Guérilla anarchiste au Kurdistan : un entretien avec l’IRPGF

Un entretien-fleuve avec les volontaires de l’IRPGF, une unité anarchiste intégrée aux YPG. Sur la lutte armée, le jeu des alliances, l’autodiscipline milicienne, le lien avec les populations civiles et les projets libertaires au Rojava.

À la fin du mois de mars 2017, la nouvelle se répandait qu’un nouveau groupe de guérilla anarchiste avait été formé au Kurdistan syrien (Rojava), l’International Revolutionary People’s Guerilla Forces (IRPGF, Forces de guérilla internationales révolutionnaires et populaires). Leur émergence a relancé les discussions à propos de la participation anarchiste à la résistance kurde et à la lutte armée comme stratégie de transformation sociale. Le site web Crimethinc.com a réalisé avec eux une très longue interview dans des conditions difficiles. Alternative libertaire, qui ne partage pas nécessairement les positions de l’IRPGF, en propose une adaptation en français, expurgée de ses redondances.

Cela fait des années que les forces kurdes accueillent des volontaires internationaux. Comment cela se joue-t-il dans la pratique ? Vous considérez-vous comme des acteurs égaux et autonomes dans les combats et la transformation de la société ? Ou bien, vous sentez-vous davantage comme des renforts alliés à leur défense ?

Toutes et tous les volontaires internationaux ne sont pas venus pour les mêmes raisons. Cela fait des dizaines d’années que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en accueille, dont des combattantes et des combattants issus de l’Organisation de Libération de la Palestine et de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA).

Récemment, c’est la montée de Daech (ISIS) en Irak et en Syrie, la tentative de génocide des Yézidis du Sinjar et la bataille de Kobanê, qui ont suscité le plus d’engagements. Mais avec des motivations des plus diverses. Le groupe Lions of Rojava, par exemple, a plutôt attiré des « militaros », de droite et religieux. Dans le même temps, des maoïstes de Turquie, membres du MLKP et du TKP/ML sont arrivé.es au Rojava – on les retrouve au sein des Forces unies de libération (BÖG) au Rojava, mais aussi au Bakur (Kurdistan de Turquie).

Ainsi, simultanément, pendant ces mois cruciaux à Kobanê, des fondamentalistes chrétiens, des fascistes et des islamophobes se sont battus côte à côte avec des communistes et des socialistes turcs et internationaux, et même quelques anarchistes. Beaucoup, cependant, n’étaient ni réactionnaires ni révolutionnaires et se définissaient simplement comme antifascistes, ami.es de la cause kurde, féministes, démocrates ou supporters du projet confédéraliste. Aujourd’hui la situation a évolué sur le terrain et beaucoup de réacs ont quitté les YPG-YPJ, mais le mélange reste éclectique.

Dans la pratique, les volontaires internationaux sont affectés à différentes unités, sur critères. Les vétérans de l’armée, par exemple, peuvent intégrer des unités (tabûrs) requérant une solide expérience militaire, comme celles de snipers (suîkast) et de sabotage (sabotaj). Les internationaux qui viennent se battre, pour des raisons idéologiques, pour l’anarchisme, le communisme ou le socialisme, peuvent aller s’entraîner dans l’un des camps du PKK en Turquie et se battre dans une unité de guérilla. La plupart, cependant, rejoignent les YPG-YPJ, aux côtés des combattantes et combattants kurdes, arabes, yézidis, arméniens, assyriens et autres au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS).

La position sociale des internationaux par rapport aux autochtones est complexe. Pour les habitantes et les habitants du Rojava, c’est gratifiant que des gens viennent les défendre alors que le monde entier, depuis près d’un siècle, a tourné le dos à leur espoir d’autonomie et d’autodétermination. Mais il y a aussi une sorte d’atmosphère de quasi-glorification des Occidentaux venus se battre, la sensation qu’on peut avoir d’être vus comme des trophées et, parfois, d’être un peu maternés.

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