Nous sommes arrivé-e-s vers 10h30 à l’enregistrement des bagages, en même temps que la plupart des passagers. Nous étions 20, parlant plusieurs langues, et nous avons pu discuter avec beaucoup de gens et diffuser de nombreux tracts. Plusieurs passagers étaient réceptifs à notre discours. Parfois même au delà : un homme dont la compagne faisait partie du RESF à Martigues nous promet qu’il connait la chanson et qu’il réagira dans l’avion, un autre qui nous assure qu’il ira parler au commandant, une femme qui prend nos numéros et nous tiendra informé-e-s jusqu’au lendemain...
Vers 11h45, les passagers n’ont toujours pas fini d’enregistrer leurs bagages. Une petite équipe va guetter la sortie des locaux de la PAF sur le tarmac, histoire de voir Mohamed quand il sort escorté par les flics, et qu’il nous voit tous, lui aussi, avant de monter dans l’avion. Pendant ce temps là, une équipe monte foutre un peu de boxon devant le quai d’embarquement. La salle d’embarquement n’est séparée de l’espace où nous avons accès que par une vitre. Tous les passagers de la porte 4 peuvent donc nous entendre gueuler “non aux expulsions”. Là encore devant nous quelques vrais soutiens de la part de passagers (du vol Allitalia, mais aussi d’autres vols). Et comme d’hab’ aussi, un mur de smartphone tout droit sorti d’un épisode de “Black Mirror”. Triste société du spectacle, triste époque aussi ... La dernière équipe, restée au chekking histoire de pouvoir checker les retardataires, fait la connaissance du responsable du vol, qui dit n’être au courant de rien et semble assez énervé de ne pas avoir été prévenu par la police ni même sa direction. Il commence alors à jouer du talkie-walkie pour faire annuler la déportation de Mohamed Saïd.
C’est le moment où la PAF choisi de transférer Mohamed du commissariat à l’avion. Le temps que les copains battent le rappel, Mohamed est déjà dans la camionnette des flics. Nous avons juste le temps de le voir saucissonné de la tête au pied, transporté par les flics comme un tapis. Nous avons juste le temps de le voir se jeter par terre dans la camionnette, et les flics poser leurs pieds sur lui. Lui, par contre, n’aura pas eu le temps de voir notre soutien avant d’être expulsé.
Nous remontons tous manifester notre colère devant le quai d’embarquement, où les passagers attendent toujours de monter dans leur avion, qui a plus de 20 minutes de retard. Nous aussi nous attendons avec angoisse que les passagers embarquent. Le sort de Mohamed est à présent entre leurs mains... Les passagers embarquent finalement, puis, plus rien pendant de longues minutes, jusqu’à ce que l’avion décolle sans que Mohamed ait été débarqué... Déception et colère aussi...
Nous crions encore un peu, encadrés de militaires, puis nous redescendons dans le hall de l’aéroport. Avant de sortir, nous croisons le responsable du vol, toujours en train de jouer avec son talkie-walkie. On a tous envie de lui dire “lâche l’affaire, l’avion est parti”, mais on est trop abattu pour ça.
Nous ne tarderons pas à avoir des nouvelles d’une des jeune femme solidaire de l’avion :
“Quand je suis allée vers le fond de l’avion et que j’ai dit que je ne souhaitais pas voyager avec quelqu’un qui refuse de voler, les flics m’ont répondu que c’était tout à fait légal selon le droit européen. Un monsieur m’a appuyé en disant que cela ne se fait pas d’expulser quelqu’un dans un vol civil, mais le flic lui a répondu que c’était toujours comme ça et qu’il ne devait pas souvent prendre l’avion. La responsable de cabine est venue me demander de m’asseoir et le flic m’a laissé sous entendre que je pouvais débarquer de l’avion si la situation ne me convenais pas. Ce que m’a confirmé la responsable de cabine. Je suis désolée je n’ai pas pu faire plus. J’étais seule contre deux flics agressifs et je n’ai pas osé. Quand je suis allée voir les flics pendant le vol et que j’ai demandé à parler à Mohamed, ils m’ont bien-sûr dit que ce n’était pas possible”.
Dommage que cette jeune femme courageuse n’ai pas été suivie par les autres passagers... En tout cas merci à elle !
Après une semaine, nous avons enfin pu avoir des nouvelles de Mohamed Saïd. Nous savons qu’il a passé une petites semaines dans les geôles de l’aéroport de Rome, avant d’être transféré dans un centre de rétention à Bari, au sud de l’Italie. Nous ne savons pas si ce centre est ouvert ou fermé, ni si Mohamed Saïd a pu voir un avocat. Nous savons seulement qu’il veut revenir et que nous l’y aiderons du mieux que nous pouvons.
La prochaine fois, c’est nous qui monterons dans l’avion pour ne pas qu’il décolle !!!!
NO BORDER ! NO NATION ! STOP DÉPORTATION !
Quelques personnes du CSM13 présentes ce jour là...