Il suffit de faire le tour de la Plaine, une semaine après le début des grands travaux de la Soléam, et d’aller discuter rapidement avec les petits commerçants et les patrons de bar pour comprendre très concrètement ce qu’il se passe.
On le savait, sur le papier, que l’objectif officieux du trio Gaudin-Chenoz-Lota c’était la politique du vide, l’éradication du quartier et de ses petits commerces. On avait déjà assisté à la mise en terre du plus grand marché de Marseille, lorsque, il y a un mois la Mairie s’amusait à balader les forains, à leur proposer des alternatives toutes plus foireuses les unes que les autres, à les diviser ethniquement, pour finalement leur faire accepter le plan social de l’entreprise Soléam qui revenait à : "Vous serez séparés en deux, à deux emplacements où vous aurez quasiment personne, La Joliette et le Prado, vous tenterez de survivre, et surtout vous fermerez vos gueules !"
On le savait, mais beaucoup ne réalisait pas vraiment, ou voulait encore y croire. Pourquoi donc les aménageurs, pourquoi donc la Mairie serait-elle contre nous ?
Une semaine après le début des travaux, annoncés pour 3 ans, la réalité fait mal. Même aux commerçants. La propagande de la Soléam pour certains ou alors, pour d’autres, son absence totale de com’, avaient suffi à endormir les esprits ou à faire rêver de millions. Aujourd’hui, tout le monde est réveillé et les rêves ont viré aux cauchemars...
Un petit tour de la Plaine, donc. Ce que l’on constate, tout d’abord, c’est qu’un certain nombre de commerçants ont peur de parler, craignant, comme ils l’expliquent, des représailles de la Mairie. Beaucoup se rappellent l’épisode des travaux de la rue de Rome, où pour faire passer le tram, le chantier s’était éternisé et avait fait baisser rideaux à bon nombre de commerçants. Certains d’entre-eux avaient demandé un dédommagement à la Mairie : ils l’avaient obtenus difficilement, et la municipalité avait décidé de leur faire payer cet affront par un contrôle fiscal deux ans après...
Pourtant les langues se délient sur la Plaine. Qu’ils tiennent magasin de photo, bars, salons de coiffure, magasin de téléphonie, boulangerie, snack..., la quasi totalité des commerçants parle de "catastrophe", Le mot revient plusieurs fois. Entre 30 et 80% de perte de chiffre d’affaire en une semaine de travaux. Et déjà des licenciements de serveurs dans les bars. Le déplacement des 300 forains y est pour beaucoup. Ils évoquent aussi la présence policière qui fait peur à tout le monde et qui éloignent la clientèle habituelle. Les bouchons, créés par le chantier, tout autour de la place et les lignes de bus détournées finissent d’enfoncer le clou de la désertification du quartier. En colère ou bien dégoutés, la plupart assurent qu’ils ne tiendront jamais 3 ans et qu’ils vont devoir bien plus rapidement mettre la clef sous la porte.
Seul le primeur "la Plaine fraicheur", côté St-Savournin - le "côté riche" de la Plaine - se fait le grand apôtre du projet en vendant ses légumes hors de prix aux bobos : pour lui, il s’agirait avec la rénovation de démanteler les puissants réseaux de drogues qui contrôlent la place. Rien que ça !
Les échos arrivant du quartier voisin, le Cours-Ju, ne sont guère meilleurs. Les restaurants à touristes et à bobos désemplissent nettement. Cet immense parking du centre-ville que représentait la Plaine tous les soirs à disparu du jour au lendemain et le calcul est vite fait : 500 voitures avec 2 personnes en moyenne dedans, cela fait 1000 personnes qui venaient du mercredi soir au dimanche soir s’encanailler et deverser leur pognon principalement au Cours-Ju. Voilà que le quartier de la nuit marseillaise se voit lui aussi lourdement impacté. Etait-ce là aussi le plan du tri démolisseur Gaudin-Chenoz-Lota ?
Un excellent reportage vidéo réalisé par Primitivi, Paroles de Plaine, revient lui aussi sur la colère des petits commerces de la Plaine après la première semaine des travaux :
Paroles de Plaine from primitivi on Vimeo.