Cet article est une adaptation d’un passage de la brochure « La folle volonté de tout contrôler - Les fichiers d’identification administrative, de police, de justice et de renseignement : Utilisation des données et procédures pour leur suppression », publiée par la Caisse de solidarité de Lyon. Pour les références aux textes de loi, consultez la brochure originale.
Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé en 1998, et depuis il n’a cessé de prendre de l’ampleur. Par exemple, pendant l’année 2002 environ 4100 fiches ont été enregistrées dans le FNAEG, ; sur l’année 2010 1,5 millions de personnes ont été enregistrées, et sur l’année 2015, 2,75 millions de fiches sont rentrées dans le fichier. Au début de l’année 2016, le fichier rassemblait 3 millions de fiches sur environ 2,2 millions personnes, et une personne peut être fichée plusieurs fois, si son ADN a été prélevé sur plusieurs affaires.
Lors de sa création, il concernait les infractions sexuelles graves, les atteintes volontaires à la vie, les actes de torture et de barbarie... puis il a été élargi plusieurs fois (environ 6 fois) et aujourd’hui les flics peuvent faire un prélèvement d’ADN presque pour un oui ou pour un non.
Données concernées
La liste des personnes concernées par un prélèvement ADN est à l’article 706-55 du Code de procédure pénale. Plutôt que de faire la liste de tous les cas susceptibles d’entraîner un prélèvement ADN, on va citer quelques situations dans lesquelles le prélèvement est illégal :
- Les dégradations légères (plus légères que celles de l’article 322-1 du code pénal) ;
- Outrage, même à l’encontre d’un flic (article 433-5 du code pénal) ou au drapeau (433-5-1) ;
- Rébellion, même à l’encontre d’un flic (articles 433-6 et suivants du code pénal) ;
- Les violences n’ayant entraîné aucune ITT ou ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours
- Sans aucune circonstance aggravante (la liste des circonstances aggravantes est longue, voir
- l’article 222-13 du code pénal) ;
- Tous les délits involontaires (par exemple : violences involontaires)
- L’usage de stupéfiants (puni d’un an d’emprisonnement, article L3421-1 du Code de la santé publique), mais la détention de stupéfiants peut justifier le prélèvement de l’ADN ;
- La dissimulation du visage dans l’espace public ;
- Le recel (articles 321-1 et suivants du code pénal) ;
- Provocation et participation délictueuse à un attroupement avec ou sans arme (articles 431-3 et suivants du code pénal).
C’est possible de refuser ce prélèvement ADN, mais ça constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15’000 euros d’amende (article 706-55 du code de procédure pénale). Ça ne veut pas dire qu’on va prendre systématiquement cette peine, mais la peine prononcée varie beaucoup, de presque rien lorsqu’on est relaxé pour le délit pour lequel on est rentré en garde-à-vue, à quelques centaines d’euros d’amende et quelques mois de prison, le plus souvent avec sursis, lorsqu’on est condamné pour le délit principal. Aussi, si on refuse le prélèvement ADN alors qu’on est déjà condamné·e, cela enlève tout droit à des réductions de peine (mais on peut encore bénéficier d’aménagements de peine).
Si on refuse de donner son ADN, les flics peuvent le prendre par ruse (en récupérant de la salive, un mégot, un cheveu à condition qu’il soit tombé naturellement). Ils peuvent le prendre de force uniquement si on est condamné·e (et non pas seulement soupçonné·e) pour un crime ou un délit puni d’une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Durée de conservation des données
Les données sont conservées pendant 40 ans. Cependant, si l’ADN a été prélevé sur une personne suspectée d’un crime ou d’un délit susceptible
d’entraîner ce prélèvement, et que cette personne n’a pas été condamnée ensuite, les données sont conservées 25 ans.
Droit d’accès et de rectification
Pour l’accès aux données, il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au Chef du service central de la police technique et scientifique, ministère de l’intérieur, place Beauvau, 75800 PARIS Cedex 08 (Modèle de lettre ci-dessous).
Pour la rectification et la demande d’effacement des données, il faut remplir le Cerfa n°12411*02 et l’envoyer au procureur de la République compétent, c’est-à-dire regarder où l’ADN a été prélevé, regarder quel Tribunal judiciaire est compétent, et l’envoyer au procureur de ce Tribunal judiciaire en lettre recommandée avec accusé de réception.
Si le procureur refuse la suppression, on a 10 jours pour contester ce refus. Donc s’il y a refus expresse (réponse du procureur qui dit « non »), on a 10 jours à compter de la date de ce refus. Si il n’y a pas eu de réponse, ça vaut refus implicite, qui est effectif 3 mois après que la lettre avec accusé de réception de l’étape précédente a été réceptionnée par le procureur. Donc il faut compter cette date + 3 mois et contester sous 10 jours.
Pour contester cet éventuel refus du procureur, il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au Juge de la liberté et de la détention compétent pour les décisions du procureur dont on conteste le refus (donc le JLD du même Tribunal judiciaire). À cette étape, ça vaut le coup de demander l’aide d’un·e avocat·e. On peut citer l’arrêt de la CEDH, 18 avril 2013, M. K. contre France. On peut citer aussi la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981.
Si le JLD refuse aussi, ou s’il ne répond pas sous 2 mois, c’est possible de faire appel, avec le même délai de 10 jours. Il faut s’adresser au Président de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel dont dépend le Tribunal judiciaire, avec une lettre recommandée avec accusé de réception. Mais là, il faut vraiment un·e avocat·e.