents) à l’automne 2023.

Mais on entend encore aujourd’hui que ce mal-logement n’aurait pas le même fond ou les mêmes implications que les autres, que marchand de sommeil ou marchand de airbnb, ce n’est finalement pas pareil. C’est en partie vrai mais prenons quelques exemples qui en diront bien plus longs :

  • le prétexte du péril d’un Vincent Challier débarqué de Bordeaux pour en dégager les occupants au 30 rue Thiers et sa pratique de la découpe méthodique des logements en 14 chambres à louer en toute illégalité, avec co-living pour échapper aux impôts, pratique pas si lointaine du « roi des taudis » Gérard Gallas et ses innombrables logements découpés pour accroître la rentabilité¹⁰ ;
  • l’indécence du placement d’appartements avec vue sur la dent creuse comme au 74 rue d’Aubagne après quatre ans de fermeture, de rénovation, sans les habitant.es ;
  • la reconversion d’un Xavier Cachard, un des principaux mis en cause à venir comme propriétaire au 65 de la rue d’Aubagne effondré, avocat du syndic censé faire les travaux jamais réalisés et même conseiller régional qui désormais fait dans la location Airbnb, bien caché derrière ses concierges et Sociétés civiles immobilières comme au 2 boulevard Bouche à Forcalquier¹¹ après ses « problèmes avec des locataires à Marseille » comme il l’affirme lui-même.

Largement documentés, par les habitants, les observatoires militants, les médias locaux voire nationaux, ces faits nous suffisent amplement. Et si l’on est bien conscient que mettre fin aux Airbnb ne résoudra pas, loin s’en faut, tous les problèmes du mal-logement à Marseille, ne remplacera pas non plus les mesures concrètes d’encadrement strict des loyers, la construction massive de logement très social ou les hébergements d’urgence pour une population à la rue qui a explosé ces dix dernières années… cette question revêt pourtant un caractère d’urgence extrême.

Car, en détruisant en aussi peu de temps le nombre de logements disponibles et en pesant sur toute une partie du marché, elle renforce de tout son poids le mal-logement dans son ensemble. Devra-t-on attendre, comme dans bien d’autres villes, que tant d’habitants aient dû dégager du centre-ville pour en finir avec ces « marchands de sommeil 2.0 » ?

Pour toutes ces raisons, nous espérons, de concert avec toutes les victimes et collectifs mobilisés depuis six ans, que le procès du 5 novembre soit celui de la mairie Gaudin, de sa collusion avec les « marchands de sommeil », de Marseille Habitat et de l’abandon des habitant.es. Mais, parce qu’il mettra justement sous le feu des médias le mal-logement, nous appelons à ce qu’il soit aussi celui de cette spéculation immobilière et de la course à la rentabilité qui gangrènent nos vies.

Le logement n’est pas une rente pour quelques-uns, c’est un droit fondamental et une nécessité pour habiter dignement.

Nous appelons à ce que ce mois et demi de procès soit l’occasion de multiplier les actions contre tous ces multi-propriétaires qui se moquent éperdument de nos conditions de vie. Et à boycotter tous les associés, directs ou indirects, du Airbnb, conciergeries, KeyWest qui n’en finissent plus d’aggraver et de reconvertir le mal-logement.

Habitant.es ! Soutenez la mairie dans ses légitimes revendications pour en finir avec Airbnb !
Poussez-la même à passer enfin du secondaire au principal !

Affichez, visibilisez, empêchez les marchands de sommeil à l’ancienne ou 2.0. de nuire, par tous les moyens que vous jugerez bons ou nécessaires…

Dans vos quartiers, exigez la mise en place d’un référendum d’initiative locale pour choisir de mettre un terme vous-mêmes à ces locations dites de saison. 10 000 signatures (5 000 de moins que les annonces Airbnb) suffiront pour forcer la mairie à mettre en place une telle initiative. Faisable non ?

À vous, à nous, de nous défendre, de nous organiser, nous rencontrer, nous entraider.

La CAAG, Coordination des Actions Anti-Gentrification

¹ La Provence, 13 août 2024.
² La Provence, 08 octobre 2024.
³ +221% sur les dix dernières années à Marseille contre 160% à Paris par exemple.
Myriam Léon, MarsActu, 24 juillet 2024.
La Provence, 1er novembre 2024.
⁶ "JO : le maché des Airbnb rapporte plus gros à Marseille qu’à Paris", La Provence, 22 juillet 2024.
MarsActu, 09 octobre 2024.
⁸ Depuis 2022, tout deuxième logement en résidence secondaire placé en Airbnb doit être compensé par un « nouveau » logement (construit ou changé d’usage) en longue durée.
MarsInfosAutonomes, 12 novembre 2023.
¹⁰ Le Monde, 24 janvier 2024.
¹¹ Annonces Airbnb de Xavier Cachard.Annonce 1 Annonce 2

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