Aux étudiants : petits coups de hache sans gravité

A une jeunesse particulièrement endormie...

Cher ami étudiant,

Ceci est une interruption momentanée du programme établi

Passe ton bac d’abord, étudie ensuite, travaille enfin… jusqu’à ta mort. Au rythme des « réformes » actuelles, tu sais très bien que tu n’auras pas ta retraite avant l’âge de 70-80 ans minimum, de moins en moins de jours fériés, de plus en plus d’heures sups, le dimanche au travail, des vacances réduites, un salaire dérisoire, et un travail toujours plus déprimant.
travailler plus pour gagner moins, et burn-out pour tous !
D’accord avec ce programme, bien entendu ?
Eh bien continue, « réussis » tes examens, travaille et tais-toi. Sinon… Sinon appuie sur le bouton pause et commence à regarder par toi-même : voici, nous te tendons un miroir !

Tu écoutes, tu consommes, tu obéis

Du soir au matin, tes profs, ton télécran, ta radio, ton i-phone, te déversent une bouillie sonore que gentiment tu ingurgites, que bêtement tu déglutis, et qu’à tue-tête tu répètes.
Étudiant : t’es pas formé, t’es déformé ! Ta formation ? Un formatage !
Étudiant, ne t’inquiète pas, tu es entre de bonnes mains ! Ton avenir est tout tracé, généreusement préparé par tes parents, ta fac, ton entreprise. Tu le sais bien, n’est-ce pas : ils sont bons ! ils t’aiment ! leur seul souci : ton bonheur ! Et d’ailleurs, quelle chance, tu n’as même pas besoin de donner ton avis ! Tout cela, évidemment, ce n’est pas ton affaire : tu as bien trop à faire…

Les cours…
coûte que coûte tu les écoutes,
tu révises et tu t’épuises,
tu récites, puis tu oublies.

Comme les vaches regardent passer le train, tu regardes, hébété, passer les mouvements sociaux. Ceux-ci ne te regardent pas, tu n’es qu’un étudiant et éternellement tu le seras. Tu ne travailleras jamais, bien entendu ; tu es dans ton enceinte, bien au chaud, bien protégé, tu es membre d’honneur de l’University club ; tu as ta carte réservée, c’est pas donné à tout le monde, of course, les autres, ils n’avaient qu’à bosser un peu !

Et toi, et toi, et toi

Faut-il être un « gauchiste », un « idéologue d’extrême-gauche » pour croire que tu sortiras un jour de ta fac et deviendras un jour un salarié ? Tu as bien raison de ne pas céder à leurs sirènes ; écoutes plutôt tes profs, tes médias, ta télé. Eux, savent ce qui est bon pour toi.
T’as besoin de personne, toi, n’est-ce pas ? C’est toi qui t’es engendré tout seul, tu t’es nourri toi-même, et tu fais ton bizz tout seul, dans ton coin, sans rien demander à personne, toi. Parce que toi, t’as jamais rien demandé à personne, et que toi, tu t’es toujours débrouillé.
Ton seul objectif : tes examens. Ton seul but : ta réussite. Ta seule perspective : ta carrière.

Et si tu redescendais sur terre…

Tu penses que t’es différent parce que t’es jeune, parce que tu te cultives et tu t’amuses…

Miroir :
La culture, tu la consommes et elle t’assomme.
Tu cherches un abri dans les nuages et l’horizon t’échappe : sous le calme apparent tu n’as trouvé que l’ennui. La réalité se dérobe à tes yeux ; te voilà coupé de la vie, de ta vie.
Ta jeunesse, tu l’as abandonnée en cours de route.
Dans le Royaume éternel du Savoir, tu apprends à mourir.
Là-haut, tu ne vis plus, tu pourris.

Étudiant, tu es un croyant ! Tu penses qu’il suffit de fermer les yeux pour effacer le monde, tu regardes vers le ciel pour ne pas voir le sol à tes pieds : la descente risque d’être douloureuse ! Car, derrière la noble étiquette qui te définit comme « étudiant », gît et saigne la misérable réalité que tu refoules : dépendance, précarité, ennui, passivité, consommation, bêtise.

Ta vie de légume…

Tu en veux encore ? Lis plutôt : « Pépinière d’entreprises », « incubateur de jeunes entrepreneurs » … Ces expressions « humanistes » figurent en toutes lettres dans les communiqués rédigés par tes bienfaiteurs.
Voilà donc la conception qu’ils se font de la faculté, de l’étudiant et de ses chères études : l’université est une vaste serre et toi, tu es un légume !
Bientôt, tu seras assez mûr pour aller te vendre sur le marché du travail et pour servir, jusqu’à ce que tu pourrisses, la seule fin qui compte dans cette société : l’Économie.

jacktorrance@openmailbox.org

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