Me voilà devant le fait accompli. Même ça on me l’enlève. Peut-être que si j’avais su j’aurais au moins mieux choisi ma tentative. 18mg d’hypnotiques [1], juste de quoi dormir un peu (et faire quelques conneries, avant, avec mes amiEs).
C’est quand même incroyable cette propension qu’il y a à croire que quand on ingère des médicaments on a forcément envie de mourir.
T’as pas l’impression que ça déplace juste le problème ? Et si j’avais vraiment envie de mourir tu crois pas qu’il y aurait des centaines de raisons ? C’est ta société qui me donne envie de mourir, c’est d’elle que j’tente de m’anesthésier le cerveau. Et puis, la drogue tu me l’as donnée. Mise entre les mains, dans la bouche même. C’est toi même qui a vérifié que je ne recrache pas. Que j’avale docilement. Et j’ai avalé. Sagement. Tu pensais me faire passer la pilule. Mais en bonne boulimique j’ingère, j’ingère et je recrache quand je suis trop pleine. J’me suis empiffrée de rien pour combler mon vide intérieur. Que dis-je ? Pour faire taire mon tumulte intérieur. Parce que c’est loin d’être vide là-dedans. C’est juste ce monde qui est pas adapté. J’ai trop de mots, trop d’envies, trop de sincérité, trop d’émotions. Le monde est pas prêt. T’es pas prêtE alors t’essaie de me faire taire. Me bâillonner à coup de cachetons. Mais j’ai plus d’une ressource dans mon sac. Et surtout je te l’avais déjà dit, mais les amiEs sont les meilleurEs des alliéEs.
L’infantilisation. Tu connais ce mot ? Parce que c’est ça-même qui se passe quand tu me demandes d’évaluer ma douleur, de me justifier, d’expliquer. Tu veux savoir si j’ai assez mal, pour mériter l’antidouleur. Tu veux savoir si je suis assez triste pour mériter mon antidépresseur. Tu veux pas savoir si je suis assez anxieuse pour mériter mon Vallium. Tu veux apaiser ta conscience. Me droguer pour de bonnes raisons. A côté de ça, l’ignorance. Les regards. Les réflexions. Il faut sans arrêts justifier, expliquer.
Je n’arrive pas à manger avec du monde. J’ai une boule au ventre. Envie de gerber.
Je suis stressée.
Je te dis ça mais c’est pas suffisant. J’ai passé une journée et demie sans plateau repas car je refusais de monter manger en collectivité. Tu es venue m’apporter mon traitement. Tu as commencé par me dire qu’il fallait une prescription médicale. J’ai dit que j’en avais une. Oui, le/la psychiatre doit valider le fait de manger ou non dans sa chambre. Tu m’as dit que si vous ne la retrouviez pas, je n’aurais pas de plateau. Et tu as claqué la porte. Tu es revenu plus tard en me réveillant, me disant qu’il fallait que je monte manger. J’ai dit non. Tu es repartie. Et puis rien. J’ai pas mangé. De toutes façons ta bouffe me coupe l’appétit. C’était plus par principe. Et puis aujourd’hui quand même après avoir tenté de m’appâter en me disant qu’il y avait des croissants à l’étage, et que je t’ai dit que je n’irai pas. Tu t’es décidé en me donnant mon traitement de midi à me demander "pourquoi". Et crois moi que si j’étais en meilleure forme je t’aurais envoyé chier. Parce que j’ai pas à me justifier. Je passe ma vie à me justifier devant des gens qui pensent savoir mieux que moi. Alors je t’ai expliqué dans les grandes lignes. T’as rien dit et t’es repartie. T’es revenue 20min plus tard avec mon plateau repas... en me disant "comme vous avez bien parlé..!". La récompense. C’est comme ça en fait ? Et si je t’envoie le plateau à la gueule je suis privée de dessert ?
Plein de choses me sautent à la gueule. C’est vrai que d’habitude je suis shootée, là non. C’est plutôt positif et en même temps je rêve de planer un peu. Ces derniers jours, j’attends la nuit avec hâte. Je perçois les aberrations de l’HP. Le comportement des soignants, du personnel hospitalier. J’ai rencontré le gérant de la clinique. Mais quelle blague. Si j’avait pas tant besoin d’être là, si j’avais une autre alternative, je serais partie en courant et en m’arrangeant pour le bousculer un peu. C’est un en-cravaté, puant le fric et la fausseté. L’hypocrisie. Il fait comme si le bien être des gens l’intéressait mais il en a que faire. Ce qui lui importe c’est le biff qu’il va se faire au final. Je sais pas si des gens tombent dans le panneau mais vu le manque de finesse, je pense pas. Un horrible personnage. Mais que veux-tu. J’avais besoin de repos. Et comme d’hab quand on sait pas, qu’on sait plus, qu’on craque, que le vase déborde, on sait plus où aller. Et vu que je connais c’est vers l’HP que je me suis tournée. Alors me revoilà. J’avais besoin d’aide, de repos et sans doute que des gens pensent aussi un peu à ma place. C’est juste difficile d’avoir conscience de toute cette merde et de me dire que je suis aussi quand même un peu bien ici. Par dépit, c’est sûr. Parce que c’est tout un business, tout se paye et se monnaye. La bouffe, le café, les produits de soins. Il y a une liste avec plusieurs produits de soins et de papeteries à des prix exorbitants. C’est pour les personnes isolées, qui n’ont pas le droit de sortir, qui n’ont pas de visite. Comment profiter des galériens. Parce que disons le, j’ai pas réellement fait d’étude concernant le milieu social des gens, mais ça sent bon la précarité. La pauvreté à plein nez. Je dirais qu’au moins 90% des gens enfermés ici sont pauvres. Comme si la folie ne touchait que les pauvres. C’est ce monde de merde qui rend fou/folle.
L’argent. Poison.
J’avais l’impression de m’en rendre compte mais finalement, j’ai toujours plus ou moins vécu en collectif et à plusieurs même si les galères sont rudes c’est quand même moins éprouvant. Seule, j’ai franchement eu peur plusieurs fois. Et encore je suis pas vraiment seule. J’ai des amiEs. Je suis entourée. Ma famille peut malgré tout m’aider. Mais le manque d’argent et les dettes qui s’accumulent... la paperasse, les huissiers, les saisies... bref de quoi dégoupiller. Et c’est le lot de plein de gens. Qui n’ont déjà rien. Qui sont déjà seulE. On le sait. Comment ne pas devenir fou/folle ? A force d’avoir des galères, au départ on en rigole. Parce qu’on se croit au dessus. Et puis c’est galères sur galères...
Et y’a tout qui explose.
Crois moi que j’aurais préféré faire sauter le centre des impôts, la CAF... mais la réalité c’est que c’est ma tête qui a implosé...
Alors j’prends des vacances de vous, du monde. J’vais zoner avec mes semblables au cerveau détraqué, j’vais bouffer quelques médocs, me sevrer d’autres, manger de la bouffe immangeable, et regarder mon bébé dino sortir de sa coquille. Ouais, j’ai un bébé dinosaure qui est en train de naître.
Cassdéd aux amiEs qui sont venues. Vous êtes ma force et ma bouffée d’oxygène. Merci d’être au taquet, de m’écouter et de respecter mes choix. Je vous aime.