La méthode utilisée nous est désormais familière : édification de bâtiments prétentieux, organisation de grands événements et publicité agressive. À Valence, les pouvoirs publics ont investi dans un immense complexe de loisirs scientifiques et culturels comprenant un Musée océanographique, un musée des Sciences et un Palais des arts ultra-luxueux, le tout signé par le « starchitecte » maison : Santiago Calatrava. Le mirage offert par la nouvelle carte postale de Valence devenue « Cité des Arts et des Sciences » est censé masquer la double obscénité des coûts et des surcoûts de ces chantiers pharaoniques. Parallèlement à cette politique de construction, la ville s’est portée candidate et a obtenu l’organisation de grands événements : Coupe de l’America, circuit de Formule1… Derrière la marque d’ « excellence » recherchée pour la ville avance le désir non masqué de servir les touristes aux portefeuilles les plus garnis, ceux à même de remplir les 25 hôtels de 4 et 5 étoiles que compte la ville. Enfin, les dépenses en communication et publicité ont permis de propulser Valence dans le Top ten des villes à visiter du guide Lonely Planet.
L’envers de la carte postale est plutot effrayant
Côté purement économique, les infrastructures et événements ont placé la mairie et la Communauté valencienne [1] au bord de la faillite, les bâtiments – véritables conteneurs culturels – sont sous-utilisés [2]. La rentabilité économique et sociale n’a jamais existé. Si les pertes sont assumées par les contribuables, les profits, eux, capitalisés par les grands groupes internationaux du BTP ou de l’industrie touristique. Pas de mirage économique pour l’économie domestique des Valenciens, le revenu moyen y est 12% plus bas que la moyenne nationale. L’équipe municipale de Rita Barbera, aux commandes depuis 1991 et destituée aux élections de 2015 après 24 ans de pouvoir, est actuellement poursuivie en justice pour corruption et blanchiment d’argent.
Côté ville à vivre, les habitants se sentent exclus. S’ils se réjouissent globalement que les efforts de la municipalité aient permis de rendre Valence plus attractive, ils regrettent une situation de ségrégation entre la ville des touristes et la leur. Ils voient que leurs impôts ont servi à financer des infrastructures qu’ils ne peuvent pas utiliser (pour des raisons de coût d’accès et/ou de barrières plus symboliques comme l’utilisation de l’anglais ou le choix de sports comme les régates ou la Formule1,
qui ne sont pas précisément les plus populaires) alors que les politiques d’austérité ont réduit les dépenses partout ailleurs. Le constat aujourd’hui est amer : la ville projetée est simplement une fiction, un décor éloigné du quotidien des personnes qui y vivent les 365 jours de l’année.
Gaudin et l’invasion des cata-marrants
En 2014, Gaudin lance un nouveau projet pharaonique : un port de plaisance avec casino et marina sur le J1, entre Terrasses du Port et Mucem. Pour que ce bout de port encore voué au trafic maritime devienne une « vitrine du territoire », on exilerait les ferries corses vers le cap Janet, comme ceux d’Algérie et de Tunisie. Car il paraît qu’entre Nice et Marseille, les plaisanciers souffrent d’un déficit de places estimé à 800 anneaux… Et vers 2021, ce « spot dans l’industrie très porteuse du yachting » pourrait créer 3000 boulots de merde au service de ce beau monde. Joie !