Que s’est-il réellement passé à Tolbiac au matin du vendredi 20 avril ? Voilà une semaine que les réseaux militants et la presse corporatiste s’affolent à propos d’une hypothétique bavure policière.
Tout a commencé avec un article de Reporterre affirmant avoir recueilli trois témoignages occulaires d’une chute d’un occupant de Tolbiac sur la tête suite à une tentative d’interpellation de la BAC. Puis, une étudiante affirme face à la caméra de Le Media que « la première chose qu’on a vue [...], c’est un gars devant les grilles, la tête complètement explosée, une flaque de sang énorme ». Alors que le communiqué de la préfecture de police nie tout incident lors de l’expulsion, les témoignages semblent concordants, les réseaux sociaux et une partie des médias s’emballent. Les faits évoqués semblent graves : on parle de flaque de sang, de coma... Au milieu de la polémique un article paru sur Marseille Infos Autonomes évoque toutes les possibilités et va même jusqu’à envisager que l’État puisse dissimuler un corps.
La communication des réseaux militants (MIA compris) face à ce type d’événements est difficile. Il y a la volonté et la nécessité même de réagir vite, avec peu de moyens, ce qui rend difficile la vérification des informations nous parvenant malgré tous les efforts mis en œuvre.
Nous sommes bien évidemment en total opposition avec toute thèse complotiste ou toute forme d’obscurantisme. Cependant, l’expérience passée des affaires traitant de bavures policières comme celles d’Adama Traoré, Théo Luhaka ou Rémi Fraisse, pour ne citer qu’elles, nous montre que les sources telles que des témoins directs sont en général plus fiables que les communiqués de police ou la voix de grenouilles de bénitier telles que nos "grands" médias qui reprennent ces communiqués avec zèle.
Le 24 avril, Reporterre publie un démenti de son premier article recueillant les témoignages à l’origine de toute cette confusion. On y apprend que les témoins ont disparus sans donner suite à leur déposition, mais aussi qu’il s’agit de personnes sans domicile fixe et que d’après deux personnes parmi les occupants l’un est « perdu dans sa tête » et a « les traits de la mythomanie » tandis que l’autre « cherchait à se faire valoir ».
Pour résumer, Reporterre a recueilli des propos discréditant les témoins, les faisant subitement apparaître comme des SDF instables et n’a pas réussi à les retrouver, ni à en trouver d’autres. Les hôpitaux et la préfecture démentent la version des témoins. Le magazine en ligne conclue que leurs propos sont fallacieux et qu’il n’y a pas eu de blessé grave à Tolbiac. Il nous semble hautement problématique de juger de la qualité des propos d’un témoin à partir de sa condition de grande précarité ou à partir des propos d’un tiers. Un témoignage se vérifie avec des preuves.
Ça tombe bien, une caméra de la police devrait précisément avoir filmé la scène à l’origine de cette grande bouillie médiatique. Non pas que nous aimions tout à coup les caméras de surveillance mais pour une fois que les dispositifs de contrôle de la police ont une infime chance de se retourner contre elle, pourquoi ne pas en profiter ? Surtout qu’il est quand même étrange que la préfecture n’ait pas utilisé sa propre vidéo pour venir mettre fin à la rumeur.
Le 24 avril aussi, le journal Libération publie un article dans lequel il explique que l’étudiante qui affirmait qu’un blessé grave avait été vu devant les grilles est revenue sur ses propos et a avoué avoir menti. Il s’avère en réalité qu’elle n’a fait que préciser qu’elle rapportait, certes maladroitement, les propos de témoins. Elle l’explique elle-même dans une réponse à Libération.
À présent, il reste deux versions des faits. Les médias dominants, à la suite de Reporterre ont eu tôt fait de plier l’affaire, concluant à l’inexistence d’un quelconque blessé grave, une bonne partie d’entre eux en profitant pour taxer le mouvement étudiant de paranoïa, tandis que les occupant.es de Tolbiac viennent de publier un communiqué appelant à ne pas faire de conclusion hâtive : « plusieurs témoins affirment et réaffirment avoir vu une personne chuter des remparts et tomber sur la tête alors qu’un agent de la Brigade Anti Criminalité de Paris lui accrochait le pied, précipitant sa chute la tête la première. De même, des étudiant.e.s maintiennent avoir vu un camion de nettoyage, une bâche et une flaque de sang à ce même endroit [...]chaque jour de nouveaux éléments apparaissent, nous poussant à ne pas démordre que quelque chose de grave s’est passé à 5h30 au centre PMF et que les autorités cherchent à le cacher »
Les évènements du 20 avril ont donc besoin d’être définitivement éclaircis. Faisons confiance à ceux qui sont au plus proche des sources pour s’en charger.
S’il y a dissimulation de la part de l’État, elle doit être prouvée et la réponse doit être sans précédent.
S’il n’y a pas eu de blessés graves, tant mieux, mais rappelons que pendant que tout ce débat a lieu autour d’un évènement hypothétique, sur la zad de Notre Dame des Landes il y a plusieurs centaines de blessé.e.s avérés dont certain.e.s graves et que ailleurs la police harcèle, réprime et assassine toujours.
Pas de justice, pas de paix !