Il y a des luttes qui si elles n’apparaissent rarement au grand jour n’en sont pas moins manifestes.
Depuis cinq ans maintenant, les habitant. e. s du troisième arrondissement de Marseille luttent pour l’ouverture et la sauvegarde du jardin Levat.
Commençons par rappeler quelques étapes de cette histoire singulière. En 2016, les sœurs victimes du Sacré-Cœur de Jésus quittent le couvent fondé un siècle et demi auparavant quand la belle de mai était encore un paysage de vignes et d’oliviers, et laissent derrière elle un morceau de campagne en plein cœur de Marseille.
La mairie Gaudin rachète le couvent et le donne en gestion à l’association Juxtapoz dont la raison sociale est d’empêcher l’occupation de locaux vides en y développant des activités artistiques.
La décision est prise à l’insu des habitant. e. s qui l’apprendront par Télérama. Elle est vécue comme particulièrement injuste et inacceptable au regard du manque d’espaces verts dans un des quartiers les plus pauvres de Marseille.
Couvent Levat, quelle place pour les habitants ?
Le texte suivant est le communiqué de presse de collectifs d’habitant-e-s de la Belle de Mai. Dans ce secteur paupérisé et abandonné par les pouvoirs publics, ils demandent à ce que la voix des habitants et (...)
Les associations et les habitant. e. s se mobilisent et obtiennent grâce à une série d’initiatives (pique-niques, assemblées, consultations auto-organisées) que le jardin s’ouvre enfin.
Depuis des usages à la croisée des besoins du jardin et des besoins des habitant. e. s du quartier se cherchent, s’inventent et s’approfondissent. Des usages pédagogiques, thérapeutiques dont l’esprit pourrait se résumer ainsi : prends soin du jardin, il prendra soin de toi.
Si le jardin s’ouvre partiellement, de nombreuses préoccupations et revendications portées par les associations et les habitant. e. s du quartier restent sans réponse.
Les heures d’ouverture du jardin sont insuffisantes ou inadaptées, et ne permettent pas aux personnes qui travaillent d’en profiter.
La programmation estivale de Juxtapoz qui attire des milliers de personnes l’été, est en l’état incompatible avec le soin et l’attention que suppose le jardin, et le met en péril.
Enfin, la transformation du couvent exclusivement en cité des artistes tourne le dos aux besoins du quartier. Le couvent pourrait aussi accueillir une crèche, une maternelle, une médiathèque, une maison des associations, un Groupe d’Entraide Mutuelle, une réelle salle polyvalente pour les habitant. e. s, un centre de formation professionnelle dirigé vers la jeunesse du 3e, etc.
Enfin et plus modestement, les associations du quartier réclament de pouvoir avoir elles aussi usage du bâtiment. Là encore, elles restent à ce jour sans réponse.
Quant au désir exprimé par les habitant. e. s de pouvoir décider ensemble du devenir de ce lieu, ou de partager sa gouvernance, n’en parlons même pas.
La mairie centrale en renouvelant le bail de l’association Juxtapoz reconduit la décision de l’ancienne équipe municipale, et sa vision de la ville et de la culture.
Plutôt que de créer des infrastructures qui permettraient à une population pauvre d’exercer son droit à la ville, elle développe des activités artistiques qui ne lui sont simplement pas destinées, si ce n’est à la marge.
Plus encore, cette décision traduit le manque d’ambition de cette municipalité qui avait à l’endroit du couvent Levat la possibilité de déployer un projet exemplaire qui aurait rompu avec les politiques de gentrification pour déployer un projet horizontal faisant fond sur la richesse associative du quartier, avec l’ambition de répondre aux besoins fondamentaux en savoir, en culture, en éducation, en soin.
Bref, une politique populaire visant à améliorer les conditions de vie des habitant. e. s du quartier.
Ce constat fait, la lutte continue.
S’il est important de continuer de réclamer les infrastructures qui manquent au quartier, il faut aussi renforcer les usages populaires existants du jardin Levat.
De ce point de vue un chapitre important s’ouvre dont il faut décrire les enjeux.
Dans les prochaines semaines, les prochains jours, doit s’ouvrir un processus de concertation devant aboutir au choix d’un ou plusieurs opérateurs chargés de la gestion du jardin, et à la rédaction d’un cahier des charges à leurs destinations.
Les contours de cette concertation restent flous et de nombreux éléments hypothèquent son bon déroulement : les délais très courts annoncés (janvier à mars), la période (hiver), et enfin la cinquième vague d’épidémie de Covid.
Ce projet de concertation suscite un certain nombre d’inquiétudes et de questions :
Les conditions seront-elles réunies pour que cette concertation implique un maximum d’habitant. e. s, et d’acteurs associatifs ?
Les habitant. e. s, les actrices et acteurs de la vie associative seront-ils simplement consultés ou pourront-ils prendre part à la rédaction du cahier des charges et au choix de l’opérateur ?
Le futur opérateur en charge du jardin ne va-t-il pas rogner sur les formes de collaboration, d’entraide, et d’autogestion qui se sont fabriquées chemin faisant ?
La concertation, et l’opérateur choisi, vont-ils permettre de développer et pérenniser la gestion collective du jardin, et les usages existants ?
Enfin, si à l’occasion de cette concertation, des règles d’usages du jardin sont élaborées collectivement, l’association Juxtapoz est-elle prête à les respecter, et à modifier sa programmation estivale en conséquence ?
Après deux réunions de préparation, l’association Juxtapoz refuse de prendre en compte les demandes et inquiétudes des usagers du jardin.
Nous invitons les multiples habitant. e. s du quartier, les associations, et tous ceux qui se soucient du devenir du couvent et de son jardin, à faire entendre leurs voix pour défendre un usage populaire du couvent Levat.
Des usagers et usagères du Jardin Levat.
Contact : 1_collectif_levat@riseup.net